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Le démon du marathon : regardez bien les coureurs à Paris, vous verrez un beau défilé de quadras en pleine crise de milieu de vie
©Reuters / Benoît Tessier

3,2,1, partez !

Ce dimanche aura lieu la nouvelle édition du marathon de Paris pour laquelle près de 50 000 coureurs sont attendus. Parmi eux, un nombre conséquent de quadragénaires qui utilisent ce type de sport comme un moyen de se rassurer et de se valoriser face à leur avancée dans l'âge.

Olivier Bessy

Olivier Bessy

Olivier Bessy est sociologue Sports-Loisirs-Tourisme, responsable du Master "Loisirs, tourisme et développement territorial" et professeur d'Université au département de Géographie/Aménagement de l'UPPA (Université de Pau et des Pays de l’Adour). 

 

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Plusieurs articles parus dans la presse anglaise ont fait état d'une étude suggérant que la présence importante de quadragénaires dans les coureurs de marathon pourrait être liée avec la fameuse " crise de la quarantaine ".  

Atlantico : Vous avez produit de nombreuses analyses sociologiques sur la pratique de sports extrêmes comme le marathon. Quel est le profil sociologique que vous avez le plus fréquemment rencontré lors de vos études sur les pratiquants de courses extrêmes ? Cela vous semble-t-il aller dans le sens des conclusions de l'enquête pré-citée ?

Olivier Bessy : Aussi bien pour le trail que pour le marathon, si toutes les tranches d’âges sont concernées, les participants âgés de 40 à 49 ans sont les plus nombreux (40,6%), suivis par les participants âgés de 30 à 39 ans (31,9%) et les participants âgés de 50 à 59 ans (17,4%). Les tranches d’âge extrême ne représentent pour les moins de 30  ans que 6,9% des effectifs et 2,9% pour les plus de 60 ans. Ces pourcentages qui englobent les 4 épreuves sont assez constants entre 2003 et 2012. On notera cependant à la marge une baisse des catégories les plus jeunes  (de 10,3 à 6,9% chez les moins de 30 ans et de 33,6% à 31,9% dans la tranche des 30-39 ans). A l’inverse, ce sont les catégories d’âge les plus vieilles qui progressent (de 37,7 à 40,6% chez les 40-49ans et de 15,9% à 17,4% chez les 50-59 ans). L’âge moyen est de 42,6 ans en 2012. Il a très peu évolué entre 2003 et aujourd’hui et il n’y a pas de  différences entre les hommes et les femmes. 

Ces résultats étaient prévisibles car ils sont conformes aux chiffres obtenus classiquement dans ce type d’épreuve d’exploration énergétique, des marathons (Paris, Le Médoc…), aux trails longue distance (Grand Raid de La Réunion). 

Quelles sont les motivations souvent exprimées par les quadragénaires dans leur pratique du marathon ?

La dominance des 40-49 ans (41%) s’inscrit dans la mouvance des théories sociologiques (Aubert et de Gaulejac 1991) qui montrent que la recherche de la performance coïncide avec la période de la vie où le défi physique et psychologique est privilégié en parallèle avec la recherche d’efficacité dans sa vie professionnelle. C’est donc bien à un âge où l’identité a besoin d’être affirmée par rapport à une incertitude sur ses capacités physiques et son devenir professionnel, que nous trouvons la grande majorité des participants. Cette période de la vie est familièrement exprimée sous le terme de la crise de la quarantaine. 

Comment expliquer que la pratique d'un tel sport semble répondre plus spécifiquement aux attentes des quadragénaires que de celles d'autres classes d'âge ?

Les moins de 30 ans sont quasiment absents (6,9%). Leur présence décroît dans toutes les courses. Cette très faible représentation s’explique par la limite d’âge autorisée pour participer et qui est fixée à 20 ans  mais aussi parce que les exigences de ce type d’épreuve (dépense énergétique, effort long, ascétisme, solitude…), ne correspondent pas aux attentes dominantes de cette clase d’âge davantage attirée par les activité de glisse et d’extrême vertigineux à caractère hédonique et tribal (Loret, 1995). 

En recrutant aujourd’hui plus qu’hier dans les tranches d’âge supérieures à 40 ans, les résultats enregistrés montrent qu'aussi bien « l’Ultra-trail » que le maraton sont un moyen de se rassurer et de se valoriser au fur et à mesure que l’on avance en âge. Ils laissent transparaître aussi grâce à la bonne représentation des 30-39 ans que la recherche de l’extrême énergétique est en train de se diffuser dans l’ensemble de la population quel que soit son âge, à l’exception des moins de 30 ans pour des raisons culturelles et des plus de 60 ans pour des raisons de santé.

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