La ruralité entière remise en cause par le déclassement des zones défavorisées <!-- --> | Atlantico.fr
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Crédit : Christophe Morineau-Cooks - WikiAgri
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©Christophe Morineau-Cooks - WikiAgri

Symptomatique

Le fait que les maires montent au créneau dans l’Aude pour tenter de sauver le classement agricole en zones défavorisées de leurs communes est symptomatique : au-delà des agriculteurs, c’est l’ensemble de l’activité économique de leurs secteurs qui est touché, en d’autres termes les moyens d’entretenir une ruralité vivante et active.

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey est journaliste et auteur de « Tu m’as laissée en vie, suicide paysan veuve à 24 ans ».

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 WikiAgri

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WikiAgri est un pôle multimédia agricole composé d’un magazine trimestriel et d’un site internet avec sa newsletter d’information. Il a pour philosophie de partager, avec les agriculteurs, les informations et les réflexions sur l’agriculture. Les articles partagés sur Atlantico sont accessibles au grand public, d'autres informations plus spécialisées figurent sur wikiagri.fr

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Au départ, l’affaire semble agricolo-agricole. Mais à y regarder de plus près, elle va bien au-delà. Certains y voient même une volonté gouvernementale d’en finir avec la ruralité, peut-être encore sûrement que ses prédécesseurs l’ont mise à mal en imaginant puis en mettant en place la loi Notre. Et « certains », en l’occurrence, ce sont des maires ruraux, des élus du peuple...

A LIRE : le dernier épisode du feuilleton « zones défavorisées » signé Christophe Morineau-Cooks sur WikiAgri

Rapide rappel des épisodes précédents. Le classement de terres agricoles en zones défavorisées autorise l’accès à une aide européenne spécifique, l’ICHN (indemnité compensatrice au handicap naturel). Cette aide était prévue pour les agriculteurs disposant de terres présentant des handicaps (zones de montagne, terrains en pente, particulièrement caillouteux...) et ne pouvant donc accéder aux mêmes rendements de cultures que leurs collègues des plaines fertiles. Au niveau européen, certains abus ont été recensés dans les octrois des ICHN, certaines de ces aides étant devenues des soutiens à la trésorerie éloignés de leur vocation première. Il a donc été demandé à chaque Etat-membre de revoir la cartographie des versements de ces ICHN. Ce devait être fait sous Hollande avec Le Foll à l’Agriculture, mais la poussière a alors été poussée sous le tapis. L’actuel gouvernement a donc hérité d’un bébé non désiré... Et le moins que l’on puisse écrire est que ça se sent ! La nouvelle cartographie est faite depuis Paris, et donc sans prendre en compte les destinations réelles par rapport aux topographies ou autres « handicaps naturels ». Avec donc des retraits de zones ayant accès aux ICHN simplement parce qu’un haut fonctionnaire a tiré un trait sur une carte, sans le moindre déplacement sur place, ni consultation préalable... En gros, le bébé n’a pas été désiré mais il faut l’élever quand même, alors on le place vite fait dans un pensionnat et on l’oublie...

Un peu partout en France, il existe des zones présentant de réels handicaps qui ne sont plus éligibles. Et d’autres qui le deviennent, miraculeusement... Or, ces aides correspondent à un revenu de 8 à 15 000 € annuels par ferme. En pleine crise agricole, alors que plus d’un tiers des agriculteurs gagnent moins de 350 € par mois, retirer cette manne correspond à la mort de l’entreprise agricole.

Dans l’Aude, les secteurs de La Piège ou de Razès, dans le Lauragais (proches de l’Aveyron) ont officiellement perdu l’accès aux aides des zones défavorisées. Les différents recours ou autres doléances au ministère de l’Agriculture ont échoué. Pour autant, les maires des communes concernées refusent encore et toujours la décision. Ils sont même encore plus volontaires que les éleveurs et autres agriculteurs directement concernés, fatalistes et devenus presque résignés. Sur 24 communes dans ce secteur, 55 exploitations agricoles sont impactées. La très grande majorité arrêtera. Et avec, la dernière activité économique majeure en ces lieux. D’où des problèmes en cascade : qui va entretenir le territoire et comment, avec quels moyens ? Quel intérêt pour la population locale de rester ancrée là ? Comment obtenir l’accès à différents services sans le moindre argument économique, avec une population qui va aller en décroissant ? Et la liste de ces questions est loin d’être exhaustive...

Alors aujourd’hui, ce sont les élus qui appellent à la résistance. Les maires ruraux. Ils sont d’autant plus furieux qu’ils ont appris par Eric Andrieu, député européen de Narbonne qui siège à la commission agriculture du Parlement européen, que le Commissaire européen à l’agriculture, l’Irlandais Phil Hogan, n’a jamais su par l’Etat français qu’il existait des problèmes avec le nouveau zonage... Et qu’il ne peut donc pas intervenir, puisque non saisi. Les maires interpellent donc directement le Président de la République, Emmanuel Macron, puisque leurs rendez-vous au ministère de l’Agriculture n’ont été assortis que de fins de non recevoir. Les maires ruraux, qui veulent croire encore en la ruralité...

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