Lavez-vous les mains ! Petit retour sur une injonction beaucoup moins efficace qu’on le croyait pendant le Covid <!-- --> | Atlantico.fr
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Une affiche du NHS à Manchester en octobre 2020 recommande aux habitants de se laver les mains pour limiter les contaminations et protéger la population contre la Covid-19
Une affiche du NHS à Manchester en octobre 2020 recommande aux habitants de se laver les mains pour limiter les contaminations et protéger la population contre la Covid-19
©PAUL ELLIS / AFP

Gestes barrières

Dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, les recommandations sur le lavage des mains, au détriment de la ventilation et d'autres solutions, étaient-elles efficaces face à un virus qui se transmettait par voie aérienne ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Au début de la pandémie de Covid, on entendait beaucoup l’injonction à se laver les mains. Plus de deux ans après, que savons-nous de la pertinence de ce geste barrière contre le Covid ?

Antoine Flahault : Il est toujours facile de réécrire l’histoire après coup. J’ai été l’un des premiers Européens à préconiser le port du masque dans cette pandémie, en relayant dès le 26 janvier 2020 un tuto sur Twitter d’un confrère chinois de Wuhan appelant à se faire soi-même des masques avec plusieurs épaisseurs de papier toilette et un élastique en cas de pénurie de masques. Mais à cette époque nous ne savions pas encore exactement comment se transmettait le SARS-CoV-2. Ceux qui connaissaient un peu les coronavirus, notamment avec l’expérience assez récente du SRAS (2003), connaissaient le potentiel de transmission par voie aérosols, mais la culture hygiéniste qui prévalait - tant dans les hôpitaux qu’à l’OMS ou aux US-CDC d’Atlanta où à l’E-CDC de Stockholm - était celle de la transmission par les surfaces, les mains, ou les projections directes de postillons. Depuis près d’un siècle, c’était la culture dominante portée par la santé publique officielle, l’approche considérée par tous comme “moderne”, celle qui devait s’imposer pour cette nouvelle pandémie. Convaincu moi-même précocement du rôle prédominant de la voie aérosol dans la transmission du SARS-CoV-2, je ne manquais jamais de préconiser le lavage des mains, en plus du port du masque, de la ventilation et de la distance physique, parmi les gestes barrières efficaces.

Est-ce toujours pertinent de se laver les mains contre le Covid malgré tout ? Et d’user du gel hydroalcoolique ?

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Se laver les mains est un geste toujours utile contre bon nombre de maladies transmissibles à commencer par les nombreux virus et les bactéries responsables de gastro-entérites. Il serait très bienvenu que la SNCF continue de proposer du gel hydro-alcoolique à la sortie des toilettes des trains, comme elle le fait actuellement. On avait sans doute un peu perdu ces gestes simples d’hygiène individuelle qui pourtant sauvent des vies tous les jours dans les hôpitaux et peuvent en sauver dans notre environnement quotidien. Maintenant, la transmission du Covid-19 par les mains doit être exceptionnelle si elle existe. Elle n’a été que très exceptionnellement documentée dans la littérature scientifique mondiale depuis le début de la pandémie, alors que plus de 600 millions de cas ont été rapportés de par le monde.

Le lavage des mains a-t-il globalement une efficacité limitée face aux virus par transmission aérienne, comme le Covid ?

Le Covid, la grippe, les bronchiolites sont dues à des virus respiratoires. Il faut une certaine dose de virus pour être infecté.Lorsque nous respirons l’air d’une salle dont l’atmosphère est confinée, où il plane un nuage d’aérosols contaminés de la respiration des personnes présentes et dont certaines sont porteuses du virus, ce sont de multiples contaminations qui se produisent, à chacune de nos inspirations, toutes les 20 secondes, et auxquelles nous sommes exposés parfois en grand nombre. La transmission par voie aérosol est un mode de transmission beaucoup plus efficace que l’éternuement ou la toux d’une personne isolée dont les postillons contaminés iraient directement et du premier coup infecter une autre, en touchant d’étroites cibles vulnérables de son organisme, que sont ses conjonctives oculaires (si elle ne porte pas de lunettes), ses narines ou encore sa bouche si elle ne porte pas de masque. Ce sont des modes de transmission théoriquement possibles mais en réalité peu probables. Les surfaces peuvent être contaminées aussi, vous pouvez en théorie les toucher et porter le virus sur vos mains ainsi souillées, puis porter vos mains contaminantes à vos yeux, narines ou bouche et vous contaminer à votre tour. Il faut prendre conscience qu’un seul inoculat de virus est bien souvent insuffisant, dans le cas des coronavirus, pour représenter une dose infectante suffisante. En revanche, les aérosols présents dans un air mal ventilé, restent parfois plusieurs heures et favorisent beaucoup les conditions d’une contamination efficace. 

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Dans notre lutte contre le Covid, la mise sur l’accent du lavage des mains, au détriment de la ventilation et autre peut-elle être tenue pour responsable, au moins en partie, de la propagation du virus ?

Les pouvoirs publics ont abandonné, presque partout dans le monde démocratique, la lutte contre la propagation du virus. Nous ne disposons pas d’un vaccin très efficace sur ce plan. Le vaccin réduit certes fortement le risque de formes graves qui conduisent à l’hospitalisation ou au décès, mais il n’empêche pas très efficacement la propagation du virus. Les gouvernements européens laissent courir aujourd’hui le coronavirus sans tenter de réduire l’ampleur des contaminations. Le port du masque est vaguement recommandé mais leur préconisation est très peu respectée. Il en est de même pour le lavage des mains. La ventilation nécessiterait de lourds investissements portant sur le bâtiment. Elle impliquerait le respect de normes visant la qualité de l’air intérieur, et cela n’est pas du même ressort que le lavage des mains ou le port du masque. La ventilation n’est pas ou peu du ressort de la population. Certes chacun pourrait s’équiper de capteurs de CO2 et ouvrir ses fenêtres lorsque la concentration dépasse par exemple 600 ppm, mais n’est-ce pas un peu du même acabit que l’usage du permanganate de potassium pour purifier l’eau de boisson dans les maisons bourgeoises du début du vingtième siècle ? C’est certes une prévention efficace contre la contamination individuelle mais ce n’est pas la solution collective attendue pour une pandémie d’une telle ampleur. La solution pour l’eau de boisson a été de rendre potable l’eau du robinet, l’eau de tous nos robinets. Nous tirons des chasses d’eau avec une eau qui a la même qualité microbiologique que celle des bouteilles d’eau d’Evian ! Mais grâce à cela nous avons éliminé le choléra de nos métropoles occidentales. Éliminer le Covid et les virus respiratoires passera par l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, c’est-à-dire l’aération, la filtration et la purification de l’air que nous respirons, de tout l’air que nous respirons, dans tous les lieux clos où nous vivons, travaillons, mangeons, commerçons, faisons du sport, nous réunissons ou nous déplaçons. Cela nécessitera des travaux d’assainissement qui sont sans commune mesure avec les préconisations du lavage des mains ou du port du masque.

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