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5 ans et demi après leur décision de quitter l'Europe, les Britanniques commencent à ressentir les premiers inconvénient liés au BREXIT.
5 ans et demi après leur décision de quitter l'Europe, les Britanniques commencent à ressentir les premiers inconvénient liés au BREXIT.
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

5 ans et demi après leur décision de quitter l'Europe, les Britanniques commencent à ressentir les premiers inconvénient liés au BREXIT, effectif depuis le 1er février 2020.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Il y a près de 5 ans et demi, le 23 juin 2016, les Britanniques avaient voté pour quitter l’Europe. Mais, les délais mis pour conclure le traité de retrait avec l’Union européenne ont fait que la séparation n’est effective que depuis le 1er février 2020, soit il y a vingt et un mois.

Jour après jour, la liste des inconvénients consécutifs au BREXIT ne cesse de s’allonger :

  • Le Royaume Uni a perdu des institutions européennes jusque-là installées sur son sol. L’Agence européenne du médicament a rejoint Amsterdam, l’Autorité bancaire européenne a déménagé à Paris.

  • Le cœur boursier européen a quitté Londres pour retourner sur son lieu de naissance, Amsterdam. Aujourd’hui, les sociétés se précipitent à Amsterdam pour y installer leur siège social, et être coté à la Bourse. L’Europe boursière continentale existe et se développe avec Euronext qui regroupe sept Bourses, Amsterdam, Bruxelles, Dublin, Lisbonne, Milan, Paris et Oslo.

Pour sauvegarder la vocation financière de Londres, le chancelier de l’échiquier, M. Rishi SUNAK a développé une stratégie autour de plusieurs axes : finaliser avec Bruxelles le cadre réglementaire des établissements britanniques vis-à-vis des clients européens, établir des relations avec des centres financiers comme Singapour et la Suisse, placer la City à l’avant-garde de la finance verte…

  • En attendant que ce plan produise ses effets, le Royaume a perdu de la substance financière, ce qui constitue un problème systémique. Le PIB britannique n’a progressé que de 1 % depuis 2016 alors que dans le même temps, le PIB de la zone euro a augmenté de 8 %. Au classement mondial, le Royaume Uni a perdu une place. Depuis 2016, le PIB par habitant est demeuré autour d’un peu plus de 40 000 $.

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  • Dans le même temps, la livre sterling a perdu 10 % en passant de 1,31 € à 1,18 €.

  • Au-delà des effets de la pandémie, les échanges commerciaux avec le reste du Monde se sont ralentis dans l’attente de la négociation et de la mise en place des accords commerciaux pour remplacer ceux conclus par l’Union européenne. S’inscrivant dans l’objectif de « Global Britain », l’enjeu est de taille pour l’avenir du pays.

Dans l’attente de la reconstitution de nouveaux courants commerciaux, les échanges avec le continent sont ralentis par l’émergence de contrôles réglementaires ; le pays est ainsi confronté à de nombreuses pénuries.

Au-delà des conséquences négatives du BREXIT, le Royaume-Uni doit faire face à de nombreuses difficultés :

  • Après une gestion chaotique de la pandémie, celle-ci s’était stabilisée au point de permettre depuis juillet la suppression du masque en intérieur, la fin de l’obligation du « passe sanitaire » et la remise en cause des restrictions. Mais, aujourd’hui, la circulation du virus est repartie. Chaque jour sont décomptés 150 morts et le nombre de victimes dépasse les 160 000 victimes depuis le début de la pandémie.

  • Après une baisse du PIB de 10 % en 2020, Boris JOHNSON mettait en avant la perspective du plus fort taux de reprise du G7 pour 2021. Mais c’était sans compter avec les pénuries consécutives au BREXIT et les manques de main d’œuvre dans de nombreux secteurs d’activités ; après avoir prévu une hausse de 7,5 %, la croissance a été revue à la baisse par la Banque centrale d’Angleterre et il est encore trop tôt pour afficher une prévision fiable.

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  • L’inflation est apparue à un niveau supérieur à 3 % et certains l’estiment à plus de 4 % cet hiver. Le Gouverneur de la Banque centrale d’Angleterre considère que le mouvement est lié à la hausse du prix de l’énergie et qu’il est temporaire ; il n’en demeure pas moins qu’il a laissé entendre un prochain resserrement de la politique monétaire. Les opérateurs attendent pour la fin de l’année une première augmentation des taux d’intérêt, aujourd’hui à niveau exceptionnellement faible de 0,1 %.

