La mobilisation sur la retraite échappe à la logique politique mais relève de « l’eco-anxieté » qui mine les démocraties occidentales<!-- --> | Atlantico.fr
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La question des retraites en France est l’objet d’une mobilisation importante parce que les réformes sont porteuses d’inquiétudes sur l’avenir.
La question des retraites en France est l’objet d’une mobilisation importante parce que les réformes sont porteuses d’inquiétudes sur l’avenir.
©BERTRAND GUAY / AFP

ATLANTICO BUSINESS

La peur de l’avenir… La protestation contre la réforme des retraites est du même ordre que la mobilisation pour l’environnement ou contre la pandémie. Elle se nourrit d’un manque de compréhension ou d’explications de phénomènes contemporains qui participent à ce mal du siècle.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si l’éco-anxiété se manifeste par la peur collective de lavenir, cest devenu le mal du siècle. Ça nest pas une maladie que la médecine pourrait soigner, cest un phénomène sociologique qui a suscité déjà beaucoup de travail de recherche, notamment en Amérique du nord et plus particulièrement au Canada, mais aussi en Europe. Il existe dans toutes les écoles de Sciences politiques, moult travaux qui, malheureusement, nont pas apporté de solutions efficaces à ce mal qui ronge nos sociétés.

La notion d’éco-anxiété relève de la contraction d’écologie et danxiété. L’écologie se veut être la science qui étudie les relations des êtres vivants (au sens large) avec leur environnement, mais aussi avec les autres êtres, vivants notamment humains. Lanxiété, cest un trouble bien connu des médecins psychiatres. Depuis les travaux dun médecin belgo-canadien Véronique Lapaige en 1997, ce concept a beaucoup été utilisé dans lanalyse des comportement humains que la science politique et sociale avait du mal à expliquer.

Mais il nexiste pas de définition consensuelle notamment en France. Lorganisation des nations unies et lOMS, lorganisation mondiale de la santé, ont toutefois commencé à mesurer ce phénomène sur la base d’études de comportement.

Au départ, l’éco anxiété était liée aux crises environnementales et plus précisément, aux changements climatiques, à la multiplication des catastrophes naturelles et leur incidence sur les modes de vie : tous les phénomènes météorologues, la pollution, la déforestation, le déficit deau potable, la fonte des glaciers polaires, lenvahissement des plastiques au fond des océans et bien sûr, le réchauffement de la planète, sans parler très récemment du Covid qui a mis toute la planète à larrêt pendant presqu’un an.

En France, la mobilisation des opinions contre toutes les réformes structurelles sinscrit dans cette tendance à lanxiété qui alimente le mal être, la frustration et même la colère.

Pour les chercheurs, il sagit en grande partie dune anxiété danticipation. Linquiétude ne concerne pas le court terme, mais lavenir. Dans tous ces phénomènes, on a peur que des mauvaises choses se produisent dans lavenir, des problèmes pour nous et nos enfants.  On a peur de la fin du monde, on a peur de tout perdre, on a peur pour nos enfants … En bref, on a peur de perdre à terme tout ce qu’on essaie daccomplir. 

Plus grave, il y a un médecin épidémiologiste, Alice Desbiolles, qui a expliqué que tous les scénarios que les organisations internationales ou les gouvernements consacrent à ces problèmes sont eux-mêmes anxiogènes.

Alors cette « eco-anxiété » nest pas une maladie mentale, on peut donc difficilement la soigner par quelques pilules antidépresseurs. En bref, toutes les explications techniques, raisonnables et même responsables qu’on peut donner sur les raisons de ces évolutions inquiétantes sont inaudibles ou même aggravantes.

Les partis politiques ne manquent pas de suggestions, de propositions mais ils ne sont pas convaincants.

