Le total des subventions publiques versées aux associations d’aide aux migrants est très supérieur aux chiffres officiels<!-- --> | Atlantico.fr
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Quel est le véritable montant des sommes consacrées au financement des associations d'aide aux migrants en France ?
Quel est le véritable montant des sommes consacrées au financement des associations d'aide aux migrants en France ?
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Budget 2024

La question du financement des associations s'est invitée au coeur des débats sur le budget 2024 à l'Assemblée nationale. Quel est le véritable montant des sommes consacrées au financement des associations d'aide aux migrants en France ?

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch est écrivain, essayiste et universitaire français. Il a enseigné l'image politique à l'Université de Paris XII, a contribué à l'élaboration de l'histoire de la littérature de la jeunesse et de ses illustrateurs par ses ouvrages et ses expositions, et a publié plusieurs ouvrages consacrés à l'Afrique et aux aspects sociaux et économiques de l'immigration en France. Il a notamment publié La France en Afrique 1520-2020 (L'Harmattan), La tentation Zemmour et le Grand Remplacement (Ovadia 2021), Le coût annuel de l'immigration (Contribuables Associés 2022).

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Atlantico : Le débat sur le budget 2024 à l'Assemblée nationale a permis d'en savoir plus sur le financement des associations d'aide aux migrants. Les chiffres des financements des associations bénéficiant de subventions au titre de la mission "immigration, asile et intégration" ont été communiqués. Quel est, selon vous, le véritable montant des sommes consacrées au financement des associations d'aide aux migrants en France ? Pour vous, ils sont sous-estimés ?

Jean-Paul Gourévitch : Ce chiffre est gris. Selon la sénatrice centriste Nathalie Goulet, les 30 associations recevant les montants les plus importants au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » sur le budget 2023 encaisseraient 413 millions d’euros. Mais cela ne tient pas compte des sommes qui leur sont versées au titre de la politique de la ville, du logement, de l’éducation, de la santé, de l’emploi, de l’action extérieure de l’Etat… Ainsi selon le jaune budgétaire Associations 2023,, l’Etat aurait en 2021 effectué 102 000 versements aux associations pour un montant total de 10,5 milliards d’euros. La mission « immigration, asile, intégration » y figure pour un total de 751 millions d’euros. Mais quelle est la part dédiée à l’immigration dans la mission « Egalité des territoires et politique de la ville » dont le montant est de 2,177 milliards d’euros, ou dans la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances » qui culmine à 795 milliards d’euros ?

On notera que plus de 95% de ces montants ne sont pas des prestations de services mais des subventions, alors que dans d’autres domaines comme la justice elles ne couvrent que 31% des montants versés (284 millions d’euros sur 915). Il faudrait y ajouter les contributions des collectivités territoriales qui, selon diverses études, financeraient entre 25 et 35% des actions de ces associations,  plus les dons et actions de solidarité de syndicats et de partis politiques favorables à l’immigration. Pour ces raisons, dans notre étude pour Contribuables Associés sur « le coût de l’immigration en 2023 : dépenses, recettes, investissements, rentabilité », nous avons relevé notre estimation minimale du financement des associations d’aide aux migrants à 1,2 milliard d’euros.

Ce financement est-il en hausse depuis ces dernières années ? Comment ces budgets et ces crédits sont-ils votés ? Est-ce qu'il y a des contrôles ?

Le Ministre de l’Intérieur et de l’Outremer Gérald Darmanin a déclaré le 12 avril 2023 en réponse à une question de Nathalie Goulet, que l’action des associations est « strictement encadrée ». Or le nombre même des associations impliquées rend impossible toute tentative de contrôle de chacune. On peut penser que les plus importantes qui exercent des missions d’aide aux migrants réguliers et irréguliers comme la CIMADE, ou France Terre d’Asile (aujourd’hui présidée par Najat Vallaud-Belkacem) et qui s’est spécialisée dans la gestion des CADA et dans l’accompagnement des mineurs isolés étrangers, des personnes régularisées et des étrangers retenus, pourraient difficilement enfreindre les règles de la comptabilité publique. Mais les démêlés d’associations comme SOS-Racisme avec la Cour des Comptes ou les actions en justice dûment médiatisées qui ont touché l’ancienne députée Sylvie Andrieux, la famille de Théo Lusaka ou d’Adama Traoré, conduisent à s’interroger sur la validité de la profession de foi du ministre.

