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Le Parlement européen à la veille d'un Big Bang des groupes politiques?
©BERTRAND GUAY / AFP

Elections européennes

Marine Le Pen devait se rendre en Italie samedi prochain en vue d'un rassemblement avec ses "alliés européens" mais même là, il est difficile de s'entendre sur une date. Pour le reste, n'en parlons pas...

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Dans une interview accordée au Point, la présidente du RN, Marine le Pen, déclare ne plus vouloir sortir de l'Union Européenne mais plutôt s'allier avec des partis européens partageant sa vision de ce que devrait être l'Europe. Si elle dit voir émerger des "pays et forces politiques" qui souhaitent, comme le RN, voir l'Europe changer fondamentalement, qu'en est-il réellement ? On connait les principaux partis populistes européens, mais partagent-ils vraiment une vision commune de l'Union Européenne ?


Cyrille Bret :L’alliance de tous les partis nationalistes et souverainistes en Europe est le risque majeur des prochaines élections européenne. Actuellement, tous les leaders eurosceptiques ou europhobes tentent de se rapprocher. Marine Le Pen la première : elle affiche sa proximité avec Matteo Salvini, leader de la Ligue en Italie, ministre de l’intérieur et vice-président du conseil des ministres. Elle tente de compenser sa défaite cuisante au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017 en attirant sur elle l’attention médiatique que le leader de la Ligue retient depuis sa nomination au printemps dernir.


Le risque est réel : en raison du Brexit et du départ des eurodéputés du parti Brexiter UKIP et du Parti conservateur britannique, plusieurs partis vont se trouver sans groupe parlementaire. Je rappelle que, pour former un groupe parlementaire au futur Parlement européen, il faut réunir au minimum 25 eurodéputés sur les 705 que comptera le Parlement européen, issus d’au moins 7 Etats membres. Or, aujourd’hui, les partis eurosceptiques sont ventilés en plusieurs groupes.


Le Rassemblement national siège dans le groupe Europe des Nations et des Liberté (ENL - 34 eurodéputés) : créé au milieu de la 8ème législature par scission, il réunit essentiellement le Rassemblement national français (15 eurodéputés), le FPÖ autrichien (4 eurodéputés), la Ligue italienne (6 eurodéputés), le Vlaams Belang belge (1 eurodéputé). C’est ce groupe qui pourrait constituer le pivot d’un rapprochement des nationalistes européens. Toutefois, il est faible numériquement et n’attire par les autres partis eurosceptiques.
Le groupe Europe de la liberté et de la Démocratie Directe (ELDD – 46 eurodéputés) :, il associe les 20 eurodéputés Brexiters de UKIP demain absents du Parlement européen avec les 14 du Mouvement 5 étoiles italiens et des élus de l’AfD exclus du groupe CRE en 2016. Le destin de ce groupe est en question avec le départ des eurodéputés britanniques. Et cela pose la question plus large du positionnement politique national et européen du Mouvement 5 étoiles. Sa ligne politique est populiste au sens classique où elle oppose le peuple et les élites. Cela s’est manifesté récemment dans le soutien proposé aux Gilets Jaunes dans leur opposition au gouvernement Philippe. Mais ce mouvement peut difficilement s’agréger à un groupe nationaliste car le rejet de l’islam, des migrations et de l’Europe ne figure pas dans son programme. On comprend bien pourquoi le Mouvement 5 étoiles, moins eurosceptiques que le Rassemblement national ne peut pas siéger avec La Ligue dans le même groupe.


Le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (CRE – 71 eurodéputés) : le PiS polonais (14 eurodéputés) y siège avec le Parti Conservateur britannique (Brexiters différents du UKIP – 18 eurodéputé). Si le cœur de ce groupe est constitué de ces deux contingents, le parti belge N-VA, explicitement eurosceptique a, lui 4 sièges qu’il est susceptible de conserver. L’inspiration politique du groupe est libérale en économie, conservatrice en matière sociale et sociétale et atlantiste en politique extérieure. Ce qui le place en pointe dans la lutte contre l’influence russe. Actuellement, le PiS s’interroge sur son positionnement dans les groupes du prochain parlement européen. Il doit en effet non seulement réunir plus de 25 eurodéputés mais également attirer des députés de 6 autres Etats membres. Actuellement, le PiS n’aborde pas les élections dans une position aisée. En effet, si sa tradition politique le rapproche des démocrates-chrétiens notamment de la CDU-CSU, pourtant il ne siège pas au PPE car son rival national, Plateforme civique, y siège. En conséquence une grande incertitude règne sur l’affiliation future du PiS parmi les groupes du prochain parlement européen. C’est ce qui introduit une division entre le Fidesz et le PiS : ils ne peuvent pas siéger ensemble au PPE. Et la Russie les divise sur le plan extérieur.


En un mot, parler d’un bloc nationaliste au Parlement européen est du wishful thinking : comme dans toutes les précédents parlements européens, les partis eurosceptiques peinent à s’accorder pour constituer des groupes soudés comme les trois grands groupes majoritaires : le Parti Populaire européen, dont l’axe est fourni par la CDU-CSU et Les Républicains, le Parti social démocrate et le partie Libéral.


Emmanuel Macron rejoint quelque peu Marine le Pen sur ce point puisque lui aussi cherche à former des alliances avec des groupes qui iraient dans le sens de son projet européen. Alors qu'il s'agit des premières européennes auxquelles LREM participe, avec qui pourrait-ils s'allier ? 

L’équation du Parti du président est tout à fait différente de celle du Rassemblement national. D’une part, laREM est un nouveau parti qui n’a jamais siégé au Parlement européen alors que le Rassemblement National siège depuis longtemps au Parlement européen grâce au mode de scrutin proportionnel. D’autre part, laREM est un parti qui a pour ambition de fédérer les partis pro-européens. Or le défi est que les deux grands groupes politiques européistes largement majoritaires au Parlement, le PPE et le S&D sont marqués respectivement démocrates-chrétiens et social-démocrates pourraient difficilement accueillir un parti comme laREM. C’est tout l’enjeu de l’entrée de LaREM : trouver des alliés pour former un groupe parlementaire autour d’un agenda à la fois moderniste, pro-européen et anti-nationaliste. Dans cette perspective l’Alliance des Libéraux et des Démocrates Européens (ALDE) dirigée par Guy Verhoftadt est sans doute le groupe parlementaire le plus susceptible de s’accorder avec la ligne LaREM.


Finalement Marine le Pen et Emmanuel Macron ne commettent-ils pas tous les deux la même erreur d'analyse ? Ne risquent-ils pas d'être inévitablement bloqués dans leurs projets respectifs d'alliances face à un PPE toujours très largement majoritaire ? 

Pour Marine Le Pen, les élections européennes sont l’occasion d’essayer de prendre sa revanche sur sa défaite cuisante au deuxième tour de l’élection présidentielle. Son attitude durant le débat d’entre deux tours avait éloigné d’elles de nombreux électeurs en raison du peu de maîtrise de ses dossiers qui est apparu à l’écran.

LaREM d’Emmanuel Macron et le RN de Marine Le Pen sont annoncés comme les grands vainqueurs de cette élection. Ils sont devant les autres partis français classiques, le Parti socialiste, qui siège avec les sociaux-démocrates (189 eurodéputés aujourd’hui) et Les Républicains qui siège avec le PPE (221 eurodéputés). Mais s’ils sont les premiers partis en France, avec la France Insoumise, ils doivent encore bâtir des alliances au niveau européen.

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