Pour une grande partie de la gauche, y compris pour les écologistes, la raison de ce futur inquiétant est liée aux abus du système capitaliste. Très simple et tellement facile. Donc la solution serait de balayer le système capitaliste et de le remplacer par… Et là on replonge dans un abime dincertitudes qui est pire que le mal.

Pour beaucoup de gouvernants, les solutions peuvent être techniques mais elles sont très limitées. Le monde entier nest pas synchronisé mais le monde entier doit contribuer à leffort si on veut des résultats. Donc on est dans lutopie. Cest flagrant avec la question du réchauffement climatique. Le monde entier devrait lutter pour le climat mais une partie de monde a dautres priorités.

Enfin, certains gouvernants ou leaders dorganisations ONG se rejoignent sur la question : de la responsabilité individuelle avec une mise en scène très culpabilisante. Doù les expériences de tri des déchets, les appels à faire des économies de chauffage ou à se priver de voyage en avion. Pour diminuer les empreintes carbones. Mais ça ne marche pas.

Les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses et comment pourrait-il en être autrement?

Les êtres humains ne changent leurs comportements que sils y trouvent intérêt immédiat. La promesse dune amélioration future ne leur parait pas crédible et ils ont raison. Keynes, le plus grand économiste de laprès-guerre, ne raisonnait qu’à court terme. Parce qu’à long terme disait-il, nous seront tous morts, alors à quoi bon.

Heureusement que les entreprises ont lu Schumpeter, son collègue et adversaire, qui a expliqué que la clef de lavenir dépendant de nos investissements. Il a démontré aux chefs dentreprises que leur intérêt daujourd’hui était lié au montant de leur investissement pour lavenir. Keynes a sans doute empêché les systèmes capitalistes de mourir face à la pression des systèmes collectivistes. Mais Schumpeter leur a donné les moyens et les outils de survivre et surtout de prospérer sur lensemble de la planète grâce à linnovation.

La question des retraites en France est lobjet dune mobilisation importante parce que les réformes sont porteuses dinquiétudes sur lavenir.

Le gouvernement a eu raison de faire une réforme parce que le système de gestion des retraites est fragile. Lopinion sait bien quil faudrait travailler plus et plus longtemps puisque la vie sallonge (grâce à Schumpeter). Lopinion est anxieuse de ce phénomène, pas pour elle-même mais pour son avenir. Cela dit, personne na été capable dexpliquer à cette opinion publique qu’il pouvait y avoir des effets positifs à la réforme. Des effets macroéconomiques (plus de travail, cest plus de croissance pour tout le monde), des effets financiers (un système dassurance ne tient que sil est en équilibre) mais aussi, il fallait dire que cette réforme allait changer le travail et la vie dans lentreprise.

La mise en valeur des effets positifs de la réforme des retraites na pas été faite. Les écologistes ont le même problème avec le réchauffement climatique. Ils ont peu dargument à livrer au débat sur les avantages dune croissance plus propre.

Dans l’écologie comme dans le modèle social, les systèmes d’économie de marché peuvent apporter des alternatives. Lentreprise qui écoute le consommateur va modifier ses produits et sa façon de les fabriquer. Son investisseur aussi. Quant aux salariés, ils connaissent aussi les entreprises qui respectent lenvironnement et celles qui ne sy intéressent pas encore

Dans l’écologie comme sur le terrain social, les crises, les mutations naturelles ou démographiques sont des opportunités de changements profonds et enrichissants.

Et quoi quon dise, il existe beaucoup davantages positifs à la réforme. Mais il faut les décrypter. Cest long et difficile. Les gouvernements, les syndicats et les parti politiques ont rarement ce talent dont les effets ne seront visibles à plus long terme. Alors les responsables préfèrent passer en force et les imposer, parfois même ils les imposent par la peur, cest un peu ce qui s’était passé au moment du Covid. Faute de convaincre, les gouvernements sont obligés daffronter cette mobilisation. Cette « éco-anxiété » qui mine toutes les démocraties occidentales.

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