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Le cinéma pourra-t-il à lui seul démocratiser l’opéra ?
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Hors les murs

Aujourd'hui, une centaine de salles de cinéma diffuseront en direct un ballet de l’Opéra de Paris. Peut-on parler de réelle démocratisation de cet art encore élitiste ?

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Le Metropolitan Opera a lancé la mode il y a six ans, et le succès a été immédiat. Les projections d’opéras en direct dans les salles de cinéma ont trouvé leur public. Pas seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe, et en France où Gaumont diffuse les spectacles de l’illustre institution new-yorkaise.

Face à cette réussite, l’Opéra de Paris, qui s'est lancé dans l'expérience la saison dernière, diffuse cette année quelques spectacles choisis dans l’autre grand réseau français de salles de cinéma, UGC. Après Carmen le 13 décembre dernier, c’est au tour de la Troisième symphonie de Gustav Mahlerle 18 avril, le magnifique ballet de John Neumeier, le chorégraphe américain et directeur du ballet de Hambourg. Sa chorégraphie puise aux sources du ballet classique mais s’exprime dans un langage très épuré et géométrique, de quoi plaire à tous !

L’expérience est-elle identique ? Non bien sûr, rien ne remplace le fait d’être présent dans la salle. Mais elle n’est pas forcément de moins bonne qualité, elle s’avère surtout différente. Tout d’abord le direct confère à l’événement l’excitation de la représentation. Le grand écran et le son "cinéma" nous plongent au cœur de l’action. Les gros plans apportent un regard que même les spectateurs placés au premier rang ne peuvent découvrir. Les sensations sont bien présentes.

A environ 28 euros la place, cela en vaut la peine. Plus cher qu’une place de cinéma, mais moins qu’une place à l’opéra, ce prix attire un nouveau public. Il offre aussi une alternative à ceux qui n’ont pu trouver de places.

Car l’opéra reste cher. Et il ne faut pas se laisser attraper par le discours officiel de l’Opéra de Paris expliquant que le prix des places n’augmente pas d’une année sur l’autre. C’est vrai sur le papier, mais un grand nombre de places sont progressivement déplacées dans la catégorie supérieure, des places hier accessibles à 25 euros passent dans la catégorie à 45, une partie de ces dernières glissent dans le contingent à 70, etc. De l’inflation masquée dirait l’économiste. Et les places autour de la trentaine d’euros se sont raréfiées, on les retrouve désormais au cinéma, c’était ça le truc ?

Ceci dit, la subvention publique à l’Opéra de Paris stagne et la direction doit impérativement compenser. Les recettes propres (billetterie et mécénat) représentaient, il y a quelques années, 40%, elles se montent désormais à 50% et l’objectif consiste à atteindre 55% en 2016. Un résultat enviable si on le compare aux opéras de province qui peinent à dépasser les 20% de recettes propres. Mais on est loin du Metropolitan Opera de New York qui fonctionne sans argent public et où c’est le mécénat qui compense (car le seul prix des places ne peut suffire, de toute façon), ceci dit le système est différent.

Alors, entre contrainte budgétaire et volonté d’étendre son public, y compris celui éloigné de la capitale, l’Opéra de Paris choisit d’investir les cinémas. L’initiative est fondamentalement positive : des personnes qui n’avaient pas l’occasion de voir ces spectacles l’auront désormais. Tant mieux. Mais ces diffusions ne doivent pas servir à déclasser une partie du public habituel. Les efforts pour proposer des places financièrement accessibles ne doivent pas être oubliés. Au-delà de l’augmentation des recettes propres, il faudrait également diminuer les dépenses, notamment de personnel, les plus lourdes, c'est-à-dire renégocier la convention collective et alléger les effectifs, dans une maison fortement syndicalisée. Autant négocier avec la Corée du Nord, ce sera plus facile.

Quoi qu’il en soit, la possibilité existe désormais de profiter au cinéma dans d’excellentes conditions de grands spectacles lyriques et chorégraphiques, et c’est une chance à saisir.

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