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Le surprenant silence du Hamas dans l’affrontement entre Israël et djihad islamique palestinien
©Thomas COEX / AFP

A l'écart

La semaine a été marquée par une reprise des affrontements entre Israël et Gaza. Affrontements qui opposaient l'Etat hébreu aux djihadistes du Djihad Islamique Palestinien, et qui ont été marqués par l'absence de riposte du Hamas.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Durant 48h, cette semaine, les affrontements entre Israël et la bande de Gaza se sont multipliés. Mais cette fois-ci, le Hamas est resté en retrait. Pourquoi ce choix, relativement inédit, de la part du mouvement islamiste palestinien ?

Alain Rodier : Les relations entre Israël et le Hamas sont anciennes et ambiguës. À savoir que des analystes ont toujours pensé que la création en 1987 du Hamas - mouvement politico-religieux issu des Frères musulmans - avait été favorisé par l'État hébreu pour contrebalancer l'influence de l'OLP et de l'Autorité palestinienne de Yasser Arafat. Cela dit, les affrontements entre Israël et le Hamas ont toujours été virulents. Les derniers dataient du 14 mars 2018 lors de l'installation de l'ambassade américaine à Jérusalem. Il y aurait alors eu en une seule journée plus de 55 morts dans la bande de Gaza. Samedi 16 novembre matin, on en comptait déjà au moins 34...
Depuis des années, ce mouvement soutenu financièrement par Téhéran sert les intérêts de l'Iran en représentant une menace militaire directe à la frontière sud d'Israël. Même si la situation a évolué avec le temps, ce "fondamental" reste d'actualité. Mais, pour l'instant, c'est le Jihad Islamique Palestinien (JIP) fondé en Égypte au début des années 1970 également soutenu par Téhéran via le Hezbollah avec lequel il entretient des liens privilégiés qui a été à la manoeuvre en riposte à la neutralisation le 12 novembre d'un de ses dirigeants commandant la brigade Al-Qods, Abou Al-Ata (ainsi que son épouse Asma). Depuis, plus de 450 roquettes ont visé le sud de l'État d'Israël dont une partie a été interceptée par le système de défense Iron Dome.    

Le Jihad islamiste palestinien (JIP) multiplie dernièrement les frappes contre Israël. Quelle est la position adoptée par le Hamas vis à vis du groupe djihadiste ? Alors qu'ils étaient jusqu'alors alliés, qu'elle sont actuellement leurs relations ?

D'un côté, il y a 30 000 combattants du Hamas. Ce mouvement semblait avoir décidé de ne pas prêter main forte au JIP ne souhaitant vraisemblablement pas compromettre la trêve avec Israël - négociée sous l'égide de l'ONU avec le concours direct de l'Égypte et du Qatar - prévoyant des millions de dollars en aide mensuelle.
De l'autre, environ 6 000 membres du JIP qui refusaient cette trêve car ils remettent en cause la suprématie du Hamas sur la bande de Gaza.
Mais tous ces chiffres restent sujets à caution car les activistes passent rapidement d'un mouvement à l'autre quand ils n'appartiennent pas aux deux simultanément. D'ailleurs, des tirs de roquettes survenus jeudi 14 matin ont été attribués par Israël à des activistes du Hamas. L'aviation de l'État hébreu a alors riposté en visant des installations de cette organisation jusqu'ici soigneusement épargnée.
Le problème est insoluble actuellement - et pour de nombreuses années - car personne ne dirige complètement la bande de Gaza qui est forte de près de deux millions d'habitants - l'Égypte et Israël s'entendent pour limiter son pouvoir de nuisance mais cela ne peut pas aller bien loin. Téhéran est en soutien, mais avec des moyens qui restent limités car l'embargo maintenu par Israël est efficace. Quoique, le Hamas et le JIP ne semblent pas manquer d'armes, de munitions et de roquettes (dont nombre d'entre elles sont fabriquées localement). Cela prouve que malgré les efforts d'Israël et de l'Égypte, les contrebandiers (surtout venant su Sinaï qui continue d'être une zone de non droit où Daech se déplace comme il l'entend) sont toujours à l'oeuvre. 

Si depuis un an, le Hamas s'est montré moins agressif vis à vis d'Israël et qu'il est actuellement allié de circonstance avec et l'Etat hébreu, cette mise-en-retrait volontaire destinée à préserver les intérêts du peuple palestinien, peut-elle durer ? 

Le Hamas n'est pas un "allié objectif" d'Israël mais un "interlocuteur obligé". Comme Israël a renoncé à contrôler militairement la bande de Gaza, il est bien forcé de "parler" à des interlocuteurs qui ont un minimum d'autorité sur les populations locales. Comme cela a été évoqué plus avant, le Hamas est loin de contrôler l'ensemble des activistes présents sur zone (et pas seulement le JIP). Comme le JIP, le Hamas est soutenu par Téhéran  - même s'il y a eu un froid au début de la guerre civile syrienne car le Hamas avait soutenu les rebelles. Il avait alors été contraint d'évacuer la Syrie pour repositionner ses instances dirigeantes entre Gaza et le Qatar. Depuis, les choses se sont apaisées, l'Iran renouant ses anciennes relations avec le Hamas qui lui est indispensable pour peser sur Israël (le Hamas au Sud, le Hezbollah au Nord).
De plus, le Hamas continue à être soutenu financièrement par les Frères musulmans dont le QG est toujours officiellement localisé au Qatar (et plus discrètement par le régime turc qui intervient régulièrement dans le problème palestinien dont il a fait une de ses images de marque pour étendre son influence au Proche-Orient sous l'égide des Frères musulmans).
Pour résumer, l'État hébreu est en guerre depuis sa création et prend les mesures en conséquence. Les Palestiniens sont éclatés entre l'autorité palestinienne (et l'OLP), le Hamas, le JIP (deux formations politico-religieuses sunnites qui sont dépendante de l'Iran chiite!) et d'autres groupuscules dont certains sont liés à Daech. La situation n'a aucune solution à court ou moyen terme. Le seul changement réside dans l'alliance objective entre Israël et l'Arabie saoudite contre l'Iran - et accessoirement conte les Frères musulmans représentés par le Qatar et la Turquie -. Les surprises sont peut-être à venir...

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