Labiaplastie : la chirurgie intime, nouvelle tendance de la chirurgie esthétique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De plus en plus de femmes se font réduire les lèvres par la chirurgie plastique.
De plus en plus de femmes se font réduire les lèvres par la chirurgie plastique.
©Flick/Alex E. Proimos

Coup de bistouri

En cinq ans, le nombre d'interventions pour réduire les grandes ou petites lèvres de la vulve a été multiplié par cinq dans les hôpitaux britanniques.

L’opération est au cœur d’une controverse. La labiaplastie (ou labioplastie, voire nymphoplastie) est-elle synonyme de prise de pouvoir féminine ou est-elle, au contraire, un exemple extrême de la façon dont les femmes peuvent être influencées dans un monde régi par le porno ?

Dans les hôpitaux britanniques, le nombre de labiaplasties a été multiplié par cinq en cinq ans. Certaines filles, qui en font la demande, sont à peine âgées de 11 ans. Face à l’ampleur du phénomène, un organisme caritatif a réalisé un court-métrage animé pour expliquer les raisons qui amènent à la pratiquer. La vidéo est signée Ellie Land, réalisatrice de documentaires.

Le dessin à la ligne épurée vient illustrer le témoignage de trois femmes, qui expliquent pourquoi elles en sont venues à franchir le pas. Plusieurs termes reviennent : mal-être, désir d'esthétique, sentiment d’anormalité, honte. Plus concrètement, les détails évoqués par ces femmes vont des problèmes sexuels aux points de suture lors de l’opération.

Qu’est-ce que la labiaplastie ? Il s’agit d’une intervention de chirurgie plastique sur les grandes lèvres et/ou les petites lèvres, ces replis externes de la peau qui entourent les structures de la vulve. Le procédé consiste à réduire les lèvres étirées. Une des patientes raconte la façon dont le chirurgien a découpé ses lèvres au ciseau, avant de les recoudre avec des points de sutures croisés.

La première femme à être interviewée dans la vidéo raconte comment elle avait l’impression de passer pour un « monstre » - elle a rêvé plusieurs fois que ses lèvres étaient une "longue, longue écharpe" étroitement enroulées autour de son cou, que tout le monde observait et dont on se moquait.

La deuxième explique que ses lèvres ne ressemblaient pas à celles des autres – et posaient problème pendant les relations sexuelles, car "elles se mettaient dans le chemin".

Enfin, la troisième dépeint ses lèvres comme "longues, sombres, dégoûtantes et toutes ridées". Toutes ces patientes ont passé des heures à feuilleter des magazines porno sans réussir à trouver une anatomie similaire à la leur. D’où leur honte de ne pas être "normales".

Pour Ellie Land, la réalisatrice du court-métrage, « l’objectif du film est de présenter une vision équilibrée de la labiaplastie, qui reflète les anxiétés et les préoccupations partagées par ces femmes interviewées au sujet de leurs lèvres ».

« Le film évoque quelques facteurs culturels qui pourraient être source d'anxiété chez les femmes concernant leurs organes génitaux, comme la publicité, la pornographie ou le consumérisme » indique Ellie Land.

Une telle opération coûte près de 3 800 euros dans le privé. Mais l’année dernière, 2 000 labiaplasties ont été financées par le système de sécurité sociale anglais. Soit une multiplication par cinq de ces opérations, en cinq ans.

Pour être éligible au remboursement, la demandeuse doit présenter des raisons physiques, comme de la douleur pendant les relations sexuelles, l’inconfort lié au port de vêtements, voire de rares problèmes hormonaux qui font enfler la lèvre mineure, ou encore des blessures provoqués par un accouchement.

Autre possibilité : que la forme des lèvres soit la source d’un vrai problème psychologique – dépression, problème d’estime de soi – ainsi des femmes peuvent rencontrer un médecin généraliste qui leur prescrira ou non la labiaplastie, avec l’avis d’un gynécologue.


Atlantico a interrogé le Dr Marc Abécassis, chirurgien plastique et esthétique.  

Atlantico : Les hôpitaux britanniques ont vu le nombre de labiaplasties, la chirurgie des lèvres génitales, multiplié par cinq au cours des cinq dernières années. En quoi consiste cette opération ?

Dr Marc Abécassis : La labiaplastie peut concerner les petites ou plus rarement les grandes lèvres. C’est une opération techniquement simple, qui dure une demie heure. Un mois après la cicatrisation, la patiente peut retrouver une vie sexuelle.

Quel est le problème des femmes qui subissent cette opération ?

Les petites lèvres peuvent être épaisses, longues ou larges – ce qui peut gêner certaines femmes.  Cela se ressent dans les sous-vêtements ou les maillots de bain, et peut irriter et provoquer des inflammations vulvaires, des démangeaisons. La femme peut également être gênée lorsqu’elle a des relations intimes, si elle est complexée.

Comment expliquer la popularité grandissante de cette opération ?

Les épilations dévoilent aujourd’hui de plus en plus l’appareil génital. L’accessibilité croissante aux films pornographiques est également en cause, tout l’avènement d’une société moins pudique.

Le film d’animation Centerfold raconte comment trois femmes ont passé, des années durant, leur temps à parcourir des magazines pornographiques en quête de ressemblance avec leur propre corps. Quel est le rôle de l’industrie pornographique dans le développement de ce complexe ?

Beaucoup de patientes se font des idées : la plupart du temps, les photos des magazines pornographiques sont retouchées.  Elles propagent la nouvelle norme : des petites lèvres, plus symétriques.

Parfois, des patientes arrivent dans notre cabinet un magazine sous le bras, nous disant "voilà docteur, je veux des seins comme cela". Il en va de même pour les lèvres aujourd’hui. On leur explique alors qu’elles sont tout à fait normales, si c’est le cas ; qu’il ne faut pas rechercher les standards chez les autres. C’est pourquoi les consultations chez le psychiatre sont très importantes. En général, on fait volontairement attendre les patientes pour vérifier qu’elles sont déterminées à faire l’intervention.

Il est important pour nous de déceler la véritable motivation de la patiente, de telle sorte que l’intervention ait des conséquences positives sur le plan psychologique, que ce ne soit pas un caprice médiatique, un désir du moment.  En revanche, il est vrai que si elles sont très motivées, il faut faire l’intervention.

Les médias ont créé un besoin en donnant une grande visibilité à cette opération.  Dès lors que les femmes savent que la technique existe, elles en sont demandeuses. Pour caricaturer, lorsqu’il n’y avait pas de dentiste, on devait bien se contenter de vivre avec les dents gâtées…

Avez-vous personnellement constaté une augmentation de la demande ?

Entre 1999 et 2005, le nombre d’intervention a, au moins, doublé. Et de 2006 à 2012, le nombre de mes patientes a triplé, voire quadruplé. Je me souviens même d’un cas d’une jeune fille de 14 ans. C’est une pratique que je réalise souvent, à raison de deux à trois opérations par semaine.

Pourquoi cette opération provoque-t-elle tant de débats outre-Manche ?

Les questions soulevées par la labiaplastie recoupent celles de la problématique de la chirurgie esthétique en général : on opère des gens sains, qui ne sont pas malades. On change un modèle, de nez, de fesses ou de poitrine. Une femme qui a une poitrine très jolie peut en vouloir une plus importante. Les autres médecins, qui ont l’habitude de traiter des pathologies, peuvent être désarçonnés. Pourtant, on ne peut pas laisser les patientes en souffrance, nous devons trouver des solutions.

Propos recueillis par Ania Nussbaum

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