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Les clichés du libéralisme, épisode #2 : Le libéralisme est anglo-saxon ? Faux, il serait même assez français...
©Daniel Tourre, Editions Tulys

Série du weekend

Chaque samedi, Daniel Tourre défait, avec humour, les clichés que l’on se fait sur le libéralisme. Dans ce deuxième épisode, vous découvrirez que le libéralisme doit beaucoup à des auteurs français, y compris dans sa forme la plus radicale.

Daniel Tourre

Daniel Tourre

Daniel Tourre est notamment l'auteur de Pulp Libéralisme, la tradition libérale pour les débutants (Tulys, 2012) et porte-parole du "Collectif Antigone". 

 

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Pour effrayer l’électeur, le libéralisme est souvent labellisé "anglo-saxon", qualificatif rédhibitoire dans notre douce France. Et pour cause, les Anglo-saxons ont brûlé Jeanne d’Arc, fait des misères à Napoléon et boudent Johnny. On le voit, ils ne respectent rien, ils sont capables de tout, en particulier d’imposer insidieusement une idéologie anti-France à notre pays génétiquement étatiste. Ce joli conte de fées pour étatistes xénophobes ne tient pas la route. Des auteurs anglo-saxons (John Locke, Thomas Paine, Edmund Burke) ont effectivement participé à la tradition libérale mais au milieu de nombreux auteurs d’Europe continentale – en particulier Français.

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La France a ainsi une grande tradition libérale, reconnue partout... sauf en France. Sans Turgot, Richard Cantillon, Sieyès, Jean-Baptiste Say, Alexis de Tocqueville, Benjamin Constant, Frédéric Bastiat ou Raymond Aron, le libéralisme n’aurait jamais eu la forme qu’il a aujourd’hui. Mais l’histoire est écrite par les vainqueurs, et les vainqueurs depuis quelques décennies sont étatistes de droite comme de gauche.

1789, le lumièro-libéralisme

Quel est le pays dont l’Assemblée en 1789 « reconnaît et expose » une déclaration reprenant un à un tous les concepts libéraux ayant émergé au siècle des Lumières ? (Attention c’est un piège : ce pays n’est pas anglo-saxon). Hé oui, avec la Déclaration des Droits de l’homme de 1789, la France se dote d’un document fondateur... libéral (presque) pur sucre. Ce n’est pas le fruit du hasard. L’abbé Sieyès, comme les autres rédacteurs (La Fayette en particulier), a été inspiré par les idées libérales du siècle des Lumières, de Locke à Montesquieu en passant par Voltaire.

Les mesures libérales de la Révolution de 1789 pleuvent d’ailleurs comme la pluie sur une île anglo-saxonne : abolition des corporations, rôle de l’État limité à la défense du droit à la liberté, à la sûreté et à la propriété. Si la Déclaration de 1789 avait été étatiste, ses articles seraient sur toutes les pancartes des manifestations entre Bastille et République que l’extrême gauche affectionne. Manque de chance, ses articles sont difficiles à récupérer pour réclamer plus d’État… elle est trop libérale pour ça.

Les mousquetaires de la french touch libérale

Le XIXe siècle n’est pas en reste en matière de libéralisme french touch. Sans doute aiguillonné par un Bonaparte autoritaire et étatiste, les mousquetaires du libéralisme français (Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville, Frédéric Bastiat) et son d’Artagnan (Gustave de Molinari) écrivent parmi les plus belles pages de l’histoire du libéralisme. Ces auteurs classiques reconnus à l’étranger sont largement oubliés par la population française, aidée il est vrai pas une éducation d’État toujours soucieuse d’éviter les lectures pouvant semer le doute sur l’attachement éternel des Français à leur État bouffi et centralisé.

Des milieux plus cultivés acceptent toutefois de citer Alexis de Tocqueville ou Benjamin Constant, mais en précisant immédiatement que ces derniers n’ont rien à voir avec l’affreux néolibéralisme économique contemporain. Deux auteurs qui pourtant seraient horrifiés de la place qu’a pris l’État dans nos sociétés contemporaines, y compris dans la sphère économique.

La science économique française avant Adam Smith

La douche froide ne s’arrête pas là pour nos courageux amis résistant à l’hydre ultralibérale anglo-saxonne. La science économique n’est pas née avec "Richesse des nations" d’Adam Smith, mais 50 ans plus tôt, à Paris, avec "Essai sur la nature du commerce en général" de Richard Cantillon, un Français d’adoption. Il pose les fondations de la science économique libérale sans les erreurs qu’Adam Smith commettra plus tard et qui paveront la voie de la valeur-travail de Marx.

Le XIXe siècle sera un vrai feu d’artifice de sciences économiques françaises avec Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Charles Coquelin et les auteurs du "journal des économistes", Yves Guyot...

L’influence de l’Europe continentale, en particulier la France, est donc déterminante dans l’évolution de la science économique et dans la compréhension des mécanismes d’une économie de marché.

Ce cocorico libéral ne tombera pourtant pas dans le piège xénophobe d’une dénonciation de l’ultra-interventionnisme anglo-saxon que nous subissons encore aujourd’hui, même si l’on est bien obligé de reconnaître que de Marx l’exilé à Keynes l’autochtone, les mauvaises idées économiques viennent souvent de l’autre côté de la Manche.

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