Le Père Noël n'est pas une ordure… Avec un plan de relance à plus de 50 milliards d'euros, il serait plutôt Keynésien<!-- --> | Atlantico.fr
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Une course de Noël à Riga (Lettonie), en 2019.
Une course de Noël à Riga (Lettonie), en 2019.
©AFP / Gints Ivuskans

Atlantico Business

Keynes est heureux. Comme chaque année, il doit se retourner dans sa tombe en découvrant que le monde chrétien profite de Noël pour dépenser beaucoup d'argent. Et la dépense, pour Keynes, c'est la promesse d'une relance de l'activité. Keynes is happy !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Entre les frais de bouche, les cadeaux, les voyages, l'habillement, etc., les dépenses engagées par les Français entre Noël et le Nouvel An dépassent les 50 milliards d'euros et représentent de ce fait, le plus gros plan de relance de l'année. Sans injonction de l’État … avec simplement quelques encouragements marketing d’ordre privé. 

Les dépenses de Noël et du Nouvel An sont tellement importantes dans l'équilibre de l'économie annuelle qu'elles sont surveillées à la loupe par tous les commerçants qui jugent leurs résultats annuels au chiffre d'affaires de décembre. Mais le montant et la nature des dépenses de décembre donnent aussi à l'État une idée du vrai moral de la population.

Et cette année, tout est en ordre en dépit des incertitudes politiques et des catastrophes géopolitiques en Ukraine ou au Moyen-Orient. Tout est en ordre. Les dépenses de Noël seront légèrement en baisse cette année par rapport aux années précédentes, le nombre de Français qui ne pourront pas fêter Noël en légère augmentation (9 millions), et comment s'en étonner ? Le rebond post-COVID a été amorti par le temps et l'inflation. Mais pour compenser les effets de la conjoncture, on puise cette année dans les bas de laine de la Caisse d'Épargne qui débordent des excès de précaution consécutifs aux confinements et la peur de l'avenir qui continue de miner le moral...

En fait, la macroéconomie des fêtes de Noël et du Nouvel An est assez stable, et les Français ont une assez belle résilience pour ne pas trop changer leurs habitudes. Si on reprend toutes les études de consommation réalisées par l'INSEE, la Banque de France, les instituts de consommation et les sondages, on évalue le total des dépenses de consommation dans la dernière semaine de décembre à 50 milliards d'euros. Le chiffre est stable depuis une dizaine d'années, hormis les trous d'air au moment du confinement COVID. Il représente en gros un mois de consommation supplémentaire, c'est-à-dire l'équivalent du 13e mois de salaires versés en moyenne à la majorité des salariés si on considère que le revenu mensuel moyen tourne autour de 2000 euros.

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On retrouve ces chiffres dans les détails des consommations. 2000 euros, ces dépenses sont des dépenses de consommation qui s ajoute au flux mensuel normal et qui se partagent en quatre catégories de montant quasiment équivalents :

Les dépenses alimentaires pour 500 euros, mais plus chics et plus chères que d'ordinaire.

Les cadeaux divers et variés mais pour l'essentiel des jouets d'enfants qui sont les grands gagnants (30% du budget cadeaux), des livres qui pour la plupart ne seront pas lus, et du digital (encore et toujours qui passent pour des cadeaux utiles ( mais le sont-ils vraiment )

Les voyages, le budget est en augmentation et le grand gagnant est la SNCF, les trains sont pleins et les billets sont plus chers (plus de 10% d'augmentation en moyenne). Autres gagnants, les voyagistes et les transports aériens vers le soleil. Ils font eux aussi le plein. Mais ils ont beaucoup plus augmente que le chemin de fer

Les dépenses d'habillement et le grand gagnant est Zara, suivi des sites de revente d'occasion...( les français font là des économies ) 

À noter que 20% des cadeaux sont revendus dans la semaine sur les sites internet, ce qui ne change rien à l'équilibre global. C’est du recyclage. La fin décembre reste la période où l'effort de consommation est le plus attendu et régulier, tous les agents économiques et pas seulement dans le monde occidental de culture et de tradition chrétienne.

Mais l'indicateur qu'il va falloir observer à la loupe en janvier va être celui des encours de la Caisse d'Épargne. Le livret A et tous les comptes d'épargne disponibles servent en général d'outils d'ajustement au moment des fêtes. Si les finances ne sont pas épaisses parce qu'elles ont été laminées par l'inflation, ce qui est le cas... Le Père Noël d'origine keynésienne va puiser dans l'épargne. L'épargne de précaution sert à financer des dépenses exceptionnelles de Noël ou de vacances et aussi des cadeaux.

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Ce qui est intéressant de noter d'ailleurs, c'est qu'en règle générale, les sorties d'épargne sont compensées par les entrées parce que le livret A est aussi lui-même un objet de cadeaux que font les parents et les grands-parents aux enfants. Le livret A des caisses d'épargne ou des banques n'est pas très glamour, mais il est utile. C'est en fin d'année le moyen de redistribution intergénérationnel le plus utilisé. Il donne une idée de l'état moral de la population.

Qu'on le veuille ou non, si l'encours global de l'épargne de précaution gonfle, et ça a été le cas depuis 3 ans, ce n'est pas très bon signe. C'est le signe que le peuple a peur, il ne prendra pas de risques, il se fait des réserves. Y compris au moment de Noël, offrir quelques billets de banque aux enfants au moment de Noël en les invitant à les placer sur un livret de caisse d'épargne qui a été très souvent ouvert à leur naissance revient certes à leur donner la liberté pour se faire plaisir et acheter ce qu'ils veulent... Mais ces donations peuvent aussi servir d'assurance pour des jours mauvais, et s'autoriser des dépenses ultérieures. Pour les Keynésiens, cette nouvelle est triste. Elle témoigne d'une prudence qui est préjudiciable à l'activité. 

Si, au contraire, l'encours de l'épargne diminue, si les sorties d'épargne sont plus fortes que les entrées, c'est, pour Keynes et ses amis, une très bonne nouvelle. Le signe que les agents économiques remettent du carburant dans le moteur de l'activité.

En cette fin d'année, le Père Noël keynésien ne devrait pas se plaindre, les pays occidentaux ne sont pas prêts à abandonner les traditions. Les peuples vont boire et manger en cette fin d'année. Noël n'est pas euphorique, mais contrairement à ce qu'on nous avait annoncé, il ne sera pas trop hypothéqué par les hausses de prix et par les guerres.

Une fois de plus, le Père Noël ne sera une ordure que le temps d'un film qu'on va se repasser parce que, pour le reste, il est resté très keynésien. John Meynard. Keynes will be happy this year. Il passe donc Noël en famille (ou ce qui lui en reste), mais surtout il pourra passer le Nouvel An à l'Opéra de Londres au près des petits rats du corp de ballet, comme chaque année depuis les années 1930 jusqu'en 1946, année de sa mort qui date le démarrage des Trente Glorieuses. Des années de gloire et de prospérité, grâce à lui... ou presque.

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