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Le prélèvement à la source : simplification ou enfumage
©Reuters

Mitigé

Lorsque le Gouvernement de Manuel Valls a évoqué en 2016 la question de la réforme du prélèvement de l'impôt sur le revenu, différents sondages ont montré qu'une majorité de Français n'y étaient pas hostiles.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Personnellement, j'ai émis – il y a de nombreux mois -  une réserve de principe et une interrogation fondamentale.

La réserve consiste à dire que lorsque les contribuables salariés et autres percevront leur net à payer post imposition, le coût de la dépense publique sera de facto plus indolore puisque glissé dans les nombreuses lignes qui séparent, en France contrairement à l'Angleterre, le brut du net.

Clairement, il y a un risque d'irresponsabilité croissante des gestionnaires publics car cette mesure de prélèvement à la source n'est pas que technique, elle est aussi politique et vise à lisser l'effort de chacun, le poids de sa contribution à l'effort public. En langage direct, on nous vend de la simplification qui n'est rien d'autre que de l'enfumage.

S'agissant de l'interrogation fondamentale, elle est issue d'une vieille idée des économistes qui conseillent la rue de Solférino. Il s'agit tout simplement de la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG ce qui aura pour effet de la rendre progressive et plus lucrative pour le budget de l'Etat. Bref, encore une hausse d'impôts à prévoir post 2017 puisque la réforme instituée par la Loi de finances pour 2017 rentre en application au 1er Janvier 2018.

J'ignore si une majorité de contribuables a déjà pris conscience de cet étau mais en revanche des sondages récents ont démontré que les contribuables sont inquiets à l'idée que les entreprises soient chargées de la collecte physique de l'impôt sur le revenu.

En effet, à partir d'un taux d'imposition communiquée par l'Administration fiscale à votre employeur, celui-ci calculera exactement le montant à déduire de votre feuille de paye, qu'il devra reverser au Trésor public.

D'une relation bijective ( Etat / contribuables ) on passe à une sorte de billard à trois bandes puisque trois acteurs seront sur le pont du recouvrement : vous, l'Etat, votre boss.

Or, si vous avez hérité d'une maison qui vous rapporte des revenus fonciers, votre employeur pourra reconstituer votre patrimoine et ne pas vous placer sur la liste des personnes à augmenter puisque le taux d'imposition trahira votra relative aisance matérielle.

Le Secrétaire d'Etat Christian Eckert a répliqué assez sèchement qu'il y aurait un taux médian et que des " opérations de régularisation " pourraient intervenir après. Donc, il restera des échanges directs entre l'Etat et vous pour que les comptes soient correctement apurés.

Le mythe de la simplification tombe ici et se brise net sous les coups de butoir de la confidentialité imparfaite à l'intérieur des entreprises ( surtout si elle sous-traite sa paye à un comptable extérieur ) et des opérations d'ajustement post paiement.

Pour des motifs idéologiques et pour que l'Etat gagne en trésorerie, on a faussé l'équilibre qui existait avant et qui était un foyer de confiance pour les administrés que nous sommes.

La défiance va s'instiller entre employeurs et salariés qui devront " recompter " les calculs de retenues fiscales. Comment fera-t-on si on soulève une erreur et qu'il faut en parler avec son boss ? Qu'arrivera-t-il en cas de cessation des paiements de l'entreprise dont la date effective est fixée par le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ? Il semble que certains experts de Bercy aient alerté, en vain, leur hiérarchie sur ce risque que connaissent bien les URSSAF ou le Trésor public en matière d'impayés de TVA.

Par-delà cette défiance, il y a une question aussi simple qu'ambitieuse. On ne cesse de nous dire que le prélèvement à la source sera une opération " gagnant-gagnant " mais on oublie de la chiffrer pour les entreprises. Tant le Medef et la CGPME ( CPME désormais ) ont effectué des chiffrages du coût de la collecte. Leurs estimations partagées par plusieurs " Think tank " s'élèvent à 2,3 milliards d'euros ce qui n'est assurément pas un moyen d'affermir la compétitivité chétive de nos firmes hexagonales.

Certains députés socialistes demeurent résolument optimistes et sortent comme joker que la plupart des pays européens ont adopté le prélèvement à la source. Très bien ! Cela serait même mieux si un souffleur digne de l'avant-scène du théâtre pouvait leur rappeler que dans ces cas étrangers, l'impôt est uninominal et non par foyer fiscal avec quotient familial, personnes rattachées, etc.

L'Etat déteste enclencher la marche arrière et s'est engagé dans un traquenard collectif improductif au regard des bons rendements que la mensualisation couplée au prélèvement bancaire permettait.

Des excès de l'idéologie après les années de matraquage fiscal de ce quinquennat décidément si singulier.

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