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Le Covid provoquerait (aussi) des AVC aigus
©Bryan R. Smith / AFP

Mauvaise nouvelle en neurologie

Le lien entre Covid-19 et AVC n'est pas encore bien compris mais les infarctus cérébraux se multiplient suite aux infections de coronavirus.

André  Nieoullon

André Nieoullon

André Nieoullon est Professeur de Neurosciences à l'Université d'Aix-Marseille, membre de la Society for Neurosciences US et membre de la Société française des Neurosciences dont il a été le Président.

 

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Atlantico.fr :La suspicion d’un lien fort entre Covid-19 et AVC semble se renforcer, notamment en raison d’études du University College of London, dont une publiée début décembre dans le Journal of Neurology, Neurosurgery et Psychiatry. Qu’est ce qui permet d’accréditer ce lien ? 

André Nieoullon : En fait, dès le début de la pandémie, y compris au tout début en Chine, un certain nombre d’observations étaient rapportées sur des atteintes potentielles du système nerveux par le virus, y compris des formes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) plus ou moins graves, allant de simples ischémies transitoires, ce que nous nommons des AIT, sans séquelles majeures, à des AVC beaucoup plus graves, intervenant notamment pendant les procédures de réanimation.  Très vite l’alerte a été donnée et même si les cas en France restent peu nombreux, les centres en charge de la maladie ont tous constaté une légère augmentation des cas d’AVC. Rapidement des publications venaient étayer cette impression et des données étaient rapportées sur des patients US et du Royaume Uni, notamment, dont une étude de l’University College London parue dans la revue de référence Brain en juillet dernier. A ce stade la preuve n’est pas définitivement apportée d’un lien direct entre l’action du virus et le déclenchement des AVC, mais nous savons de longue date que les maladies infectieuses ont une propension à affecter le fonctionnement du cerveau.

Ce qui frappe est le fait que cette augmentation de l’incidence des AVC, qui aujourd’hui ne peut être contestée, touche à la fois les personnes atteintes de formes graves soumises aux longs et traumatisant protocoles de réanimation mais aussi une population de sujets ayant exprimé des formes beaucoup plus légères de la maladie, y compris dans la population jeune n’ayant pas présenté des signes majeurs voire aucun signe de l’infection COVID-19. La caractérisation de l’incidence de la maladie est complexe et dans des études plus récentes comme celle du Stroke Research Center, Queen Square Institute of Neurology à Londres, la conclusion est sans appel sur le fait que la COVID-19 augmente le risque d’AVC, avec peut-être même une sensibilité différentielle en fonction de l’origine ethnique, les sujets d’origine asiatiques pouvant être plus affectés que les caucasiens ou les patients d’origine africaine, selon ces travaux.

Atlantico.fr : Comment expliquer que le coronavirus puisse ainsi favoriser les AVC et que ces derniers soient plus graves que la moyenne ?  

André Nieoullon : En fait, la question qui est posée est bien celle des mécanismes de l’atteinte neurologique. Plusieurs hypothèses sont actuellement à l’étude. Si on admet que le virus ne passe pas bien la barrière hémato-encéphalique qui protège normalement le cerveau et que le virus ne pénètre pas dans le cerveau par le truchement de la muqueuse olfactive (là où la procédure des tests va prélever les cellules potentiellement infectées…), la première hypothèse retenue évoque les simples effets de l’anoxie du sang, liée à la fois à l’atteinte pulmonaire et à la diminution potentielle de la fonction cardiaque. A ce stade, la présence du virus n’est en général pas détectable dans le cerveau par les méthodes d’imagerie cérébrale ou par ponction lombaire dans le liquide céphalo-rachidien, mais, à l’autopsie, certains travaux décrivent parfois sa présence, qui reste néanmoins limitée. C’est ainsi le manque d’oxygénation du cerveau qui serait à l’origine des atteintes cérébrales et des AVC ischémiques, en particulier. Il est notable que l’impact des pathologies infectieuses sur le cerveau est connu par ailleurs, et donc que cette hypothèse est potentiellement crédible. Mais l’hypothèse qui prévaut aujourd’hui est bien celle d’un effet indirect, lié à la réponse de l’organisme à l’infection médiée par le système immunitaire, ce que l’on nomme communément « l’orage à cytokines », se traduisant par une réponse disproportionnée de l’organisme au processus inflammatoire. Dans ce cas, ce serait par le truchement de cette réponse immunitaire trop forte, et notamment des lymphocytes, qu’interviendraient ces accidents ischémiques, en rapport aussi avec une perte de la fluidité du sang. Si l’on considère que les processus inflammatoires du système nerveux sont fréquemment évoqués pour rendre compte de diverses pathologies comme les maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, Alzheimer, et surtout maladie de Guillain-Barré ou encore sclérose en plaques), notamment, alors le lien avec toute une série de symptômes relevés par les différentes études sur les malades atteints de la COVID-19, devient tangible et permet d’ailleurs d’expliquer pourquoi les thérapies anti-inflammatoires présentent aujourd’hui un réel intérêt thérapeutique.

