Le problème du gouvernement ce n’est pas l’idéologie, c’est l’incompétence<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement joue à l'apprenti sorcier.
Le gouvernement joue à l'apprenti sorcier.
©Reuters

Éditorial

La politique, l’idéologie, le débat sur les valeurs... Tout cela masque en réalité un déficit d’expertise et de métier.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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"Les difficultés de la présidence française ne sont pas le résultat d’options politiques ou idéologiques mais de l’incompétence de ceux qui font de la politique." Ce diagnostic sévère est celui formulé, en off lors d'une réunion patronale, par le dirigeant d'une société d'audit qui avait été approchée par le gouvernement français pour étudier le mode de management de l’État. Le diagnostic est sévère, il rejoint l’analyse faite par de nombreux chefs d’entreprise qui ont des rapports de business avec les membres des cabinets ministériels. "Ils sont nuls", disent-ils très crûment.

Cette analyse est à l’opposée de ce que l'on avait pensé, jusqu‘à maintenant, sur l’incapacité du Président à sortir le pays du piège dans lequel il s’est enfoncé. L’analyse la plus partagée, revenait à considérer que le président de la République était coincé par une majorité qui manquait de cohérence. L’extrême gauche, et surtout les écolos au gouvernement comme au parlement, empêchaient toute réforme pragmatique et responsable. L’extrême gauche et les écolos tirant l’action gouvernementale vers toujours plus de socialisme archaïque. Du même coup, le Président et son gouvernement ne parvenaient pas à imprimer une évolution du système économique français qui tienne compte de la modernité, de la concurrence internationale et de la mondialisation.

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Plus grave, le Président français semblait convaincu de la nécessité de passer d’une logique de la demande, très Keynésienne, à une logique plus libérale, mais ne parvenait pas à l’assumer. D’où le fait d’être coincé entre des marchés qui réclament un rééquilibrage des finances publiques et des courants politiques qui exigent des soutiens à la demande. Le seul moyen d’en sortir sans provoquer de clash avec les paroissiens du socialisme, c'est d'augmenter les impôts. Comme les riches n’étaient pas assez riche ou pas assez nombreux on a été obligé, dans ces conditions, d’augmenter les impôts de tout le monde, d’où les nouveaux clashs en série notamment en Bretagne.

Incapable d’affronter tous ceux qui, en France, ont la sécurité de l’emploi et du pouvoir d’achat, le Président se retrouve confronté aux créateurs de richesse qui se révoltent. Il a épargné les fonctionnaires pour taper dans les contribuables du privé. Mais contrairement à ce que l'on nous explique, cette situation d’étouffement n’est pas le résultat d’un choix politique mais d’une incompétence à gouverner, à administrer et d’un manque d’expertise dans la gestion des dossiers.

La politique, l’idéologie, le débat sur les valeurs... Tout cela masque en réalité un déficit d’expertise, de métier. Les observateurs du cabinet Right management l'écrivent mais ceux de Mc Kinsey disaient la même chose il y a six mois : les cabinets ministériels ne sont ni de droite ni de gauche, ils sont jeunes, sans expérience ni expertise et un peu arrogants ce qui n’arrange rien.

Un gouvernement, dans une démocratie normale, se compose de ministres qui ont trois fonctions.

La première fonction est de gérer l’administration de leur ministère. Le ministre est logiquement le patron des fonctionnaires. Actuellement c’est le contraire. L'administration a le pouvoir sur le ministre.

La deuxième fonction, c’est de connaitre les dossiers pour pouvoir les étudier, en rapport avec la société civile impliquée, et les défendre en cohérence avec l’intérêt général. On ne demandera pas au ministre de l’Agriculture de savoir travailler la terre mais il faudrait qu'il soit au moins au courant de l’évolution du prix des grandes céréales dans le monde. Quant au ministre de l’Economie, il devrait au moins savoir que l'on ne propose pas la rétroactivité d’une loi fiscale si on veut conserver la confiance du contribuable. Il devrait savoir aussi que de créer un impôt sur l’EBE n’est pas la meilleure chose à faire si on veut doper l’investissement et l’emploi.

La troisième fonction, c'est de porter une certaine légitimité politique. Cette fonction ne consiste pas à caresser en permanence ses électeurs dans le sens du poil. Cette fonction consiste à lui dire la vérité et à réunir les moyens pour obtenir des résultats à moyen terme.

Aucun ministre du gouvernement n’avait posé un pied dans une entreprise. Aucun ne sait comment ça marche. Quant aux personnels des cabinets, ils sont tous issus du PS, ils ont donc gardé une approche de militant à cent lieues de la réalité. Les membres de la majorité parlementaire ne sont pas mieux formés. Le résultat de tout cela, c’est qu'ils ne se rendent pas compte, pour la plupart, qu'ils sont responsables de la dégradation d’une situation qui n’était déjà pas brillante au départ. D'où la recherche permanente de bouc émissaire. C'est la faute à Sarko, à Draghi, à Barroso, à Obama...

La préconisation des experts en management rejoint la réflexion des chefs d’entreprise qui fréquentent le pouvoir. D'une part, pourquoi changer de politique alors qu'il n’y en a déjà pas ? Il suffirait de commencer par en définir une, avec un cap et une ambition précise. D'autre part, pourquoi changer les ministres si les suivants sortent des mêmes chapelles du parti ? Il faudrait plutôt faire appel à un chasseur de tête avec des critères de performance et d’efficacité à atteindre.

Enfin, les experts estiment qu'il faudrait vérifier que les responsables du management de l’Etat connaissent les dossiers, connaissent l’administration dont ils sont responsables et enfin savent faire de la politique. C’est-à-dire savoir dégager des résultats. Ce gouvernement a cru qu'il avait, comme les médecins, des obligations de moyens.

Les gouvernements aujourd'hui ont des obligations de résultats. Pourquoi n’appliquerions nous pas au niveau de l’Etat les méthodes et les procédures de management qui réussissent dans l'entreprise ? Pourquoi le personnel de l'Etat serait-il dispensé des efforts et des contraintes que l’on impose aux managers des grandes entreprises ? On pourrait même jusqu’à imaginer de distribuer des bonus aux ministres ou aux hauts fonctionnaires si leurs objectifs étaient atteints. Les contribuables seraient prêts à l’accepter si derrière ils savaient que cette habileté à gérer on est capable de diminuer d’autant  leurs impôts.

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