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Édito : Le gouvernement ne veut pas que nous sachions le nombre de contribuables exilés
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L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Notre gouvernement, qui gère une des administrations les plus sophistiquées et notamment celle de Bercy qui peut rattraper des statistiques de revenus au centime près, est incapable de nous donner les chiffres de contribuables français qui décident de quitter la France. On ne sait pas qui ils sont et pourquoi ils partent.

C’est quand même incroyable, nous devons être le seul pays occidental à être dans l’ignorance de ce phénomène. Les Français qui s’expatrient sont en général des gens très riches, la plupart du temps ils passent par un banquier spécialisé (donc les banquiers savent qui part), ils peuvent même passer directement par les services de Bercy. Donc Bercy est au courant. De toute façon, on sait bien chez Pierre Moscovici l’évolution des déclarations d’ISF. Quand la famille part, elle arrête ses déclarations. Pour ceux qui sont moins riches, des jeunes chefs d’entreprises par exemple, les Chambres de Commerce savent qui part et où ils partent. Les douanes aussi, les services extérieurs qui délivrent des visas… Bref on peut tout savoir, au plus haut niveau de l’état. 

Pour les jeunes diplômés qui sont très nombreux à partir depuis le début de la crise, les grandes écoles le savent. HEC, ESSEC, L’X… Ils connaissent exactement le nom et le nombre de leurs étudiants qui s’expatrient à l’étranger. Depuis 5 ans ils les invitent à s’en aller. Une catégorie dont on ne parle pas, ce sont les contribuables à la retraites. Des ex-professions libérales aux ex-fonctionnaires modestes ; ils s’en vont au Maroc, au Portugal, en Asie, ou même en Floride pour échapper à l’impôt sur le revenu et s’exonérer de frais de chauffage l’hiver. Là aussi on le sait, les caisses de retraites savent bien à qui, et où elles versent les pensions. Bref, tout le matériel statistique existe et pourtant on ne peut pas en disposer avec précision. On connait ces informations mais avec trois ans de retard. 

Philippe Marini, sénateur UMP de l’Oise et président de la Commission des finances, a présenté hier des chiffres sur les départs des redevables à l’impôt sur le revenu. Ces chiffres sont les seuls disponibles. Il les a obtenu auprès de la direction générale des finances publiques. Ils sont accablants mais anciens. Les seuls chiffres disponibles datent de 2011. En 2011, 35.077 foyers fiscaux ont choisi de quitter la France. Si on retient 4 personnes en moyenne par foyer fiscal, ça représente plus de 140.000 Français.

Ces français ont quitté la France pour des raisons fiscales et professionnelles. C’est déjà intéressant parce qu'il y a là principalement des assujettis à l’IRPP et pas seulement des grandes fortunes qui ne sont qu'une bonne centaine par an. Philippe Marini ajoutait que le nombre d’exilés a été relativement stable entre 2007 et 2010, autour de 26.000 par an. Mais il a grimpé à plus de 35.000 en 2011. Un pic que l'on retrouve au niveau des plus riches. Ceux qui déclarent plus de 100.000 euros par an ont doublés en 2011. 

Les expatriés ont des revenus plus élevés que la moyenne des contribuables, mais leur revenu fiscal n’était pas considérable. 39.000 euros en 2011. Ça veut dire que la grande majorité des expatriés ne partaient pas pour des raisons fiscales mais plutôt pour des raisons professionnelles. Ils ont fui la crise économique, le manque de dynamisme en France et cet écosystème très décourageant pour les chefs d’entreprise. C’est le cas des jeunes diplômés, c’est le cas de tous ceux qui n’ont pas de diplôme et qui vont chercher du travail en Australie ou ailleurs. C’est aussi le cas des retraités qui vont chercher ailleurs une fiscalité un peu plus light mais surtout un environnement climatique plus confortable avec des services plus nombreux et moins chers qu'en France. 

En clair ce qui ressort des chiffres de Philipe Marini, c’est que l'on ne s’en va pas seulement pour fuir le fisc, on s’en va aussi parce que l’on considère que l’air est plus respirable ailleurs. Les moins de 30 ans représente d’ailleurs plus de 40% des départs. Les destinations les plus courues n’étonneront personne. Les très riches vont à Bruxelles et à Genève. Les retraités vont au Maroc, en Floride ou en Asie. Quant aux actifs, cadres, diplômés ils partent en priorité à Londres, Montréal et New-York.

Le seul problème dans ces chiffres officiels, c’est qu'ils s’arrêtent en 2011. Pour savoir ce qui s’est réellement passé depuis l’arrivée de François Hollande il faudra attendre l’année prochaine. Le gouvernement voudrait que nous ne sachions pas ceux qui partent qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

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