Atlantico.fr : Les symptômes une fois passés, l’infection peut-elle provoquer un AVC à rebours ?

André Nieoullon : La réponse est déjà évoquée dans ce qui précède et, si l’on admet que le lien entre l’infection à la COVID-19 et les AVC n’est pas direct mais bien lié à l’emballement du système immunitaire, alors il est possible de comprendre pourquoi les signes neurologiques peuvent être « retardés » par rapport aux signes princeps de l’infection, c’est-à-dire la fièvre (qui fait déjà partie de la réponse immunitaire) et surtout l’atteinte respiratoire se traduisant par l’hypoxie cérébrale. Comme cette réponse immunitaire, de défense de l’organisme, met quelques jours à s’établir, alors les effets secondaires de l’infection peuvent, de fait, intervenir avec un certain délai, au moment même dans certains cas où les signes cardinaux de la maladie ne sont plus réellement présents et où les tests PCR montrent que le sujet n’est alors ni infecté (le virus n’est plus détecté), ni contagieux.

Au-delà de l’AVC, le Covid-19 a-t-il d’autres impacts insoupçonnés sur notre système neurologique ?  

André Nieoullon : La grippe espagnole, une autre pandémie mondiale qui a sévi autour des années 1918, a été source de nombreuses encéphalites sévères causant de nombreux décès et se traduisant pour d’autres par des séquelles neurologiques graves, tels de nombreux cas de maladie de Parkinson.  Ici, les signes neurologiques sont très nombreux et la COVID-19 se traduit, selon les patients, par des atteintes plus ou moins diffuses en rapport avec ces encéphalites très larges, de troubles de la conscience (hallucinations, état de confusion mentale), de troubles de l’attention, de troubles mnésiques, d’une anxiété généralisée, de troubles du sommeil très fréquents, ou encore de troubles de la sensibilité tels qu’observés dans le syndrome de Guillain-Barré. Ces symptômes, seuls ou combinés, peuvent être accompagnés de douleurs musculaires et de céphalées, l’un des symptômes majeurs de la COVID-19. Si on ajoute à cela la fréquente survenue d’anosmie (la perte de l’odorat) et/ou d’agueusie (perte du goût), alors l’impact de l’infection COVID-19 sur le fonctionnement du système nerveux est indéniable et préoccupante tant elle est fréquente, à des degrés de gravité divers. 

L’atteinte est donc très large et la vulnérabilité de notre cerveau objectivement majeure vis-à-vis de cette maladie. L’une des questions qui reste en suspend est celle de la récupération de ces atteintes neurologiques/psychiatriques. A ce stade, les données cliniques montrent que les symptômes peuvent avoir dans de nombreux cas une forte rémanence et durer bien au-delà de la durée de l’infection. Telles l’anosmie et l’agueusie, pouvant persister de longues semaines, voire de longs mois, mettant en exergue le fait que certains effets secondaires de la COVID-19 puissent présenter un caractère chronique, mais aussi les troubles du sommeil, les atteintes cognitives, et celles de l’humeur. Les études à venir nous montrerons à n’en pas douter combien  cette infection à durablement modifié l’état de notre cerveau.

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