En fait et sans polémiquer sur la chasse aux fraudeurs, nous sommes devant une situation que connaissent bien tous ceux qui ont en charge la gestion des finances publiques : la politique de guichet. Faute de temps à consacrer à chaque chapitre du budget, et parfois de ressources humaines suffisantes pour mener à leur terme des expertises ciblées, l’administration se contente le plus souvent de reconduire d’une année sur l’autre les sommes votées quitte à les moduler en fonction de la conjoncture. Il suffit de consulter le top 20 des associations les mieux financées par l’Etat pour voir que ce sont toujours les mêmes qu’on retrouve par exemple dans les associations oeuvrant pour l’entraide : Aurore, Emmaüs Solidarités, la Croix-Rouge, l’Association des cités du Secours Catholique, le Centre Social Protestant ou Coallia qui est le nouveau nom de l’Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches, et qui occupe la pole position des association les plus gourmandes au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » avec près de 98 millions de subventions.

C’est seulement quand des détournements de fonds apparaissent manifestes que les médias et l’opinion publique se mobilisent pour des remises en cause qui sont souvent rapidement digérées par une actualité vorace. Aussi je suis pleinement solidaire de l’association Contribuables Associés qui forte de ses 350 000 membres, ne vit que de leur cotisation et de leur générosité, sans aucune subvention de l’Etat, et mène une politique d’information sur le système fiscal et la gestion de l’argent des citoyens, en dénonçant les gaspillages et en encourageant un esprit d’économie dans les dépenses publiques. 

Quelles sont les principales dérives dans le financement des associations d'aide aux migrants ? Selon la Fondation IFRAP, concernant le cas de la famille de l’auteur de l’attentat à Arras ayant ciblé le professeur Dominique Bernard, le gouvernement sous-traite l’essentiel de la gestion des migrants à des associations, qui aident notamment les familles à faire des recours quand leurs demandes d’asile sont rejetées. Est-ce que nous finançons le terrorisme à notre insu avec l'argent de nos impôts ?

On ne peut pas sérieusement avancer que nos impôts contribuent au financement du terrorisme même si des associations vivant de fonds publics ne sont ni claires dans leurs actions et revendications, ni transparentes dans leurs objectifs. Certaines ne sont que des boîtes aux lettres sans efficacité reconnue et le financement dont elles bénéficient sert principalement à rémunérer leurs permanents car elles souffrent, comme bien d’autres, d’une crise du militantisme. On a vu des appels à manifestations, signés et relayés par des centaines d’associations, ne mobiliser que des dizaines de participants. Mais cette situation n’est pas généralisable.

La difficulté est par exemple que des associations d’aide aux migrants irréguliers sont amenées dans le cadre de leur action à s’opposer, parfois frontalement, aux décisions de l’Etat qui les finance et à entretenir un climat de défiance et de contestation chez ceux dont elles ont la charge. Faut-il pour autant supprimer toute aide ? L’Etat subventionne des partis politiques, des syndicats et des médias qui lui sont notoirement hostiles et certains s’en émeuvent à juste titre. La gestion démocratique des fonds, telle qu’elle apparaît par exemple dans le remboursement des frais de campagne des candidats en fonction de leurs résultats et non de leur notoriété ou de leur prétendue influence, devrait davantage inspirer nos gouvernants que la politique clientéliste dont ils n’arrivent pas à se départir.

Eric Ciotti proposait de faire évoluer drastiquement le financement des associations d'aide aux migrants en divisant leur financement par deux. Même si cet amendement a été déposé et rejeté cette semaine, ce projet est-il un exemple à suivre pour réformer le financement des associations d’aide aux migrants ?

Il faut certes encadrer le financement sur fonds publics des associations d’aide aux migrants à partir d’enquêtes de la Cour des Comptes et de ses chambres régionales sur leur fonctionnement, leur financement et les résultats de leurs actions comme Contribuables Associés l’a proposé dans son rapport envoyé à tous les députés le 23 octobre 2024 et qui a été présenté oralement à une soixantaine d’entre eux le lendemain. Sur la méthode à utiliser, je n’ai pas de jugement personnel à porter sur la crédibilité de la proposition d’Eric Ciotti. Je pense simplement que pour éviter une diminution drastique et inopinée de leurs ressources qui mettrait en péril l’existence même de certaines associations dont le travail est reconnu d’utilité publique, il serait bénéfique de négocier avec elles, sur une base pluriannuelle, une diminution progressive de l’aide de l’Etat, qui les obligerait par ailleurs à cibler davantage leurs actions en fonction des ressources propres qu’elles obtiendraient. C’est, toutes choses égales, une démarche un peu analogue à celle qui a conduit à l’autonomie progressive des universités.

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