Le Tour 2016, un bon cru ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Tribunes
Le Tour 2016, un bon cru ?
©Capture d'écran

Tribune

Le Tour, tout en participant au deuil national et aux hommages rendus, a continué, ne suscitant pas moins d’intérêt auprès de ses suiveurs habituels et de ses adorateurs, prouvant qu’il est bien autre chose qu’une simple compétition sportive : une partie du patrimoine national.

Michel Guérin

Michel Guérin

Michel Guérin est l'auteur de nombreux ouvrages sur le cyclisme.

Il a publié récemment, Les grands mots de la Petite Reine (Mareuil Éditions), dans lequel il raconte à partir de citations célèbres de coureurs ou de journalistes sportifs, la grande histoire du vélo.

Voir la bio »

Le Tour 2016 va donc se terminer, comme chaque année depuis 1975, sur son avenue de gloire, les Champs Elysées. Et puisque l’arrivée massive est devenue la tradition de cette dernière étape, on espère tous un sprint royal pour terminer en apothéose cette Grande Boucle.

Au fait, que retiendra-t-on de cette 103e édition ? Beaucoup de choses, assurément, mais pas forcément celles que l’on attendait ou que l’on espérait.

On se doutait que la vénérable épreuve allait devoir partager, dans sa première partie, la lumière médiatique avec un Euro de football festif qui se déroulait sur le même terrain qu’elle, à savoir le sol national (paradoxalement l’année même où ses organisateurs avaient décidé de privilégier un parcours hexagonal). Mais personne ne pouvait imaginer qu’elle soit frappée, comme l’ensemble du pays, par le tsunami émotionnel provoqué par le carnage de la Promenade des Anglais. Pourtant, c’est à ce moment là que sa magie opéra. Car, quel autre évènement sportif aurait pu résister et continuer à exister face à l’engouement de tout un pays pour son équipe nationale et à côté d’une tragédie innommable ? Aucun, en vérité.

Le Tour, lui, tout en participant au deuil national et aux hommages rendus, a continué, ne suscitant pas moins d’intérêt auprès de ses suiveurs habituels et de ses adorateurs, prouvant qu’il est bien autre chose qu’une simple compétition sportive : une partie du patrimoine national.

Revenons maintenant au sport. Ce Tour, assurément, bénéficiait d’un très bon tracé où toutes les castes du peloton - les routiers-sprinters, les baroudeurs, les grimpeurs, les rouleurs - pouvaient trouver leur compte. Pourtant, on a senti chez certains commentateurs une légère pointe de déception. Les échappés ? Peu sont arrivés à destination. Les sprints ? Cavendish, Cavendish, Cavendish, Cavendish, des miettes pour les autres. Les grimpettes ? Des bons coureurs au sommet, mais enfin où étaient les cadors ? Derrière Froome, bien entendu, tous derrière et lui devant…

Evidemment Froome a dominé son sujet, et cela mérite d’être noté. Il est rentré cette année, avec son équipe, dans la confrérie des grands dominateurs du Tour. Eh, quoi ! Cela est-il nouveau ? Sans donner dans le paléocyclisme, il suffit de se remémorer la main que mirent en leur temps sur l’épreuve Eddy Merckx et la Molteni, Miguel Indurain et sa Banesto, Lance Armstrong et l’U.S. Postal,... Rien de nouveau sous le soleil, donc, si ce n’est que par sa troisième victoire et la maitrise qu’il a mise à l’obtenir, Chris Froome et les Sky viennent de rejoindre le cercle très fermé des grands carnassiers de juillet. Même si certains considèrent qu’il aurait pu y mettre un peu plus de panache, en effectuant une longue chevauchée solitaire, il faut reconnaître que le Britannique a mis du sien en terme d’images : une descente aussi hallucinante qu’inattendue dans Peyresourde, où il fila à l’anglaise, à la barbe de tous ses rivaux en adoptant sur son vélo une surprenante et dangereuse position, qui, n’en doutons pas, fera référence ; une course à pied surréaliste sur le Ventoux, maillot jaune sur le dos, calles des chaussures crissant sur le bitume, vélo balancé sur le bas côté. Une chute, qui aurait pu s’avérer désastreuse et l’escalade du Bettex sur un vélo d’emprunt, maillot déchiré. Non, reconnaissons à Froome, certes parfois contre son gré, d’avoir peuplé ce Tour d’images qui resteront.

Parlons de Cavendish. Il a remporté quatre étapes. And so what ? comme on dirait du côté de l’île de Mann. Il avait disparu des radars et il est réapparu sur les routes de juillet pour devenir le sprinter le plus prolifique de l’histoire du Tour, passant, en termes de nombre de victoires d’étapes, devant Bernard Hinault lui-même, et menaçant le record de sa majesté Eddy Merckx. Mazette ! Cela mérite considération et le fait entrer, lui aussi, dans le Panthéon des héros de l’épreuve. Certes, il a mis la flèche avant Paris et a quitté le Tour pour mieux préparer les Jeux Olympiques, ce qui constitue sans conteste un crime de lèse-majesté, mais son émotion sincère lors de sa première victoire à Utah Beach et le port de son premier Maillot jaune lui vaut l’absolution. 

Et que dire du fantasque et épatant Peter Sagan, l’homme qui sait mettre de l’originalité dans la morne normalité du peloton ? Le porteur compulsif de maillots verts a enfin pu gagner plusieurs étapes dans un même Tour, trois et peut-être quatre si on veut bien considérer qu’il sera tout à l’heure, sur les Champs, l’un des principaux prétendants à la victoire.

Enfin, qui aurait parié sur un tel dénouement pour les couleurs françaises ? La faillite de Pinot, l’absence de victoires rendaient le commentaire tricolore maussade et défaitiste. C’était sans compter sur Romain Bardet qui, grâce à une troisième semaine de gala et une attaque d’enfer au bas de la descente du col des Saisies, redonna espoir à toute la France cycliste. Sauf catastrophe naturelle, il va terminer ce Tour à la deuxième place, une place gagnée à la pédale et qui annonce des perspectives radieuses pour l’avenir.

Alors, des Tour comme cela, finalement on en redemande. Et cette édition de 2016 qui se termine aujourd’hui sur "la plus belle avenue du monde", croyez-moi, restera un bon cru. Et puis, ce Tour aura a eu le mérite, le temps de trois semaines, de nous faire oublier certaines choses. Qu’il en soit remercié, et on attend vivement le prochain.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !