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Une personnalité politique porte une écharpe aux couleurs du drapeau européen et du Royaume-Uni.
Une personnalité politique porte une écharpe aux couleurs du drapeau européen et du Royaume-Uni.
©JOHN THYS / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

En juin 2016, les Britanniques votaient pour quitter l'Europe. De nombreux enseignements peuvent être tirés du choix des électeurs britanniques et de ses conséquences pour le Royaume-Uni.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Le 23 juin 2016, il y a un peu plus de 5 ans, les Britanniques ont voté pour quitter l’Europe. Le temps est venu de tirer quelques enseignements de cette cruciale décision, même si l’exercice est difficile pour au moins trois raisons :

  • Les délais mis pour conclure le traité de retrait avec l’Union européenne ont fait que la séparation n’est effective que depuis le 1er février 2020, soit il y a à peine dix-huit mois.
  • Parallèlement à la négociation avec Bruxelles, Londres négociait avec chacun des États de par le Monde des accords commerciaux pour remplacer ceux conclus par l’Union européenne.

S’inscrivant dans l’objectif de « Global Britain », l’enjeu est de taille pour l’avenir du pays. Mais, cela prend du temps qui a impacté les relations commerciales et les activités économiques.

  • Enfin, last but not the least, la pandémie avec ses effets collatéraux sur l’activité économique

Lors de ma dernière chronique relative à « l’euphorie boursière », j’ai mis en exergue la seule Bourse en retard du mouvement général : la City. Alors que l’Euro STOXX 600 a augmenté de 40 % depuis le début de l’année, l’indice de la Bourse londonienne, le FTSE 100 n’a progressé que 12 %. Ce décalage est une des conséquences de la sortie de l’Union européenne.

Entre temps, le cœur boursier européen a quitté Londres pour rejoindre Amsterdam. Certains n’hésitent pas à évoquer l’histoire et indiquer que c’est un retour sur son lieu de naissance. La Bourse a démarré en 1602 dans les locaux de l’hôtel de ville d’Amsterdam avant de s’installer au début du XIXème siècle dans le bâtiment construit par BERLAGE. Aujourd’hui, les sociétés se précipitent à Amsterdam pour être coté à la Bourse, et même y installer leur siège social. Au-delà de ce clin d’œil de l’histoire, l’Europe boursière continentale existe et se développe avec Euronext qui regroupe désormais sept Bourses, Amsterdam, Bruxelles, Dublin, Lisbonne, Milan, Paris et Oslo.

Il y a une semaine, le chancelier de l’échiquier, M. Rishi SUNAK, dans le traditionnel discours de « Mansion House » au monde de la finance, a présenté sa stratégie pour sauvegarder la vocation financière de Londres, au cœur du modèle économique britannique depuis des décennies. Il a articulé plusieurs axes :

  • Finaliser les discussions avec Bruxelles le cadre réglementaire des établissements britanniques vis-à-vis de clients européens et essayer de sauver le maximum de relations d’affaires existantes
  • Établir des relations centres financiers comme Singapour et la Suisse
  • Avoir une « relation mature et équilibrée » avec la Chine. Cette démarche s’inscrit dans la suite de l’exclusion du chinois Huawei du réseau britannique de la 5G.
  • Placer la City à l’avant-garde la finance verte.

En attendant que ce plan produise ses effets, le Royaume a perdu de la substance financière, ce qui constitue un problème systémique. Le PIB britannique n’a progressé que de 1 % depuis 2016 alors que dans le même temps, le PIB de la zone euro a augmenté de 8 %. En étant sixième mondial avec un PIB prévisionnel de 2,9 Md$ pour 2021, le Royaume Uni a perdu une place. Sur la période ouverte en 2016, le PIB par habitant est demeuré autour de 40 500 $, combinaison d’une augmentation de la population de 66 à 68 millions d’habitants et d’un PIB en faible progression.

Dans le même temps, la livre sterling est passée de 1,31 € à 1,17 €, soit une dépréciation de 10 %.

Le Royaume Uni a aussi perdu des institutions européennes jusque-là installées sur son sol. L’Agence européenne du médicament a rejoint Amsterdam, l’Autorité bancaire européenne a déménagé à Paris.

Pour le moment, ces cinq premières années du BREXIT ne paraissent pas pertinentes. Malgré des résultats peu probants, voire négatifs, toutes les études d’opinion laissent entendre que les sujets de sa Majesté sont majoritairement favorables au « leave ».

Au-delà du problème réglementaire relatif aux activités financières, les sujets avec l’Union européenne ne manquent pas :

  • La situation juridique de l’Irlande du Nord. Quoique partie intégrante du territoire britannique, cette région fait partie de l’Union douanière et du marché unique européen. Dublin avait opposé son véto à toute solution visant à recréer une frontière entre le Nord et le Sud. Londres a été obligé d’accepter cette situation hybride, mais tout sujet fait l’objet d’une demande reconventionnelle.

Tel est le cas de la prolongation du moratoire sur le contrôle de la viande transformée pour trouver une solution et éviter « la guerre de la saucisse ».

  • La pêche dans les eaux territoriales britanniques, plus particulièrement dans le voisinage des îles de Guernesey, notamment par les Français.
  • La révision d’une directive européenne sur l’audiovisuel, perspective préjudiciable aux séries britanniques

Tout en mettant en place un nouveau modèle économique post-BREXIT, le Royaume-Uni doit faire face à de nombreux défis :

  • Réduire les inégalités régionales entre le Grand Londres et le reste du pays, en déployant le programme du « levelling up »
  • Procéder à d’importants investissements pour améliorer ses services publics en matière de transports et de santé
  • Faire face à l’épuisement de la ressource pétrolière. Après avoir atteint un pic en 1999-2000, la production diminue au point que le pays est devenu importateur net d’énergie depuis 2004

En choisissant le grand large, les Britanniques pouvaient s’attendre à la restauration de la relation privilégiée avec les Américains en partie grâce aux bonnes relations entre Boris JOHNSON et Donald TRUMP. Les derniers échanges entre Joe BIDEN et Boris JOHNSON ne paraissent pas très prometteurs d’une dynamisation de « la relation spéciale entre Londres et Washington ». Le récent voyage de Joe BIDEN en Europe a démontré sa volonté de renouer avec les alliés européens ; cela ne permet plus aux Britanniques de jouer les bons intermédiaires entre le Vieux continent et le Nouveau monde.

En guise de conclusion, ces cinq années nous offrent un clin d’œil ironique. Un des sujets débattus lors de la campagne référendaire portait sur l’immigration, et notamment sur la directive relative aux travailleurs communautaires ; souvenons-nous du « maçon polonais » qui prenait le travail des Britanniques. Aujourd’hui, plus de 5 millions d’Européens ont demandé le statut de résident. Polonais, Roumains, Bulgares lithuaniens, ouvriers venant du Sud de l’Europe essaient de répondre à la forte demande de main d’œuvre pour des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, la santé, les transports. La pénurie constitue un frein au redémarrage de l’économie après la pandémie. Il en résulte une forte pression pour assouplir les règles immigration.

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