Le bilan économique de Giorgia Meloni plaide-t-il pour Marine Le Pen ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Giorgia Meloni lors d'une conférence de presse à Rome, le 26 septembre 2022
Giorgia Meloni lors d'une conférence de presse à Rome, le 26 septembre 2022
©Antonio Masiello / Getty Images / AFP

Droite populiste

Politiquement oui puisqu’il démontre qu’un leader de droite populiste peut obtenir des résultats économiques qui n’ont rien à envier à ceux de gouvernements mainstream. En termes de politique économique elle-même, le RN reste en quête de crédibilité et son programme n’est pas franchement raccord avec la politique de la première ministre italienne

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Giorgia Meloni affiche un bilan économique comparable à ceux dont peuvent se targuer des exécutifs plus mainstream. Faut-il penser que cela prouve la capacité d'un gouvernement de droite populiste d'obtenir des résultats économiques décents, à défaut d’être probants ? 

Don Diego de la Vega : Rappelons d’abord que Giorgia Meloni n’est en poste que depuis un an et un mois, peu ou prou. On peut faire un bilan au bout de 100 jours ou, me semble-t-il, après trois à cinq ans d’exercice. Je ne crois pas trop aux bilans d’étape après à peine un ou deux ans. Au bout de cent jours, comme l’expliquait Milton Friedman, on est en mesure d’identifier ou non un électrochoc et on peut juger de celui-ci. Il peut se passer des choses très saillantes dans la foulée d’une élection. Après trois à cinq ans, on a suffisamment de données et de recul pour procéder à un bilan. Il devient possible de faire des comparaisons dans le temps et l’espace, d’analyser l’impact des réformes structurelles, de se documenter sur les questions et les enjeux…

Ceci étant dit, il est vrai que dans le cas de Giorgia Meloni, tout porte à croire que la situation n’aurait pas été radicalement différente avec un gouvernement mainstream. Les Italiens, sous le joug de la BCE, ont tenté à plusieurs reprises de travailler avec des gouvernements technocratiques. On parle ici de gouvernements qu’il n’est pas possible de qualifier de dictatoriaux, en cela qu’ils résultent d’un système politique démocratique, mais dont l’orientation est clairement technique, temporaire et extrêmement centriste. Elle est portée par des hommes qui n'étaient pas supposés être des politiciens. Je pense notamment à Mario Monti et à Mario Draghi, soit deux satrapes de la banque centrale européenne. Leurs mandats se sont tous deux soldés par des échecs, n’en déplaise à l’establishment français. Le peuple italien les a d’ailleurs sanctionnés dès qu’il en a eu la possibilité.

Il s’est désormais tourné vers quelque chose de différent, que d’aucuns qualifient d’extrême ou de populiste, de plus radicale c’est certain. Il est évident, quoiqu’il en soit, que la différence en matière de résultats n’est pas particulièrement saillante après 13 mois de gouvernance. Cela doit, me semble-t-il, nous interpeller : maintenant, quand on vote de façon plus radicale, on élit un gouvernement plus radical et les choses n’ont pas particulièrement l’air de changer. Cela pose nécessairement la question de l’utilité du vote et des marges de manœuvre des gouvernements élus. Faut-il taper là où ça compte, c’est-à-dire l’autorité monétaire à Francfort, ou alors opter pour un modèle à l’Argentine et voter de façon toujours plus extrême ? Difficile de savoir ce que feront les Italiens lors de la prochaine élection.

Dans quelle mesure cela pourrait-il constituer une bonne nouvelle pour Marine Le Pen ?

Ce n’est pas une mauvaise nouvelle, mais ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle non plus, il me semble. D’abord parce que je ne suis pas certain que la plupart des électeurs du Rassemblement national se prononcent en fonction de la réussite ou non du cas italien. C’est un déterminant assez limité dans le vote en faveur de Marine Le Pen. Du reste, l’ancienne candidate du RN n’a pas placé toutes ses billes sur l’expérience italienne : elle hésite régulièrement entre Giorgia Meloni et Matteo Salvini et n’a pas de corrélation directe avec l’une ou l’autre. Cela lui permettra, en cas de franc succès de la part de Meloni, de s’y associer ou alors de s’en démarquer dans le cas contraire.

