La suppression des imams détachés, un bricolage qui ne résoudra pas le problème<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron serre la main de l'imam de la Grande Mosquée de Paris Khaled Larbi en marge d'une visite à Semur-en-Auxois en Bourgogne, le 15 septembre 2023.
Emmanuel Macron serre la main de l'imam de la Grande Mosquée de Paris Khaled Larbi en marge d'une visite à Semur-en-Auxois en Bourgogne, le 15 septembre 2023.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

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La France n’acceptera plus d’imams « détachés » par différents pays comme l'Algérie, la Turquie ou bien le Maroc, selon une lettre écrite par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, aux pays concernés.

Razika Adnani

Razika Adnani

Razika Adnani, membre du Conseil d'orientation de la Fondation de l'Islam de France, écrivaine, philosophe et islamologue, débute sa carrière en tant que professeur de philosophie. Elle publie en 2001 et 2003 deux précis de philosophie, El Kafi fi el Falsafa, sur l'art de disserter en philosophie suivis chacun d'un dictionnaire de philosophie. Ces ouvrages destinés aux lycéens sont des bestsellers.

En 2005, elle quitte l'enseignement pour se consacrer définitivement à la réflexion et à la recherche.

En 2011, elle publie un ouvrage en arabe intitulé Le blocage de la raison dans la pensée musulmane est-il bénéfique ou maléfique à l’islam. Paru chez Afrique Orient (Maroc), le livre connaît un vif succès dans tout le monde arabe et arabophone. 

Razika Adnani publie en 2013 La nécessaire réconciliation (Dalimen, Alger), brillant essai sur la question de la violence, la relation à l’autre, à soi et la relation avec l’histoire. À partir de l’étude de la société algérienne, elle forge sa propre théorie de « la moralisation de la violence ». Cette œuvre décisive paraît à nouveau en 2014 chez UPblisher, sous forme numérique et imprimée, afin de la rendre accessible au plus grand nombre. Elle est désormais disponible dans le monde entier.

À partir de 2014, elle est appelée comme expert sur des sujets relatifs à l’Islam. Elle anime de 2014 à 2016 un cycle de conférences à l'Université Populaire de Caen sur le thème « Penser l'islam » ; de 2015 à 2017, elle intervient lors du séminaire « Les nouveaux fondamentalistes » du Collège des Bernardins ; elle collabore avec le Ministère de la Justice dans le cadre de la formation des cadres qui prennent en charge des jeunes radicalisés ». En 2017, elle intègre la Fondation de l'islam de France.

En 2015, elle fonde, organise et anime les Journées Internationales de Philosophie d'Alger, évènement dont le succès est confirmé par une deuxième édition en 2017.

Elle est l’auteur de nombreux articles publiés par le journal algérien Liberté, Le Figaro ou L’Obs, et intervient fréquemment lors de conférences ou tables-rondes, tant en France qu’en Algérie.

Sa lucidité et son franc-parler font de Razika Adnani une philosophe ancrée dans son époque, un esprit libre, résolu et engagé.

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La décision de Gérard Darmanin d’en finir avec les imams détachés ne résoudra pas le problème que pose l’islam en France. Il réside moins dans qui paye les imams que dans le discours que les imams transmettent. En France les imams, nés en France ou venus d’ailleurs, tiennent le même discours que celui qui est prêché dans les autres pays musulmans. Ils défendent les mêmes valeurs, les mêmes principes et la même vision de la société où les hommes sont supérieurs aux femmes, les musulmans aux non musulmans, où la liberté de conscience n’est pas acceptée et où la charia doit organiser la société. En France, cette vision fondamentaliste, patriarcale et islamiste de l’islam n’est plus importée, mais, pour plusieurs raisons, produite localement.

Certes, certains imams se disent porteurs d’un islam républicain et se distinguent des imams fondamentalistes assumant sans complexe leur conservatisme et leur rejet de valeurs de la République. Cependant, ils ne font en réalité que nier les problèmes que pose l’islam dans nos sociétés actuelles et en France en particulier. Ils ne remettent pas en question l’islam qui leur a été inculqué et qu’ils proposent à leur tour aux musulmans. Quant aux règles qui se heurtent directement aux lois de la République, le discours religieux est de plus en plus séduit par « la jurisprudence (le fiqh) des minorités », ou « la charia des minorités », comme solution. D’autres, c’est le cas de la Grande Mosquée de Paris, ont opté pour « l’adaptation du discours religieux au contexte français », une expression plus élégante qui désigne en réalité la même chose.

« La jurisprudence des minorités » sous-entend que l’islam ne pose aucun problème. Cependant, les musulmans d’Occident qui sont en situation de minorité ont parfois besoin de quelques ajustements dans la manière de le pratiquer. C’est le cas des filles voilées à qui, sans remettre en question l’obligation de porter le voile, on a permis d’enlever leur foulard devant la porte de l’établissement. « La jurisprudence des minorités », comme son nom l’indique, est une solution provisoire qui n’est valable que si les musulmans sont en situation de minorité. Elle ne règle pas les problèmes que pose l’islam. En revanche, elle risque d’exacerber les tensions chez certains musulmans qui ne se sentent plus en situation de minorité dans leurs quartiers. Elle présente l’Occident comme responsable des problèmes qui se posent et non l’islam, ce qui ne pousse pas les musulmans à porter un regard critique sur leur religion ni à ressentir le besoin de la changer. En revanche, ils voient la France comme celle qui ne leur permet pas de pratiquer convenablement leur religion et d’être de bons musulmans. Beaucoup veulent que ce soit la France qui fasse des ajustements dans ses lois et non les musulmans. 

Toute lutte contre l’islamisme et le fondamentalisme islamique ne sera que du bricolage s’il n’y a pas un changement réel et véritable dans le discours religieux et cela quel que soit l’organisme qui rémunère les imams.  Un changement qui sera le fruit d’une réforme de l’islam pour le débarrasser de tout ce qui est archaïque et incompatible avec les valeurs de liberté et d’égalité. Cependant, réformer l’islam exige la reconnaissance des problèmes qu’il pose dans nos sociétés actuelles. Or, justement, c’est ce que les imams en France, y compris les plus ouverts, ne veulent pas encore admettre.

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