Le paradoxe Arnaud Montebourg : gagnant potentiel de la primaire mais moins fort que François Hollande dans les sondages pour la vraie présidentielle<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande est victime d'un très profond rejet, y compris dans l'électorat de gauche. Même si, aujourd'hui, Arnaud Montebourg n'est pas sur le papier en position de susciter un réel engouement dans une large majorité de l'électorat de gauche.
François Hollande est victime d'un très profond rejet, y compris dans l'électorat de gauche. Même si, aujourd'hui, Arnaud Montebourg n'est pas sur le papier en position de susciter un réel engouement dans une large majorité de l'électorat de gauche.
©Reuters

Rien ne sert de courir...

Alors que certains sondages donnent Arnaud Montebourg vainqueur de la primaire de la gauche face à François Hollande, ce dernier reste la plupart du temps mieux placé que lui pour ce qui est des sondages sur le premier tour de la présidentielle. Explication de ce paradoxe, dans un contexte particulièrement incertain à gauche actuellement.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Ce lundi, un sondage publié dans le Berry Républicain (lire ici) donne Arnaud Montebourg vainqueur de la primaire socialiste si François Hollande se présentait, faisant écho à un autre sondage commandé en juillet par le PS et finalement non publié, qui donnait le même résultat. Pourtant, François Hollande reste généralement mieux placé qu'Arnaud Montebourg dans les sondages pour gagner la présidentielle. Comment expliquer ce paradoxe ? Quel peut être notamment l'impact d'une prise de conscience du "vote utile" ?

Jérôme Fourquet : Un premier élément d'explication peut se trouver dans l'adage bien connu selon lequel dans un scrutin à deux tours, on choisit au premier tour et on élimine au second. Les outils sondagiers dont vous parlez et qui montrent que François Hollande a peut-être une cote de popularité un peu supérieure à celle d'Arnaud Montebourg pour la présidentielle ne tiennent pas compte du fait que François Hollande est victime d'un très profond rejet, y compris dans l'électorat de gauche. Donc même si, aujourd'hui, Arnaud Montebourg n'est pas forcément sur le papier en position de susciter un réel engouement dans une large majorité de l'électorat de gauche, il n'est pas impossible – et c'est sans doute son pari – que, par sa notoriété, il parvienne à se qualifier au deuxième tour de la primaire face à François Hollande. Une fois en finale, il pourrait alors faire office de réceptacle de toutes les voix et de tous les électeurs qui ne souhaitent pas voir François Hollande se représenter. Ce ne serait donc pas tant un plébiscite et un soutien massif à Arnaud Montebourg. En l'état actuel des choses, le sondage mesure de mon point de vue surtout ça : le très fort désamour dont souffre François Hollande dans l'électorat de gauche, et notamment l'électorat de gauche le plus politisé (celui qui ira voter à la primaire).

Arnaud Montebourg ne s'est pas imposé, loin s'en faut, comme le rival absolu, le chef des frondeurs ou celui qui pourrait incarner la "vraie gauche" (pour reprendre leur vocable), mais il peut néanmoins être suffisamment populaire pour être confronté à François Hollande au second tour et rafler la mise sur un réflexe anti-Hollande.

La décision d'Arnaud Montebourg de rentrer dans le processus de la primaire peut s'expliquer tout d'abord par des considérations matérielles et financières. Il n'a pas d'écurie derrière lui, et participer à la primaire lui permet de faire prendre en charge une partie de ses dépenses de campagne par le parti et ensuite de se présenter, s'il est élu, comme le candidat du Parti socialiste et en tirer tous les avantages (500 signatures, logistique partisane, etc.). C'est donc intéressant pour lui, mais c'est à mettre en balance avec le risque qu'il prend. En effet, s'il rentre dans le jeu, il doit en accepter toutes les conséquences, et notamment soutenir François Hollande s'il gagne. Quand on connaît le personnage et son tempérament assez trempé, on peut penser qu'il ne se gênera pas pour dire tout le mal qu'il pense du quinquennat Hollande. Mais s'il prend ce risque-là, c'est à la fois pour les considérations matérielles précédemment évoquées, mais aussi car lui et son entourage sont persuadés qu'il a une vraie carte à jouer et que François Hollande est tellement décrédibilisé qu'il "suffirait" donc de se hisser en finale face à lui pour être désigné vainqueur de cette primaire.

Par ailleurs, une éventuelle non-participation de François Hollande à la primaire impliquerait quasiment à coup sûr une déclaration de candidature d'Emmanuel Macron. En supposant qu'Arnaud Montebourg serait alors le candidat désigné du PS, à quoi pourrait-on s'attendre en termes de résultats pour le duel, certes encore hypothétique, entre Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron lors du premier tour de la présidentielle ? Quel pourrait être le rapport de force entre les deux ?

