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La NASA découvre 12 nouveaux trous noirs au cœur de notre galaxie et voilà ce que ça change
©Reuters

Supermassif

Selon une publication de la revue Nature, une douzaine de trous noirs auraient été identifiés, ce qui viendrait appuyer la théorie selon laquelle un trou noir supermassif serait au centre de notre galaxie, la Voie Lactée.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Selon une publication de la revue Nature, une douzaine de trous noirs auraient été identifiés, ce qui viendrait appuyer la théorie selon laquelle un trou noir supermassif serait au centre de notre galaxie, la Voie Lactée. En quoi cette découverte vient-elle confirmer cette théorie ? Qu'est-ce qu’un trou noir supermassif ?

Olivier Sanguy : Un trou noir est dit supermassif lorsque sa masse est de l'ordre du million de masses solaires ou plus. Les observations montrent que les galaxies ont pratiquement toutes un trou noir supermassif en leur centre. La genèse de ces trous noirs supermassifs fait encore l'objet de débats même si le scénario de leur formation par assimilations successives de plusieurs trous noirs de quelques masses solaires est pour le moment la thèse la plus en vogue. Notre propre galaxie, la Voie Lactée, héberge un trou noir supermassif en son centre et il a été dénommé Sagittarius A* (l'astérisque fait partie du nom). Aujourd'hui, les observations montrant l'existence de ce monstre estimé à 4,5 millions de masses solaires sont nombreuses. Toutefois, les modèles théoriques induisent qu'un tel trou noir devrait être, du fait de son énorme influence gravitationnelle, entouré de beaucoup d'autres "petits" trous noirs de quelques masses solaires. Et quand on dit beaucoup, on pense à environ 10 000 dans une zone de seulement 6 années-lumière centrée sur Sagittarius A* ! Or, ces trous noirs manquaient à l'appel pour ainsi dire... Le problème est qu'un trou noir ayant une force gravitationnelle suffisamment forte pour que la lumière ne s'en échappe pas, on comprend que son observation directe n'est pas possible. En fait, quand on observe un trou noir, on observe essentiellement son disque d'accrétion : le disque de matière qui s'accumule autour de lui avant de sombrer dans son piège sans retour. Dans ce disque, la matière est chauffée au point qu'elle émet des rayonnements qu'on peut observer, notamment dans le domaine des rayons X, car le disque d'accrétion est en dehors de la "frontière" du trou noir à partir de laquelle plus rien, même pas la lumière, ne s'échappe. Le problème est que les "petits" trous noirs sont parfois isolés et sont donc entourés de peu de matière et il n'y a alors que très peu d'émissions X à détecter. Les auteurs de la publication dans la revue Nature, des astronomes de l'université de Columbia aux USA, ont eu l'idée de fouiller les archives du télescope spatial Chandra de la NASA. Celui-ci a en effet de nombreuses fois observé Sagittarius A* et ses environs. Leur idée consistait à repérer dans les données si Chandra avait saisi des émissions X qui trahissent un trou noir qui aspire peu à peu le contenu d'une étoile de faible masse. Ce type d'émission est faible mais en revanche plus stable dans le temps. Le résultat de leur quête ? 12 trous noirs à moins de 3 années-lumière de Sagittarius A*. Ce chiffre peut sembler ridicule par rapport aux 10 000 attendus, mais il faut l'extrapoler puisque par essence on ne peut pas détecter tous les trous noirs autour de Sagittarius A*. Ainsi, en étudiant attentivement la répartition géographique des 12 trous noirs qu'ils ont débusqués autour de Sagittarius A*, ils ont démontré que 300 à 500 trous noirs de ce type, c'est-à-dire couplés à une étoile de faible masse, existaient et que cela impliquait l'existence des 10 000 trous noirs isolés prévus par la théorie.

En quoi cette découverte pourrait-elle également renforcer notre connaissance des ondes gravitationnelles ? Pourquoi cette connaissance est-elle importante ?

Les ondes gravitationnelles étaient prévues par la théorie de la relativité d'Einstein mais elles n'avaient pas été détectées, du moins jusqu'en septembre 2015 grâce à LIGO (deux observatoires identiques basés sur des mesures laser situés aux USA et séparés de 3000 km). Cette observation fut confirmée en février 2016. Les ondes gravitationnelles sont des oscillations de la courbure de l'espace-temps qui se propagent. En tournant autour du Soleil, une planète génère par exemple des ondes gravitationnelles mais celles-ci sont tellement faibles qu'elles sont, pour le moment en tout cas, très loin d'être détectables par nos instruments. En revanche, d'autres phénomènes plus violents génèrent des ondes gravitationnelles plus intenses qui dépassent le seuil de détection de nos instruments. Et c'est le cas de la fusion de 2 trous noirs. D'ailleurs, la première détection d'ondes gravitationnelles de septembre 2015 trahissait la fusion de 2 trous noirs. On voit alors tout l'intérêt des travaux des astronomes de l'université de Columbia à propos des 10 000 trous noirs autour de Sagittarius A*. Le but est d'évaluer la probabilité que se produise une fusion entre 2 "petits" trous noirs autour de Sagittarius A*, étant donné qu'ils sont nombreux, et de voir si ensuite on détecte les ondes gravitationnelles générées par une telle fusion. Les conséquences seront multiples : une meilleure connaissance de ce qui se passe au centre de notre galaxie est attendue ainsi qu'une avancée dans le domaine de pointe des ondes gravitationnelles, pièce majeure de la théorie de la relativité.

Quels sont les dispositifs et les outils qui ont permis cette découverte ? Ces outils pourraient-ils encore permettre de nouvelles avancées sur notre connaissance de la galaxie ?

Les astronomes de l'université de Columbia se sont basés sur les données du télescope spatial Chandra de la NASA. Il s'agit de l'un des observatoires spatiaux consacrés aux rayonnements X. L'Agence Spatiale Européenne (ESA) en opère un autre appelé XMM-Newton. Sa maquette taille réelle est d'ailleurs exposée dans les jardins de la Cité de l'espace à Toulouse. Ce type d'observatoire ne produit pas d'aussi belles images qu'un Hubble par exemple, mais leurs observations sont essentielles à l'astronomie comme le montre cette recherche sur les trous noirs. Toutefois, mon sentiment est que cette étude est un exemple de plus de l'importance des archives. En effet, il ne s'agit pas là d'une découverte faite suite à une observation ou une série d'observations demandées dans un but précis. Ce sont les données de précédentes observations qui ont été pour l'occasion exploitées d'une autre façon. C'est du data mining pour reprendre un terme à la mode ! Il ne fait aucun doute que des observatoires à la pointe de la technologie sont indispensables pour faire avancer la science. Mais pour les exploiter au mieux, il faut aussi prévoir des outils informatiques suffisamment puissants pour archiver toutes les données récoltées et être capable de fouiller ces données, le data mining justement. La communauté scientifique est consciente de cet enjeu et des efforts énormes ont d'ailleurs été fait afin que les données d'observation soient archivées de façon à ce que ce data mining scientifique puisse être fait. Et cela donne régulièrement des résultats comme celui-ci. Il ne fait aucun doute qu'une telle approche permettra de mieux connaître notre galaxie, mais aussi de faire de nouvelles avancées dans bien d'autres domaines de l'astronomie.


Image d'artiste du télescope spatial Chandra de la NASA :
http://chandra.harvard.edu/graphics/resources/illustrations/chandra_4k_V2_300.jpg
Crédit : NASA/NGST

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