La « sobriété » recommandée aux patrons (mais pas que…) est un des plus mauvais moyens pour calmer le jeu<!-- --> | Atlantico.fr
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Geoffroy Roux de Bezieux accueille la Première ministre Elisabeth Borne à l'hippodrome de Longchamp à Paris lors de la conférence d'été du Medef, le 29 août 2022.
Geoffroy Roux de Bezieux accueille la Première ministre Elisabeth Borne à l'hippodrome de Longchamp à Paris lors de la conférence d'été du Medef, le 29 août 2022.
©Eric PIERMONT / POOL / AFP

Atlantico Business

Les moyens de lutte contre l’inflation et les risques de pénurie partent dans tous les sens. Entre les membres du gouvernement, les responsables politiques et les syndicats, l’imagination pour mettre en œuvre des mesures de lutte contre l’inflation explosive et même les risques de pénurie, paraissent sans limite. En tête, la sobriété.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En tête des moyens de lutte : la sobriété et si ça ne suffit pas, il faudra inciter et interdire.

Soyez sobres, messieurs les patrons ! Même devant des alcooliques, les médecins ne disent plus une telle bêtise parce que la consigne est contreproductive, comme tous les conseils à connotation morale.

La sobriété énergétique, puisque c’est de cela qu’il s’agit actuellement, c’est la diminution des consommations d'énergie par des changements de modes de vie et des transformations sociales. Ce concept politique se traduit notamment par la limitation, à un niveau suffisant, des biens et services, produits et consommés.

Tout est dit. Être sobre, c’est consommer moins. Etre sobre, c’est aussi produire moins, c’est faire moins de croissance donc moins de travail etc… Les synonymes de sobriété sont à pleurer d’ennuis et de tristesse : la sobriété, c’est l’absence de fioritures : austérité, concision, dépouillement, laconisme, nudité, sévérité, simplicité.

Alors si Mme Elisabeth Borne a raison et persiste, l’écologie radicale aura gagné la partie.

Malheureusement, la vie n’est pas faite de sobriété, la vie est faite d’expérience, d’innovation, de prise de risque et de jouissance et de responsabilité individuelle. 

L’entreprise n’a pas besoin qu’on lui dise d’être sobre. Elle l’est quand ça lui est nécessaire. Elle s’adapte. C’est le principal job du chef d’entreprise et en situation de crise ou pas, l’entreprise ne se restreint pas. Elle gère, elle fait des arbitrages entre différentes sources d’énergie. Mais jamais elle ne sera sobre. Elle pratiquera tout le contraire de la sobriété. L’entreprise a besoin d’investir massivement, d’innover. Elle a besoin de compenser ses prix de l’énergie par des fonctions de production différente, par de la productivité. 

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Les responsables politiques suivent l’opinion et l’opinion voit les prix de l’essence et des pâtes alimentaires exploser. Mais ce que l’opinion ne comprend pas toujours, c’est que l’inflation qui envahit et bouleverse nos habitudes de vie est une inflation sectorielle et conjoncturelle ; liée à la contraction de l’offre (moins de gaz, moins de pétrole, moins de blé.) Donc si les produits viennent à manquer, la première réaction est de se restreindre. Sans doute! Sauf que la solution la plus intelligente serait de trouver de ressources alternatives.

Le système a besoin d’un choc d’offre pour satisfaire la demande.

Il faut certes que, sous la pression des prix, le consommateur change quelques-unes de ses habitudes (et c’est une des vertus du prix en économie de marché).Mais il faut aussi faciliter la recherche d’un autre modèle de production pour accroitre l’offre globale.

Sur ce chapitre-là, les chefs d’entreprise sont très seuls. Comme d’habitude, ils doivent se débrouiller. 

Le rôle de l'Etat étant de lui donner des pistes et de les lui ouvrir pour qu’il puisse investir. Parallèlement, le rôle de l’Etat est aussi d’amortir le choc auprès de l’opinion publique, mais là encore l’Etat ne fait le job qu’à moitié.

Au moment du Covid, il a très bien fait de distribuer de l’argent pour mettre le système économique sous respiration artificielle. Il ne pouvait pas faire autrement pour préserver les actifs de production. Et ça a marché, puisqu’à la fin des confinements, les appareils économiques sont repartis à une cadence infernale pour satisfaire la demande et rattraper le temps perdu.

Mais si le quoi qu’il en coûte a été une bénédiction, il aurait sans doute prévenu que l’argent facile n’est pas pérenne, il aurait fallu prévenir que l’excès de Doliprane à long terme fait plus de mal au malade que de bien.

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Il aurait fallu débrancher les perfusions plus tôt. 

Aujourd’hui, on recommence l’exercice pour se protéger de l’inflation, mais les posologies et le mode opératoire est très différent. On reprend la procédure et on arrose tout le monde. Alors que l’inflation ne fait de mal qu’aux plus défavorisés, ceux qui n’ont pas le choix.

Mieux vaudrait cibler très précisément le traitement sur ceux qui sont malades de l’inflation et faire des économies ailleurs pour investir dans l’offre. C’est un peu ce que demande les patrons.

On est très loin de l’injonction menaçante de la sobriété, à moins que l’effet escompte d’un discours coercitif, soit de donner des gages à l’aile écologique de la gauche. Les écologistes adorent la sobriété en économie. Moins de croissance, c’est le moyen le plus radical de faire des économies. Sauf que si les écologistes se contentent d’une croissance zéro, la majorité de l’opinion a besoin de progrès. Donc de croissance.

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