C'est très difficile à dire car il y a une étape que vous sautez dans ce raisonnement. Vraisemblablement, même si cela ne l'arrange pas, Emmanuel Macron peut difficilement reculer, même si François Hollande est candidat. Mais surtout, si le président de la République ne se présentait pas à la primaire, il faudra bien qu'il y ait quelqu'un du camp majoritaire à sa place. Dans cette optique, on peut alors penser que Manuel Valls se porterait candidat à cette primaire, en service commandé et de manière plus ou moins sacrificielle. Ce serait alors compliqué pour lui de séduire toute une partie du Parti socialiste, lui qui apparaît pour beaucoup plus à droite que François Hollande. Par ailleurs, s'il se lance, tout le monde aura à l'esprit qu'il ira en service commandé et en roue de secours d'un François Hollande qui se défilerait face au suffrage populaire… Cerise sur le "gâteau", tout cela se ferait de manière très chaotique : François Hollande attendra sans doute le dernier moment pour annoncer sa décision, espérant des signes politiques et économiques positifs. Si d'aventure ces signaux n'arrivaient pas, l'annonce de sa non-candidature interviendrait très tardivement dans le calendrier, compliquant la tâche de Manuel Valls…

On ne sait donc pas pour l'instant si Arnaud Montebourg sortirait vainqueur d'une primaire privée de François Hollande. Mais s'il sortait malgré tout du chapeau de la primaire, ce serait vraisemblablement en ayant battu Manuel Valls. Il est donc très compliqué d'estimer le rapport de force, car il faut bien se mettre dans le contexte politique et psychologique engendré par cette double situation : une non-candidature du président sortant, et le lancement en catastrophe d'une candidature Valls qui serait battu par Arnaud Montebourg selon votre scénario. Le PS serait alors au bord de l'implosion... Si le patron n'y va pas, alors qu'on dit que c'est un éternel optimiste, c'est que la situation est objectivement très dégradée. Si Manuel Valls se lance et qu'il est battu, on aurait alors un nouvel affrontement entre l'aile gauche et la droite du parti, qui serait aussi un affrontement de génération violent et sanglant entre les deux. Si Manuel Valls y va en acceptant la règle de soutenir le vainqueur, cela laissera des traces. On aurait affaire à une déflagration hors normes. Si Arnaud Montebourg sortait vainqueur, il serait alors vainqueur sur un champ de ruines... Il affronterait ensuite Emmanuel Macron, qui serait sur un positionnement social-libéral déjà incarné par Manuel Valls. Que feraient alors les troupes de Manuel Valls ? Seraient-elles en soutien légitime et loyaliste à Arnaud Montebourg (candidat du parti), ou en soutien à Emmanuel Macron, elles qui ont fait campagne contre Montebourg sur une ligne assez proche de celle de Macron ?

Alors que de nombreuses incertitudes pèsent encore sur la gauche en vue de cette présidentielle (participation ou non de François Hollande à la primaire, identité du vainqueur de la primaire, candidature ou non d'Emmanuel Macron, position d'une partie de l'extrême-gauche encore à définir…), quels sont les éléments les plus probants à prendre en compte, permettant d'anticiper les résultats ? 

On en saura déjà plus à la fin de l'automne avec l'identité du vainqueur de la primaire de la droite et du centre. Ensuite, quand la grille de départ sera plus précise pour la primaire de gauche et qu'on aura les premiers sondages d'intentions de vote uniquement sur les électeurs motivés pour aller voter, on sondera alors sur l'offre qui sera la plus proche de celle qui sera définitive. On voit chez les frondeurs que Marie-Noëlle Lienemann a annoncé avoir ses parrainages, Arnaud Montebourg a annoncé sa candidature… Il faut donc voir comment les choses vont se clarifier. François Hollande sera-t-il là ? Arnaud Montebourg sera-t-il le seul "poids moyen" ? Y aura-t-il une multiplication de petites candidatures à la gauche du PS ? Cette donnée sera assez probante, notamment en prévision des sondages sur le deuxième tour.

Autre élément à suivre en parallèle : les intentions de vote menées auprès de tous les Français, pour essayer d'observer à quel niveau se situe Jean-Luc Mélenchon (dynamique qui continue de progresser ou qui serait freinée par l'entrée d'Arnaud Montebourg dans l'arène ?). Idem pour ce qui est d'Emmanuel Macron.

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