J’ai tendance à penser qu’elle pourra capitaliser sur quelques-uns des éléments les plus probants ou les plus rassurants en matière de dédiabolisation mais qu’elle n’ira pas jusqu’à se réapproprier l’intégralité de l’expérience, parce que cela reviendrait à se réapproprier certains éléments dont elle pourrait ne pas vouloir, particulièrement en dehors du bilan économique et du côté de l’immigration par exemple. Je pense donc qu’elle fera du “picking” dans le bilan Meloni et n’en tirera que ce qu’elle veut en retirer.

La politique économique que prône Marine Le Pen diffère considérablement de celle mise en place par Giorgia Meloni et son exécutif. Est-ce à dire que le RN n'aurait pas nécessairement su obtenir les mêmes résultats ?

C’est difficile à dire, pour de nombreuses raisons. La France n’opère pas sous les mêmes contraintes, ne fait pas toujours face aux mêmes enjeux et n’a pas non plus le même système politique. La question est donc très délicate. Nul ne peut dire comment Marine Le Pen gouvernerait, du fait des particularités de notre système politique, dans lequel un certain nombre des sujets importants ont été retirés du seul champ politique.

S’il est vrai qu’elle n’affichait pas du tout le même programme économique que Giorgia Meloni à la précédente élection présidentielle, je ne suis pas sûr que cela soit pourtant essentiel, au regard des prochaines échéances électorales. Le programme de Marine Le Pen, sur le plan économique, est très évolutif. Entre 2012 et 2017, nous avons pu observer des changements conséquents et c’était vrai également entre 2017 et 2022. Il est probable qu’elle changera donc d’ici 2027 et reste à savoir si, en cas d’élection, elle pourrait mener son programme ainsi qu’elle s’est engagée à le faire.

A cet égard, je pense que les élections qui ont eu lieu aux Pays-Bas et celles qui finiront par arriver en Allemagne – l’AFD se hisse à plus de 20% dans les sondages – seront plus intéressantes à analyser. Un tiers des pays européens sont gouvernés par la droite radicale, un autre tiers est confronté à une droite radicale suffisamment forte pour peser et le dernier tiers voit sa droite radicale grimper dans les sondages. La situation est d’autant plus inédite que l'eurobaromètre laisse à penser que la confiance dans les institutions persiste et qu’il n’y pas vraiment de sujet.

Dans quelle mesure les résultats obtenus par Giorgia Meloni peuvent-ils faire office de trompe-l'œil, compte tenu de la conjoncture actuelle ?

Il y a, actuellement, une “gomme magique” qui efface la quasi-totalité de la responsabilité des gouvernements et des autorités budgétaires ou réglementaires européenne. Cette gomme, c’est la BCE. Cela fait 18 mois qu’elle a engagé une politique monétaire telle que, quelque soit la politique d’un gouvernement (fut-il d’extrême gauche ou d’extrême droite), cela reviendra au même sur les plans financiers et économiques. L’Europe, dans sa globalité, fait face à une augmentation (surprise et non justifiée) de 4% de ses taux d’intérêts, sur une période particulièrement courte. Dès lors, tout ce qui peut être fait sur le plan fiscal ou structurel n’aura pas d’importance dans l’immédiat.

La BCE a atomisé la politique économique européenne. Toute la macro-économie européenne est déterminée par ce mouvement de hausse des taux d’intérêts. C’est pourquoi il est très difficile d’analyser les impacts réels des politiques des dirigeants en ce moment. Cela relève de l’ordre de l’anecdote, en ce moment.

Giorgia Meloni aurait peut-être pu faire mieux. Son bilan est assez médiocre : il y a des points positifs et des points négatifs, mais c’est vrai de tous les gouvernements. De toute façon, pour les trois prochaines années, cette surdétermination par la politique monétaire est tellement radicale qu’elle efface tout le reste.

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