La Grèce au bord du gouffre : les faits et les chiffres que l'on a cachés à la population<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
 La Grèce au bord du gouffre : les faits et les chiffres que l'on a cachés à la population
©Reuters

Dernier week-end en zone euro

Les Grecs ne savent pas dans quel état ils se réveilleront lundi matin. Les responsables européens qui réussissent encore à parler à Alexis Tsipras lui ont conseillé de rétablir le contrôle des changes et de fermer les banques de détail pour empêcher les capitaux de sortir. Les Grecs s’aperçoivent maintenant que l’intransigeance du gouvernement les envoie dans le mur à la veille d’une saison touristique qui s’annonce calamiteuse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

La semaine s’est terminée dans une crispation extrême de la situation en Europe. Les chancelleries, les administrations les opérateurs financiers sont excédés par le désordre qui entoure le dossier de la Grèce. Les mensonges, la démagogie et les menaces sans parler du chantage permanent à la crise systémique

D'abord, la colère de Mme Lagarde a surpris tout le monde, y compris ceux qui en Europe la connaissait bien pour son calme et sa retenue mais a rendu service à tous les chefs d’Etat et de gouvernement qui sont comme elle, excédés par le comportement d’adolescents attardés et porteur d’une idéologie d'une autre époque mais alimenté par la démagogie la plus aveugle.

La directrice du FMI n’a pas supporté d’avoir à négocier avec des interlocuteurs grecs qui visiblement ne veulent pas aboutir. Elle a mis fin à une réunion pendant laquelle selon des témoins, le ministre de l’économie grecque s’est carrément moqué d’elle en lui fournissant une note de synthèse de 5 pages, ni faites ni à faire. Un copié-collé de ce qui avait déjà été présenté et qui résume les promesses électorales de Tsipras. Pour le FMI, c’est une fois de plus, inadmissible. Après tout, les créanciers sont allés au bout du bout des concessions acceptables par les opinions publiques européennes.

Et de rappeler que la troïka, qui représentent les contribuables européens ont déjà annulés plus de 150 milliards de dettes en 2010 et 2012. Et que les banques privées ont déjà perdu au total plus de 60 milliards de d’euros. Or quand une banque privée annule une dette, ce sont les clients de la banque qui paient.

Mme Lagarde a aussi rappelé qu’il reste 230 milliards de dettes contractées auprès des institutions européennes avec des échéances qui ont été repoussées "aux Calandes grecques" c’est à dire à plus de 50 ans.

Elle a aussi précisé que la banque centrale européenne était prête à apporter les liquidités au système bancaire grec, ce que Mario Draghi a confirmé ce week-end.

Enfin, elle a dit et répété que le FMI respecterait ses engagements de prêter les 7 milliards d’euros prévus, et lancerait le 3e plan d’aide financier à la fin de l’été..

A condition que la Grèce fasse un minimum d'effort pour que les créanciers ne perdent pas la face.

1e condition, que le gouvernement grec s’engage à mettre en place un système fiscal équitable et efficace. Les créanciers ne demandent même pas d’établir un impôt sur le revenu ou sur le capital. Ils demandent seulement une promesse de relèvement du taux moyen de TVA, actuellement de 6% quand l’ensemble de l’Europe, y compris les pays les plus pauvres, pratiquent un taux de 20%. Pour quelle raisons disent les polonais ou les slovaques devrions-nous payer l’impôt à la place des grecs ?

2e condition, que le gouvernement s’engage à revoir ses projets de réforme du système de retraites. Pourquoi la Grèce devrait ramener l'âge de départ à 60 ans, alors que, pour des raisons démographiques évidentes tous les pays d’Europe évoluent vers 65 et 67 ans. Cerise sur le gâteau, les pensions moyennes versées aux Grecs en retraite sont 30 % plus élevées que le salaire minimum des polonais ou des slovaques. Là encore le FMI et les institutions européennes à qui on demande sans cesse des efforts d’harmonisation ne peuvent pas laisser passer de telles disparités.

3e condition, que le gouvernement grec suspende les campagnes d’embauches de fonctionnaires promises pendant la campagne présidentielle.

Ces conditions arrêtées par le FMI, par la commission européenne, et par la BCE, avec l’aval de tous les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro ont été établies depuis des semaines et ce qui enrage les créanciers c’est de voir les autorités grecques s’assoir dessus.

Après le psychodrame de jeudi et vendredi, la grande surprise de ce week-end, pour les observateurs aura été l’ampleur des manifestations pro-européennes à Athènes.

Ces manifestations regroupent certes, une partie de la classe qui n’a pas voté pour Tsipras et qui viennent crier haut et fort leur  souhait de rester dans la zone euro, ajoutant que l’appartenance à l’euro a été une immense chance pour les Grecs… Moralité, ils reprochent assez violemment à Alexis Tsipras de refuser le moindre compromis et finalement de tout faire pour entraîner la Grèce dans le chaos.

Mais chose encore plus curieuse, ces manifestations regroupent aussi depuis jeudi soir, les partisans de Tsipras qui veulent désormais rester dans l’euro alors qu’ils avaient voté pour un programme de rupture.

Résultats : l’équipe Tsipras parait bien seule. Le premier ministre est prisonnier de ceux qui défendent une ligne extrêmement  dure réclamant une réforme globale de l’Europe ce qui est absolument inacceptable par les européens et ne rentre plus dans le projet des Grecs eux-mêmes.

Le fait nouveau, c’est qu'une majorité de grecs veulent rester dans l’euro et savent qu'il faudra d’une façon ou d’une autre en payer le prix. Sachant que beaucoup d’efforts ont déjà été consentis et que le prix imposé par le Fmi n’est plus négociable.

Les Grecs s’aperçoivent qu'ils sont piégés dans cette diagonale des radicaux, des intransigeants qui espéraient convaincre des européens d’Espagne, d’Italie ou de France de se ranger à leurs côtes pour construire une autre Europe. C’est raté. Les espagnols, les Italiens ou les français ne bougeront pas une oreille.

Les européens vont se réunir pour un sommet exceptionnel lundi soir. Ils reprendront leur cahier des charges en espérant que la gouvernance Grecque prendra ses responsabilités. Les Grecs ont deux solutions :

Ou bien ils campent sur des positions intransigeantes et refusent de prendre en compte l’équilibre de l’Europe, moyennant quoi ils s'enfermeront dans un espace monétaire qui va conduire les grecs les plus fragiles et le plus pauvres à la ruine, (les plus riches sont partis depuis longtemps en Suisse ou aux USA)  et en hypothéquant complètement la saison touristique dont l’activité représente plus de 40% du PIB annuel.

Ou bien, il acceptent de réviser leur programme politique, ce qui débloquera les créanciers.. Mais les condamne aussi politiquement aux yeux de leurs adeptes qui jouent la politique du pire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !