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La zone euro rate (encore) ses objectifs d’inflation
©Capture écran France TV

Mauvaise nouvelle

Eurostat a indiqué qu'une légère accélération de l'inflation avait été constatée au mois de novembre. La reprise de l'inflation de la zone euro est-elle une réalité durable ?

Jézabel Couppey-Soubeyran

Jézabel Couppey-Soubeyran

Jézabel Couppey-Soubeyran est maître de conférences en économie à l'université Paris I, où elle dirige le Master 2 Professionnel "Contrôle des risques bancaires, sécurité financière et conformité". Elle est l'auteure de Blablabanque. Le discours de l'inaction. Ed. Michalon, sept. 2015.

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Atlantico.fr : Eurostat a annoncé une accélération de l'inflation au mois de novembre.

Cette inflation de 1% est encore très éloignée de l'objectif de 2% de la BCE. Y a-t-il véritablement une reprise de l'inflation de la zone euro ?

Jézabel Coupey-Soubeyran : Eurostat a en effet publié un taux d’inflation de 1%, en légère hausse par rapport aux mois précédent et qui correspond à l’indice des prix à la consommation harmonisé suivi par la BCE dans le cadre de sa politique monétaire. Ce chiffre est loin de la cible de 2% qu’elle vise pour remplir son mandat de stabilité des prix. Et tout porte à croire que la cible restera difficile à atteindre pour au moins trois raisons. 

La première est que l’inflation est devenue structurellement basse. Avant la crise, on parlait de grande modération pour désigner la stabilisation de l’inflation à un niveau qui était proche de 2%. Les grandes banques centrales y voyaient le résultat de leur succès dans la lutte contre l’inflation. En réalité, d’autres facteurs étaient pour beaucoup dans cette stabilisation : la mondialisation, le vieillissement démographique, la modération salariale en lien avec un partage de la valeur ajoutée évoluant dans un sens moins favorable aux salariés. La tendance déflationniste provoquée par la crise a perturbé cette grande modération en amenant l’inflation vers des niveaux plus bas et difficiles à redresser. 

La deuxième raison est que la zone euro donne des signes de ralentissement, ce qui ne va pas dans le sens d’une remontée durable de l’inflation. 

La troisième est que les liens que les banques centrales imaginaient solides entre d’une part la monnaie qu’elles émettent (monnaie de banque centrale ou base monétaire) et celle en circulation dans l’économie (monnaie des banques commerciales), et, d’autre part, entre la masse monétaire et le niveau général des prix (relation quantitative de la monnaie) sont aujourd’hui faibles sinon inexistants. La masse monétaire est loin d’avoir augmenté autant que la base monétaire. Entre 2008 et 2018, la base monétaire a triplé et la masse monétaire au sens large (M3) a augmenté de 30%. Ces 30% d’augmentation de M3 auraient toutefois dû en théorie faire augmenter l’inflation. Cela n’a guère été le cas. Ce ne sont pas les prix des biens et services qui ont augmenté, mais ceux des actifs immobiliers et financiers, soutenus par les achats d’actifs de la BCE et le niveau extrêmement bas des taux. Ces prix là n’entrent pas dans la mesure de l’inflation suivie par la BCE.

Les mesures lancées par Mario Draghi en septembre dernier vont-elle permettre d'atteindre l'inflation voulue en 2020 ?

Avant de céder la place à Christine Lagarde, Mario Draghi a poussé d’un cran supplémentaire l’assouplissement de la politique monétaire de la zone euro, en réponse aux signes ralentissement de la croissance. Les annonces dates du 12 septembre et ont été confirmées lors du dernier conseil de politique monétaire présidé par Mario Draghi le 24 octobre dernier. Le programme d’achat d’actif a été relancé à hauteur de 20 milliards d’euros d’achats mensuels de titres. De nouvelles opérations de refinancement de long terme ciblées (TLTRO) censées être conditionnées par les nouveaux crédits au bilan des banques ont été annoncées. Et le taux des facilités de dépôts, abaissé à -0,50%, est censé dynamiser la circulation des réserves des banques sur le marché interbancaires. Si l’on passe outre quelques subtilités (comme le dispositif de tiering qui exonère du taux de -0,50% une partie des réserves des banques à la banque centrale ou le fait qu’une partie des refinancements dans le cadre des TLTRO pourront se faire à ce taux négatif de -0,50%) qui atténuent ces mesures, celles-ci s’inscrivent dans le prolongement de celles des 10 dernières années. Peu différentes, elles produiront vraisemblablement les mêmes effets. Des effets assez faibles sur la croissance du PIB et l’inflation. Ces dix dernières années, la BCE s’est en effet heurtée à des problèmes de transmission. Les canaux de transmission de sa politique monétaire, le canal bancaire principalement puis celui des marchés à partir de 2015 quand elle s’est convertie aux achats d’actifs, se sont révélés étroits et n’ont guère acheminé les liquidités de la banque centrale jusqu’à l’économie réelle. Les « transmetteurs », banques et marchés, sont pour ainsi dire devenus les principaux « récepteurs » des effets de la politique monétaire. En clair, la politique monétaire menée jusqu’à présent a bien plus profité aux banques et aux marchés financiers qu’à l’économie dans son ensemble.

Peut-on considérer que Christine Lagarde dispose d'un contexte favorable en ce début de mandat ?

Le contexte n’est guère favorable puisque les mesures prises ne produiront guère plus d’effets que les précédentes et que beaucoup considèrent que la politique monétaire est à bout de souffle. Mais Christine Lagarde saura peut-être impulser les changements qui s’imposent. D’abord, il lui faudra verdir la politique monétaire, faire en sorte que la politique monétaire aille non pas à rebours mais dans le sens de la transition écologique, en achetant des actifs verts dans le cadre du programme d’achats d’actifs et en conditionnant le refinancement des banques au verdissement des financements qu’elles accordent. Une lettre ouverte lui a récemment été adressée en ce sens. Ensuite, il lui faudrait tendre une nouvelle corde à son arc d’instrument en mettant en place une monnaie hélicoptère. La BCE en a tout à fait les moyens : verser directement à chaque citoyen de la zone euro une somme à dépenser chaque mois, de l’ordre de 100 euros par exemple. Cela augmenterait directement la dépense de consommation et aurait ainsi un impact positif rapide sur la croissance et l’inflation. La politique monétaire profiterait aussi ainsi aux plus modestes, ce qui n’a pas été le cas depuis la crise. Enfin, il lui faudrait obtenir que la politique monétaire soit mieux soutenue par la politique budgétaire et qu’elle s’articule aussi à davantage de mesures de prévention des déséquilibres financiers. Bref, il y a beaucoup à faire ! 

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