Laurent Wauquiez, un retour discret, si discret…<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurent Wauquiez, président Les Républicains de la région Auvergne- Rhône-Alpes, a fait sa rentrée politique à Valence dimanche.
Laurent Wauquiez, président Les Républicains de la région Auvergne- Rhône-Alpes, a fait sa rentrée politique à Valence dimanche.
© AFP / Lionel BONAVENTURE

Problème d'image

Laurent Wauquiez, président Les Républicains de la région Auvergne- Rhône-Alpes, a fait sa rentrée politique à Valence dimanche.

Arnaud Teyssier

Arnaud Teyssier

Arnaud Teyssier est spécialiste de l’histoire du gaullisme et de la Vème République, auteur récemment de "L'énigme Pompidou-de Gaulle" (2021) et "Demain la Ve République ?" (2022) aux éditions Perrin.

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Atlantico : Il se faisait discret depuis plusieurs mois. Laurent Wauquiez, président Les Républicains de la région Auvergne- Rhône-Alpes, a fait sa rentrée politique à Valence dimanche. Un retour fracassant puisqu’il a promis de conduire la droite vers « un grand succès collectif » en 2027. Comment expliquer cette réapparition tonitruante ?

Arnaud Teyssier : Je ne suis pas certain que cette rentrée soit en elle-même tonitruante. C’est surtout l’annonce du retrait de sa région du dispositif « zéro artificialisation nette » qui semble faire couler un peu d’encre… Il me semble qu’il a tiré les leçons de sa première rentrée politique manquée, en mai dernier, dans les colonnes du Point, lorsqu’il avait présenté une sorte de « projet » marqué de multiples ambiguïtés : il semblait mettre en cause le système (la Vème ? L’Etat ?) plus que les personnes (Emmanuel Macron). Son image en était sortie plutôt brouillée. D’où la tonalité du discours d’aujourd’hui, très « en retrait », pour échapper sans doute aux reproches qui lui sont faits souvent de rechercher à tout prix l’effet médiatique. Le silence, en politique, a parfois des vertus – à condition de savoir le rompre avec force, et sur un sujet majeur. Laurent Wauquiez annonce certes clairement qu’il sera candidat, qu’il faut « se réinventer », « renverser la table », mais il reste dans les généralités. Certes il est un peu tôt, mais enfin, il s’agit tout de même de l’élection présidentielle : dans un pays qui, il y a peu, connaissait la tragédie du COVID, et dont le climat social est, c’est le moins que l’on puisse dire, loin d’être excellent, on attend tout de même un peu plus que des messages ou des recommandations pour « notre famille », ou l’expression, somme toute assez intello, d’une lassitude devant la « confrontation funeste entre bloc élitaire et bloc populaire ».

 Quelles annonces peuvent poser les premiers jalons de son programme politique ?

Pour l’élection présidentielle - surtout en amont -, on attend une vision, plus qu’un programme. Or cette vision, pour l’heure, n’est ni claire, ni fixée, et c’est d’ailleurs le reproche principal qui est adressé à Laurent Wauquiez dans les enquêtes d’opinion. C’est un homme d’une intelligence peu commune, avec du caractère et une réelle capacité, par moments, de « sentir » le climat politique. Dans le passé, il avait su notamment manifester une sensibilité sociale qui l’avait distingué de la plupart des dirigeants de la droite (et que reprend aujourd’hui, non sans un certain succès, Gérald Darmanin). Mais chacun a remarqué qu’il s’était tu sur la question de la réforme des retraites – qu’il lui était pourtant fort possible de défendre, s’il le souhaitait, mais en en marquant les limites et en traçant des perspectives un peu plus ambitieuses. Je pense que dans un discours à caractère « pré-présidentiel », on aurait pu attendre de lui des positions un peu plus précises, ainsi sur l’immigration – pour ne prendre que cet exemple, puisqu’il en a parlé ce dimanche. Ou qu’il réagisse, à tout le moins, sur le statut de la Corse, et plus encore sur les propos de son collègue de la région Bretagne : on sort très largement de la décentralisation, c’est de l’unité de la République, de ses principes fondateurs qu’il est question. Or c’est un sujet sur lequel les grands barons de la droite sont étrangement discrets.

Dans les sondages, Laurent Wauquiez est loin de séduire les Français. Sa rentrée politique peut-elle lui donner du crédit auprès de l’opinion publique ?

Il a clairement un problème d’image, et c’est bien ce qui l’agite. Dans le fond, on ne sait pas ce qu’il pense vraiment alors même qu’on sent chez lui du caractère, une force de conviction qui peine à s’exprimer. Il reste prisonnier – quoi qu’il en dise - du modèle de candidature assez narcissique installé par Nicolas Sarkozy, et dont la génération suivante – les jeunes « quinquas » d’aujourd’hui - a décidément du mal à se défaire. Être aimé, abolir le surmoi de la fonction, paraître « proche » des gens : ce sont là, pourtant, choses secondaires, même si elles peuvent venir de surcroît. Car il faut d’abord porter un projet pour la France, donc dire la vérité et parler au peuple en se saisissant des difficultés, des inquiétudes, des angoisses même, si cruciales, qui l’agitent. Sans se soucier des amalgames auxquels se livreront inéluctablement vos adversaires. En politique, pour vaincre et pour convaincre, il faut savoir prendre des risques.

Quelles sont les qualités qu’il possède, et qui manquent à la droite ?

Il a une force, qui était un peu celle de Nicolas Sarkozy pour l’élection de 2007 - mais une force qui est aussi une difficulté : il est plus ou moins en marge du système LR, et de la fameuse alliance « de la droite et du centre », encore vivace au Sénat, et il peut donc s’en démarquer à son gré, prendre de la distance et de la hauteur – jusqu’à un certain point ; de la même façon que Sarkozy devait se présenter comme un homme presque nouveau par rapport au système chiraquien, alors même qu’il en avait été l’un des dirigeants. Or, les LR restent plus que jamais prisonniers de ce système, qui avait dilué dans une alliance de circonstance - l’ancienne UMP - des traditions historiques et politiques différentes, et qui expose les parlementaires à la terrible situation d’aujourd’hui : faute de vouloir voter la censure, ils s’associent de facto à la majorité relative qui soutient le président de la République. Et cette confusion profite à l’évidence au Rassemblement national, qui dévore peu à peu l’espace laissé libre par cet évidement vers le centre. C’est la logique implacable du puissant système construit en 1958, qui est un appel permanent à la clarté en politique et rend à terme toute confusion mortifère (le scrutin majoritaire a la même vertu que l’article 49). Pour le reste, loin de la vaine fiction d’un « Etat profond », les Français attendent un Etat debout, capable de prévoir les crises à venir et de les protéger, et non un Etat qui s’efface et se délite faute d’une volonté claire de le défendre.  Voilà le terrain, très « Vème République », sur lequel Laurent Wauquiez pourrait prendre pied solidement et rassembler largement : ce qui devrait le conduire à parler, enfin, de l’Etat précisément, de la Nation, de la cohésion sociale en des termes plus porteurs que le poujadisme un peu rampant et localiste qui s’est insinué depuis vingt ans au sein de « sa famille. »

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