Atlantico - Selon une étude, menée par des chercheurs de Santé publique France, le Covid long serait devenu l’une des maladies chroniques les plus fréquentes en France, avec une prévalence de 20% deux ans après l’infection. Sur quoi s'appuient ces données ?

Il s’agit d’une étude portant sur un échantillon représentatif de près de 30’000 personnes de plus de 18 ans vivant en France. Cette prévalence de 20% de Covid longs deux ans après l’infection est donc robuste et fiable.

Antoine Flahault - Quelles sont les limites de cette étude ? L’état de la littérature tend-il à confirmer ce constat ? 

À ma compréhension de ce qui est décrit assez succinctement dans cet article scientifique, cette étude porte sur une enquête déclarative conduite sur internet, c’est-à-dire sur la foi des seules réponses à un questionnaire en ligne apportées par les personnes sondées elles-mêmes et non sur des diagnostics médicaux confirmés par des médecins. Il n’est pas clair si les chercheurs ont pu vérifier les résultats des tests PCR affirmant le diagnostic de Covid même si la proportion des adultes français (34%) rapportant avoir contracté une “infection probable” de Covid-19 au moment de l’enquête (en mars-avril 2022) semble d’un ordre de grandeur tout à fait plausible.

De façon surprenante, la vaccination des personnes interrogées n’a pas été renseignée, on ne peut donc pas voir si elle aurait apporté un effet protecteur éventuel.

- Si le covid long s’impose comme une maladie chronique de première ordre, quelles conséquences cela peut-il avoir ? 

Le Covid long n’est pas “une maladie chronique” mais plutôt une multitude de maladies chroniques très différentes, et comme vous le notez, très fréquentes. En plus de la fatigue chronique, de l’essoufflement, et des pertes cognitives, ce sont 21 autres symptômes qui définissent aujourd’hui le Covid long, allant de troubles cardiaques, hormonaux, neurologiques ou psychiatriques. Cette étude n’évoque pas d’autres manifestations post-infectieuses comme le diabète, les accidents cérébro-vasculaires ou les troubles cardiaques qui sont aujourd’hui rapportés dans la littérature mais auraient probablement nécessité un diagnostic médical plus approfondi.

- Cela renforce-t-il la nécessité de lutter contre la transmission du Covid pour éviter une vague de maladies chroniques ? Quelles doivent être les réactions en termes de santé publique ?

Cette étude montre que les médecins eux-mêmes sont largement passés à côté du Covid long depuis le début de la pandémie. Comme ses manifestations sont plurielles et peu spécifiques, à part peut-être la perte de goût et d’odorat (qui restent des symptômes minoritaires), et comme certains symptômes peuvent être de nature neuro-psychiatriques, à leur habitude, les médecins ont d’abord catégorisé ce qu’ils comprenaient et évaluaient difficilement comme étant des manifestations d’ordre psychosomatique, voire l’expression d’un terrain préexistant fragile. Cette étude montre qu’il est urgent de s’atteler à mieux cerner le problème du Covid long et que la plupart des spécialités médicales sont concernées. Nous n’éviterons pas une “vague de maladies chroniques”, car… nous l’avons déjà ! Il faut donc d’abord arrêter de mettre la poussière sous le tapis et regarder la réalité du Covid long en face. Il faut en effet alerter l’opinion publique vis-à-vis de cette problématique afin que chacun évite autant que possible les réinfections successives qui augmentent le risque de Covid long. Les pouvoirs publics en France comme partout en Europe ont renoncé à réduire les contaminations sur leur territoire. On peut comprendre que l’heure ne soit plus aux mesures liberticides, mais sans verser dans des stratégies à la Chinoise, ne pourrait-on pas quand même chercher à améliorer la qualité de l’air intérieur dans les locaux qui reçoivent du public ? Le bureau européen de l’OMS le crie - dans le désert - depuis plusieurs mois. Les experts sont quasiment unanimes, ce qui est rare dans ce domaine, pourquoi sont-ils si peu entendus ? Qui se plaindrait de respirer un air intérieur de meilleure qualité ? Ne pourrait-on pas aussi restaurer le port obligatoire du masque dans les transports publics et les écoles lorsque les contaminations dépassent un certain seuil ? Le masque n’est certes plus très populaire, mais combien de vagues faudra-t-il que nous subissions encore, et à quel niveau de fréquence du Covid long faudra-t-il que nous arrivions pour que la population lassée dise enfin “ça suffit” et exige de ses autorités des mesures efficaces pour vraiment lutter contre ce coronavirus avec lequel on ne peut décidément pas “vivre avec”, en tout cas pas de cette façon ? L’hiver n’a pas seulement commencé et nous achevons la huitième vague, alors qu’une neuvième s’approche à grands pas, si elle n’a pas déjà démarré. Nous n’avons plus ni cap ni boussole. Parce que les réanimations adultes ne sont pas surchargées, plus personne ne semble désireux de tenir la barre pour contrer les dégâts plus insidieux de cette pandémie, laissant la population à elle même. La campagne de rappels vaccinaux est poussive, les gestes barrières oubliés, la veille sanitaire anémiée par ses grèves et ses congés, alors qu’émergent des variants toujours plus transmissibles qui échappent toujours davantage aux vaccins et médicaments existants.