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Brexit Union européenne UE europe
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©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

En ce début d'année 2021, Dov Zerah décrypte les enjeux pour l'Union européenne face à la crise sanitaire, avec le dossier du Brexit et sur le plan diplomatique.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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L’Union européenne (UE) commence l’année 2021 dans une mauvaise situation.

L’Europe est amputée du Royaume-Uni.

À un moment où les grands ensembles comme les États-Unis, la Chine et la Russie s’affirment, le BREXIT produit au minimum trois effets :

  • Il réduit la force européenne. Avec le départ de 68 millions de Britanniques, l’Union perd 13 % de son potentiel humain, et compte maintenant près de 450 millions habitants. Parallèlement, le PIB européen diminue de 17,5 % en perdant les 3 200 Md$ du Royaume-Uni, et se situe maintenant à près de 15 000 Md€.

  • L’économie britannique va connaître des difficultés. Le véritable effet négatif sur l’économie britannique va en partie être masqué par les conséquences de la pandémie. En tout état de cause, il faudra du temps pour qu’émerge un nouveau modèle économique britannique porteur de croissance et prospérité.

  • La politique traditionnelle de Londres a toujours été d’intervenir pour éviter l’émergence d’une puissance sur le continent ; cela explique les interventions dans les guerres napoléoniennes et les participations aux deux conflits mondiaux. Le BREXIT va permettre à Berlin d’accentuer sa mainmise sur le continent et déséquilibrer un peu plus l’UE.

Un sujet, une exigence peut empêcher un éloignement trop important : la défense de l’Europe. Il faut espérer que Britanniques et Français se retrouvent pour renforcer leurs coopérations en ce domaine. À un moment où l’Alliance atlantique est déstabilisée par le retrait américain et les turbulences turques, l’Europe de la défense doit impérativement se renforcer autour de Londres et Paris et de coopérations bâties en dehors du système décrié de la Commission européenne... Si l’Europe veut encore peser un peu sur le cours d’un Monde en proie à de nombreuses menaces, elle doit renforcer ses protections, sa défense.

Enfin, en ce début d’année, il faut souhaiter à nos amis britanniques que la transition institutionnelle qui se prépare et le passage de témoin entre une Reine à l’exceptionnelle longévité et un fils décrié par des séries très médiatiques s’effectue sans encombres.

L’Europe est marquée par les effets économique de la pandémie.

En juillet, les 27 pays européens avaient adopté un plan européen de relance économique doté de 750 Md€ subventions et prêts classiques ; mais, sa mise en œuvre effective était bloquée par le veto de la Hongrie et la Pologne qui refusaient que l’attribution de l’aide européenne soit conditionnée par des règles politiques relatives au respect de l’état de droit.

Le compromis de juillet a permis d’effectuer une véritable avancée institutionnelle avec l’autorisation donnée à la Commission d’emprunter pour le compte des États, et un début de mutualisation des dettes. Mais les pays qualifiés de « frugaux », à savoir le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède ont posé des règles très strictes d'emploi des fonds communautaires ; ils ont demandé des garanties en matière de justice indépendante et de lutte contre la corruption. Comme souvent au niveau européen, après s’être fait peur et moult marchandages, une « déclaration interprétative » a permis de dépasser l’obstacle ; elle prévoit une certaine souplesse dans l'application du règlement propre à rassurer les récalcitrants !

Cette épisode permet de tirer deux enseignements :

  • Comment l’Europe peut-elle donner des leçons de morale sur la démocratie et le respect des droits de l’homme au Monde entier alors qu’en son sein des États membres ne les respectent pas ? Cela fragilise le message européen !

  • Il dénote la méfiance de certains pays à l’égard des deux pays mentionnés et d’autres pays du Sud de l’Europe. Cette fracture constitue une atteinte à l’affectio societatis européen.