  • Un des sujets débattus lors de la campagne référendaire portait sur l’immigration, et notamment sur la directive relative aux travailleurs communautaires ; souvenons-nous du « maçon polonais » qui prenait le travail des Britanniques ! Aujourd’hui, plus de 5 millions d’Européens ont demandé le statut de résident. Polonais, Roumains, Bulgares Lithuaniens, ouvriers venant du Sud de l’Europe essaient de répondre à la forte demande de main d’œuvre pour des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, la santé, les transports. La pénurie constitue un frein au redémarrage de l’économie après la pandémie. Il en résulte une forte pression pour assouplir les règles immigration.

Pour faire face à ces difficultés, ainsi qu’aux déceptions face à la réalité quotidienne du BREXIT, Boris JONHSON cherche des boucs émissaires :

  • La situation juridique de l’Irlande du Nord. Quoique partie intégrante du territoire britannique, cette région fait partie de l’Union douanière et du marché unique européen. Dublin avait opposé son véto à toute solution visant à recréer une frontière entre le Nord et le Sud de l’île irlandaise. Londres a été obligé de retenir la situation hybride d’une Irlande du Nord partie prenante du marché unique européen bien que britannique.

Mais Boris JOHNSON a du mal à accepter cette situation qui pourrait constituer un précédent pour le rattachement de la province britannique à la République d’Irlande. N’hésitant à évoquer l’article 16 remettant en cause cet accord, le Premier ministre britannique risque de braquer les Européens et de les conduire à l’intransigeance, nonobstant la propension bruxelloise au compromis.

  • L’accord sur le BREXIT permet aux Européens de pêcher dans les eaux territoriales britanniques sous réserve d’obtenir une licence. Or, prétextant une information insuffisante, Londres refuse de délivrer de telles autorisations aux Français, ce qui a conduit Paris à menacer de réduire les livraisons d’électricité à Jersey ou à prendre des mesures de rétorsion dans les secteurs de la finance et de la recherche.

  • Avec l’alliance AUKUS entre l’Australie, les États-Unis et le Royaume Uni, Boris JOHNSON veut démontrer que son pays n’est pas isolé et qu’il a encore une relation privilégiée avec les Américains. Avec perfidie, il a accompagné les Australiens pour trouver, avec l’aide de Joe BIDEN, une alternative aux sous-marins français.

La perte de ce contrat est désagréable pour Paris. Mais, ne pas participer à cette alliance est autrement plus préjudiciable pour la puissance indopacifique qu’est la France avec la Nouvelle Calédonie, La Polynésie ou Wallis et Futuna…

Comme en son temps Donald TRUMP, les locataires de la Maison Blanche et du 10 Downing Street ont tort de négliger un allié comme la France et de fragiliser ainsi l’OTAN. Dans la démarche de vouloir contenir l’expansionnisme chinois, Washington aura besoin de tous ses alliés historiques.

  • Dans son souci de diminuer l’isolement du Royaume Uni, Boris JOHNSON semble chercher à renouer avec Vladimir POUTINE. Même si cela peut se comprendre, il s’agira de connaître la position diplomatique britannique sur l’annexion de la Crimée, le soutien du Kremlin aux groupes sécessionistes dans l’Est ukrainien, les sanctions… ?

Pour le moment, ces cinq premières années du BREXIT ne paraissent pas pertinentes. Malgré des résultats peu probants, voire négatifs, toutes les études d’opinion laissent entendre que les sujets de sa Majesté sont encore favorables au « leave » même s’ils ont ouvert les yeux sur les promesses non réalisées.

Aussi, au lieu de chercher des sujets de diversion, Boris JOHNSON devrait s’atteler à faire face à de nombreux défis :

  • Réduire les inégalités régionales entre le Grand Londres et le reste du pays, en déployant le programme du « levelling up »

  • Procéder à d’importants investissements pour améliorer ses services publics en matière de transports et de santé

  • Faire face à l’épuisement de la ressource pétrolière. Après avoir atteint un pic en 1999-2000, la production diminue au point que le pays est devenu importateur net d’énergie depuis 2004

  • Conforter les chaines d’approvisionnement du pays

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