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Le scénario noir de l’impact d’une politique économique à la Trump s’est déjà produit : cet autre pays peut en témoigner
©Flickr/M.J.Ambriola

Tous aux abris !

Inflation élevée, hausse du chômage et contraction de la croissance : telle est la situation économique du Brésil à l'heure actuelle, après que son ancienne présidente ait appliqué un programme économique en tous points similaires à celui proposé par Donald Trump.

Christopher Dembik

Christopher Dembik

Avec une double formation française et polonaise, Christopher Dembik est diplômé de Sciences-Po Paris et de l’Institut d’Economie de l’Académie des Sciences polonaise. Il a vécu cinq ans à l’étranger, en Pologne et en Israël, où il a travaillé pour la Mission Economique de l’Ambassade de France et pour une start-up financière. Il est responsable de la recherche économique pour le Groupe Saxo Bank. 

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Atlantico : Restriction des biens importés, dépenses d'infrastructures et mesures fiscales en faveur des grandes entreprises : tels sont les principaux points de la plateforme économique de Donald Trump. Or, celle-ci a été déjà appliquée au Brésil par la présidente récemment destituée, Dilma Roussef. Quels ont été les effets de cette politique sur l'économie brésilienne ? 

Christopher DembikIl est important de rappeler que ces trois types de mesures peuvent être pertinents afin de relancer une économie en phase de net ralentissement. La restriction des biens importés peut permettre, en théorie, de favoriser les producteurs locaux, à condition qu’il y ait une offre domestique pour remplacer les importations, ce qui suppose aussi d’avoir une filière industrielle parfaitement intégrée, ce qui est de plus en plus rare du fait de la division internationale du travail. Par ailleurs, les dépenses d’infrastructure, comme on le sait depuis Chamberlain et Roosevelt, peuvent permettre une hausse de la productivité et de la croissance. C’était le remède appliqué pour contrer les effets de la crise de 1929. Enfin, les mesures fiscales en faveur des grandes entreprises peuvent faire sens dans le cadre d’une politique de l’offre. Dans le cas brésilien, il convient cependant de rappeler qu’il existait, déjà, une forte concurrence fiscale entre les régions afin d’attirer les entreprises qui a eu pour effet néfaste de diminuer très nettement les rentrées fiscales et de mettre en difficulté financière sévère plusieurs régions brésiliennes. Tout est question de proportion.

J’ajouterai que les mesures prises par le Brésil n’ont pas eu les effets escomptés car le ralentissement économique était déjà très avancé. En quelque sorte, il était trop tard. En outre, le pays reste très dépendant des flux de capitaux étrangers, une partie étant investie dans l’économie réelle, avec un effet bénéfique, une autre partie correspondant seulement à des investissements spéculatifs puisque les actifs brésiliens offrent des taux de rendement attractifs (par exemple sur le marché des actions ou en misant sur le différentiel de taux entre le real brésilien et des monnaies comme l’euro et le dollar américain). Pour couronner le tout, l’instabilité politique et la manière de faire du business au Brésil (où la corruption est très développée) a fait fuir les investisseurs qui avaient cru il y a encore quelques années au miracle brésilien. Dans ces conditions, le pays était condamné à échouer.

Comment réagissent généralement les investisseurs et les marchés à l'égard de ce type de plateforme économique ? Qu'a-t-on pu observer au lendemain de l'élection de Trump ?

Comme je le laissais entendre, les investisseurs peuvent parfaitement s’accommoder de ce type de mesures, à condition que la restriction sur les biens importés ne se transforme pas en retour bruyant du protectionnisme (hausse des tarifs douaniers, remise en cause des accords de libre-échange déjà mis en application, etc.). Dans la foulée de l’élection de Donald Trump, les marchés ont finalement plutôt bien réagi. On peut dire clairement que, pour l’instant, sa victoire ne constitue pas une rupture fondamentale pour les marchés financiers. Prenons les exemples du protectionnisme et de la relance. Si Donald Trump veut faire aboutir son ambitieux programme de relance d’inspiration keynésienne (500 milliards de dollars destinés aux travaux d’infrastructures), il faudra le faire financer par l’émission de davantage de dette publique. Dans ces circonstances, il devra tirer un trait sur son projet de relever les tarifs douaniers à l’encontre de la Chine car le pays, premier acheteur de bons du Trésor américain (1157 milliards de dollars détenus en septembre dernier), pourrait être incité à réduire ses rachats en cas de mesures commerciales hostiles de la part du gouvernement américain. L’endettement élevé des Etats-Unis rend le pays extrêmement dépendant de la bonne volonté des investisseurs étrangers, ce qui hypothèque tout retour réel du protectionnisme. L’hypothèse la plus crédible repose sur l’augmentation des tarifs douaniers pour certains produits ciblés, ce qui permettrait de satisfaire la base électorale de Donald Trump, et d’éviter une guerre commerciale avec l’Asie. On peut également envisager la renégociation de certains traités commerciaux, comme l’Alena, mais les Etats-Unis prendraient le risque d’ouvrir la boîte de Pandore car ils ne sont pas les seuls à avoir des revendications en matière commerciale, le Mexique et le Canada également. A un certain niveau, on peut considérer que la realpolitik va forcer le président américain à revenir sur ses promesses de campagne les plus dangereuses. C’est, d’ailleurs, ce qui semble se produire.

Si Donald Trump reste constant sur sa plateforme économique, l'économie américaine connaîtra-t-elle la même évolution (plutôt négative donc) que l'économie brésilienne ? Quels sont les risques, à terme, pour les Etats-Unis en tant que puissance économique ?

Nul besoin d’être devin pour savoir que l’économie américaine est en phase de ralentissement. Les derniers indicateurs américains dressent le panorama d’une économie en bonne santé mais en fin de cycle. Les ventes au détail ont connu leur plus forte hausse en l’espace de deux ans mais les ventes des grands magasins continuent de chuter. De plus, l’Empire State Manufacturing a affiché un fort rebond mais les indicateurs concernant l’emploi sont plus négatifs et l’optimisme décline. Depuis la dernière contraction économique, 35 trimestres se sont écoulés. Sauf nouveau record de longévité (40 trimestres pendant les années Clinton), le mandat de Donald Trump devrait être celui du retour de la récession. Dans ces circonstances, le programme économique keynésien de Donald Trump (concernant surtout les travaux d’infrastructure) pourrait s’avérer d’un grand secours pour les Etats-Unis dans les années à venir.

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