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Le missile qui fâche Washington
©Reuters

Nucléaire iranien

Le 15 octobre, le président Donald Trump a laissé au Congrès le soin de choisir dans les deux mois s’il considérait que l’accord 5+1 (pays membres du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) signé avec l’Iran concernant l’arrêt de son effort nucléaire militaire en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales devait être prorogé ou non

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Si l’AIEA (Agence Internationale de l'Énergie Atomique) affirme que Téhéran assume bien les conditions exigées par l’accord JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) conclu en 2015, Téhéran est accusé par Washington d’avoir une activité déstabilisatrice au Proche-Orient  mais aussi de poursuivre un programme balistique militaire agressif, ce qui stricto sensu n’a rien à voir avec l’accord JCPOA.

Dans ce dernier domaine, le président Hassan Rohani a déclaré à plusieurs reprises que l'Iran refusait de limiter son programme balistique : « Que vous le vouliez ou pas, nous allons renforcer nos capacités militaires, nécessaires en matière de dissuasion. Non seulement nous allons développer nos missiles mais aussi nos forces aériennes, terrestres et maritimes. Pour défendre notre patrie, nous ne demanderons la permission à personne » a t’il affirmé lors du défilé du 22 septembre.

La télévision iranienne a diffusé le lendemain des images du lancement du missile Khorramchahr tout en ne précisant pas la date de cet évènement (En fait, selon les services de renseignement américains qui scrutent l’Iran en permanence, il n’y aurait eu aucun tir de missile de ce type à une date proche de celle de l’annonce. Il pourrait s’agir d’un tir beaucoup plus ancien [2016?]). Ce missile a aussi été présenté le 22 septembre lors du traditionnel défilé militaire marquant le début de la guerre Irak-Iran en 1980. Par rapport au Shahab 2 qu’il devrait remplacer à terme, il présente la particularité de ne pas être équipé d’ailerons stabilisateurs. Sa tête plus volumineuse lui permet d’emporter une charge importante pouvant théoriquement aller jusqu’à 1,8 tonne. Les experts estiment qu’il est donc plus facilement stockable et surtout, en plus d’être mis en œuvre depuis les porteurs mobiles habituels, il pourrait être installé dans des silos terrestres ou maritimes. Enfin, il devrait avoir une signature radar plus discrète. Son carburant liquide lui permettrait d’évoluer à une vitesse dépassant les Mach 15 en atteignant une altitude de 126 kilomètres. Le ministre de la défense, le général Amir Hatami a affirmé que ce missile avait des caractéristiques uniques qui lui permettaient d’échapper aux défenses adverses et de conduire sa mission comme une arme tactique.

L’arsenal iranien comporte déjà deux autres missiles de portée similaire (MRBM:Missile balistique à moyenne portée, medium range ballistic missile, de 3.000 à 5.000 kilomètres) : le Shabab 3 (Ghadr-F, charge utile de 650 kilos) et le Sejil (charge utile de 640 kilos). Mais Le général Amir Ali Hadjizadeh, le commandant de la force aérospatiale des Gardiens de la Révolution, a affirmé que le missile Khorramchahr qui a une portée annoncée de 2.000 km pouvait emporter des têtes multiples capables de frapper plusieurs cibles simultanément. Or les « Multiple Independently targetable reentry vehicule » (MIRV) sont généralement réservées à des missiles emportant des armes nucléaires.

Il est vrai que l’application du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 de 2015 est claire : l’Iran est « tenu de ne mener aucune activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires ».

Il n’empêche que l’accord JCPOA ne concerne pas cette résolution qui pourrait faire l’objet de futures négociations, ce que semble demander Paris qui a toujours été considéré comme ayant une position « dure » vis-à-vis de Téhéran. Le président Emmanuel Macron n’a pas exclu de se rendre en Iran pour avoir des discutions avec le régime pour tenter de faire avancer les choses. Cependant, il se heurte à la volonté de Washington d’en découdre avec Téhéran tant la décision à venir du Congrès majoritairement néoconservateur semble acquise d’avance. Les investisseurs étrangers intéressés par le marché iranien ne s’y trompent pas. Tous les projets sont en stand by de peur de se voir infliger dans l’avenir des sanctions par les États-Unis comme cela a été le cas dans le passé pour la BNP.

La philosophie de l’histoire, c’est que des années de sanctions internationales décrétées par l’Occident ont permis à l’Iran de devenir une puissance incontournable au Proche et Moyen-Orient qui étend son influence sur un arc perse qui va de Téhéran à Tyr (Liban) en passant par Bagdad, Damas et Sanaa.

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