Les principaux bénéficiaires sont l’Italie (65 Md€), l’Espagne (59 Md€), la France (40 Md€) et la Pologne (23 Md€). Baptisé « next generation EU », ce plan a pour ambition de financer des investissements, et notamment ceux d’avenir ; est interdit le financement du fonctionnement courant, les hausses de salaires des personnels de santé ou le chômage partiel. Ainsi, les 40 Md€ de la France devraient concourir au financement d’investissements dans les technologies vertes, la transformation digitale, le numérique, etc. Ce plan devrait avoir des effets rapides puisque 70 % des montants devraient être attribués en 2021 et les 30 % restants en 2022.

Le plan de 750 Md€ comprend :

  • La « Facilité de relance et de résilience » (FRR) dotée de 672 Md€ dont 312 de subventions et 360 de prêts que les pays seront libres de contracter ou non, en fonction de leurs besoins.

  • Le reste de l'enveloppe, 78 Md€, viendra abonder le budget européen 2021-2027 via des programmes européens susceptibles d’accompagner l'investissement.

  • Enfin, une enveloppe de 47,5 Md€ est dédiée à React-EU, une initiative de soutien à la reprise, dont 10 iront au Fonds de transition juste, qui doit accompagner les pays en retard sur le front de la transition climatique ; 5 s'ajouteront au programme Horizon Europe, dédié à la recherche et à l'innovation…

Au-delà de l’importante avancée de la mutualisation des dettes, les Etats membres se sont engagés à créer de nouvelles ressources propres pour rembourser l'emprunt communautaire ; une taxe plastique doit entrer en vigueur au 1er janvier 2021, suivie par une taxe carbone aux frontières, une taxe GAFA, et une taxe sur le système d'échange des quotas d'émission (ETS).

Malgré les délais de mise en place de ce plan, il est conséquent. Il reste maintenant à espérer que ces sommes soient rapidement utilisées et qu’elles permettent une véritable relance des économies européennes, une réduction de la fracture entre pays du Sud et ceux du Nord et que l’UE ne se retrouve pas confrontée, comme en 2009-2010 à une crise des dettes souveraines. Ce plan devrait permettre un renouveau économique, absolument nécessaire pour une affirmation européenne.

L’Europe est malmenée par l’expansionnisme d’ERDOGAN. Il met à mal l’unité européenne et démontre l’inefficience, voire l’inutilité de l’Alliance atlantique, avec les prospections dans les eaux territoriales chypriotes et grecques. Pourtant, à l’exception de la France, les soutiens européens à la Grèce sont peu nombreux. Parallèlement, à l’exception de la France, peu de pays européens se sont préoccupés de l’arrivée des Turcs en Libye. Il est grand temps que l’UE clarifie sa position vis-à-vis de son turbulent voisin

L’Europe n’est pas actrice de l’actuelle redistribution des cartes au Proche Orient.

Sous la houlette des États-Unis, Bahreïn, les Émirats arabes unis (EAU), et depuis peu, le Maroc ont reconnu l’État juif et commencé à nouer des relations avec lui sur la base d’un principe simple, la paix contre la paix, le respect contre le respect, l’économie contre l’économie... Á force de ne pas bouger, les Européens apparaissent de plus en plus dépassés ; dans le même temps, Washington consolide ses alliances et imprime sa marque sur la péninsule tout en se retirant militairement.

Ils sont loin

  • Les accords Sykes-Picot de 1916 lorsque le Royaume-Uni et la France se partageaient cette zone !

  • Le schéma du traité de San Remo qui avait reconnu le droit des Juifs à un foyer national en Palestine, et sa déclinaison par Winston CHURCHILL qui avait, en une après-midi créé la Jordanie pour signifier que le foyer juif ne pouvait voir le jour qu’à l’ouest du Jourdain.

Il est grand temps que l’Europe adopte une nouvelle politique dans cette région du Monde en tenant compte des réalités.

Un des signes d’une affirmation européenne serait la présentation d’une politique commune en matière de migrants. Il est grand temps d’arrêter de s’en remettre à ERDOGAN pour qu’il contrôle les mouvements de personnes et nos frontières à notre place. Notre indépendance exige que nous assumions nos responsabilités !

Un sursaut européen est indispensable pour enrayer le lent déclin du continent !

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