Pari risqué
La tournée pédagogique de François Hollande peut-elle être politiquement payante ?
François Hollande entame une tournée des régions françaises. Une série de voyages dont l'objectif est d'assurer le service-après vente des réformes : il s'agit d'être pédagogue. Mais est-ce le meilleur moyen de sauver la côte de popularité du président ?
Arnaud Mercier
Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.
Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).
Atlantico : Hollande part en région avec pour mission de faire de la pédagogie sur les réformes du gouvernement. Objectif : inverser sa courbe de popularité. "La carte de la pédagogie" peut-elle être politiquement payante ?
Arnaud Mercier : Sa stratégie d'efficacité ne fonctionne que si on accepte le diagnostic sur lequel elle repose : un défaut d'explication de la part du gouvernement, de philosophie d'action et du coup, un déficit pédagogique qui justifierait que le président aille lui-même expliquer sur le terrain sa politique. Mais le problème est en réalité beaucoup plus profond, et la vraie difficulté est ailleurs. Le président de la République peut souffrir potentiellement d'une forme de coupure avec le pays réel, qui pourrait expliquer sa volonté d'aller davantage sur le terrain. Cela va certainement davantage aider François Hollande à ne pas se couper complètement de la société française que les Français à comprendre la politique de François Hollande.
Il y a toujours eu des stratégie de pédagogie de la part des présidents : Valéry Giscard d'Estaing l'a fait, François Mitterrand aussi avec sa participation à l'émission d'Yves Mourousi pour expliquer et justifier sa politique de rigueur, ainsi que Jacques Chirac au moment du Traité Constitutionnel européen. On peut aussi évoquer la tradition des voyages présidentiels : les présidents venaient incarner en province une République qui n'avait pas été fondée d'une façon consensuelle, et affirmer l'idéal républicain contre ceux qui croyaient encore à la monarchie. En l'absence de communication de masse, les présidents se déplaçaient beaucoup, faisant jusqu'à 30 à 40 voyages par an pendant plusieurs jours. L'idée qu'on nous présente là est finalement assez similaire.
Répond-il à une attente réelle de la population ?
Cela ne va pas résoudre le problème de sa popularité. Le sentiment de désaffection de certains électeurs est lié au fait qu'il ne tienne pas toutes ses promesses, ainsi qu'à la très mauvaise conjoncture économique actuelle. Les premières mesures du gouvernement sont impopulaires et apparaissent en plus comme contraintes : l 'exécutif ne semble pas avoir beaucoup de prise sur les évènements .
Tout le monde sait qu'en raison de la crise il faut faire des économies, et l'argument de la pédagogie comme stratégie de communication me parait peu pertinent. François Hollande essaye peut-être de prendre le pouls de l'opinion directement et non pas par le biais des sondages. S'il attend dans un temps assez court un redressement de sa côte de popularité, je crois qu'il se trompe.
Est-il dans son rôle de président ?
Au-là de cette nouvelle stratégie, comment François Hollande peut-il inverser sa courbe de popularité ?
Les politiques ont-ils raison d'accorder une telle importance à leur popularité ? Ne devraient-ils pas privilégier "le temps long" pour gouverner ?
Le renouvellement constant des indicateurs de la cote de popularité tous les quinze jours ou tous les mois est excessif, surtout si c'est finalement le seul curseur des prises de décisions politiques. Maintenant, qu'un responsable d'exécutif se préoccupe de savoir s'il est compris, estimé et apprécié dans ses décisions ne me parait pas illégitime. Depuis la signature du traité de Maastricht en 1992, l' exercice du pouvoir est contraint par les réalités européennes. François Hollande comme Jacques Chirac en 1995 donne la priorité aux engagements budgétaires européens de la France. L'effondrement de sa cote de popularité est le prix à payer.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !