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La gym imaginaire marche-t-elle vraiment ou Femme Actuelle prend-elle ses lectrices pour des dindes ?
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Un deux Un deux Un deux

Avoir des fesses dures, des abdos d'acier et des cuisses musclées, sans aller à la salle de sport, sans courir le dimanche matin et en utilisant l'ascenseur ? C'est possible nous apprend le magazine Femme Actuelle. Comment ? Par la pensée !

Gérard Dine

Gérard Dine

Gérard Dine est professeur de biotechnologies à l’École Centrale de Paris, président de l'Institut Biotechnologique de Troyes et chef du service d'Hématologie et d'Immunologie de l'Hôpital des Hauts-Clos de Troyes.

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Atlantico : Le magazine Femme Actuelle a publié un article intitulé " Je me muscle par la pensée". Par la simple pensée, on pourrait obtenir autant de résultats qu’avec un travail réel. Le simple envoi de signaux nerveux du cerveau vers les muscles, entraînerait une contraction du muscle, que le mouvement soit réel ou non. L'incitation neurologique permet-elle véritablement d'agir sur les muscles ?

Gérard Dine : Oui, l’incitation neurologique permet véritablement d’agir sur les muscles. Il y a une relation absolue entre le central – qui est le cerveau – et les voies neuromotrices qui partent du cerveau via la moelle épinière vis-à-vis du contrôle neuromoteur, vis-à-vis de ce qu’on appelle la plaque de contrôle neuromusculaire puisque tous les muscles sont sous le contrôle des nerfs, par secteurs sur l’ensemble du corps. Si on pense fortement a contracter un groupe musculaire on peut le contracter sans faire de mouvement. Mais il est évident bien entendu que c'est un travail musculaire qui va se faire sans mouvement. On peut engendrer une contraction musculaire à partir de la volonté neurologique mais il s'agira d'une contraction sans mouvement c’est-à-dire qui privera le groupe musculaire d'une partie de la réalité de l'effort.

Selon le magazine, ces exercices ne nécessitent pas de mouvement, donc pas de contrainte articulaire ni de douleur. Peut-on concrètement se muscler sans effort ?

A partir du moment où on utilise nos muscles, comme ils sont fait pour propulser l'organisme dans l'espace, à partir de là, si on n'a pas de mouvement musculaires qu’on appelle concentriques (c’est-à-dire dans le sens du mouvement par rapport à un muscle donné), on ne va pas solliciter ces muscles dans leurs puissance et leur activité réelles. Par conséquent, on ne peut pas obtenir un haut niveau de dépenses énergétiques. On ne les fatiguera pas et on ne dépensera pas forcément une énergie importante. Quand on stimule uniquement du point de vue neurologique, ça ne suffit pas tout seul à optimiser le travail musculaire et, par conséquent, le développement et la puissance musculaire et la dépense énergétique.

En seulement 3 semaines à raison de 15 minutes d'exercice par jour, les études auraient montré une augmentation du volume musculaire et de sa tonicité. Ce postulat est-il vrai ? Le travail musculaire issu de la gymnastique imaginaire est-il significatif ? Les résultats obtenus sont-ils efficaces à long terme ?

On peut imaginer une approche de ce type là mais elle est bien entendu incomplète vis-à-vis de la réalité du fonctionnement neuromusculaire puisqu'on ne met pas en jeu le corps dans l'espace et dans la pesanteur. Ce que propose le magazine est un travail qui serait uniquement isométrique c’est-à-dire une contraction musculaire sans mouvement. Cette contraction isométrique est un type de travail musculaire qu’on emploie en préparation musculaire et en musculation mais qui est un type de travail musculaire parmi d'autres qui est utilisé en complément des autres exercices musculaires qui font appel au  mouvement concentriques et/ou aux  mouvements excentriques (dans le sens inverse). A partir de là, si on n’utilise pas ses bons muscles sur l’ensemble des fonctions que peuvent procurer la contraction musculaire, le renforcement est moins complet. Le problème, on l’a dit, c’est la dépense énergétique c’est-à-dire la consommation d'énergie pour cette contraction. Si on est dans une contraction musculaire uniquement à  a partir du contrôle neurologique sans mouvement, à partir de là on arrivera jamais à atteindre un haut niveau de consommation énergétique. Donc ça pose le problème de l'activité physique par rapport à la dépense énergétique. Il ne suffit pas de renforcer les muscles, si on ne dépense pas l'énergie, on n’utilise pas l’énergie apportée par l'alimentation.

Ce postulat est donc vrai. Le travail isométrique est un travail musculaire qui est fait dans toutes les préparations mais ce n'est qu'une partie du programme. Il faut être réaliste. Certes, c’est mieux que rien, mais il faut peut-être imaginer que ce n'est pas suffisant. Surtout ça demande pendant trois semaines de faire ça de manière intensive durant les 15 minutes imparties. Si on ne le fait pas tous les jours, il n’y aura pas de résultats. Pour que les résultats tiennent il faut continuer. Si on arrête on perdra rapidement les effets du travail mais c'est comme tout entrainement musculaire. Même les champions qui arrêtent de s’entraîner vont perdent 20 à 40% du travail accompli dans le mois qui suivent la fin de l’entrainement.

Les exercices proposés par le magazine (gainer sa taille allongée sur le lit, tonifier ses cuisses assises dans les transports et allonger les muscles de sa colonne vertébrale au bureau) sont-ils réalistes ? Le magazine Femme Actuelle se moque-t-il de ses lectrices ?

Ces exercices sont complètement réalistes. On contracte ses muscles sans bouger, uniquement avec l'impact neurologiques. Ce type d'exercice a été décris à plusieurs reprises depuis trente ou quarante ans par de nombreux auteurs pour donner des indications à des gens qui passaient beaucoup de temps en voiture ou au bureau par exemple. Ce sont des exercices ponctuels qu'il faut répéter tous les jours. Ces exercices de type isométrique évitent d'aller dans une salle de sport. Ils sont bons pour le corps mais le terme palliatif est un peu fort. C’est un travail de conservation ou de préparation. Si les gens ne font que ça, il ne faut pas qu’ils s’attendent à des résultats mirobolants. Toujours est-il que c'est mieux que rien.

Ce qui est proposé éventuellement par le magazine, c'est un moyen complémentaire ou fragmentaire de solliciter ses muscles quand on n'a pas les moyens de faire souvent du sport et c'est un moyen palliatif, un moyen d'attendre. Mais imaginer une activité sportive et musculaire basée que sur cette approche n'est pas forcément suffisant. Penser qu’on peut envisager une préparation musculaire, physiologique et sportive uniquement sur un travail imaginatif, c’est un peu insuffisant du point de vue de la réalité du mouvement musculaire qui est fait pour mettre des segments de notre corps en trois dimensions dans l'espace et en mouvement et, surtout, c'est ne pas aller jusqu'au bout de la réalité du mouvement musculaire en termes de dépenses énergétiques. Ainsi, ce n'est pas une escroquerie car c'est basé sur une réalité physiologique mais ce n'est pas suffisant. 

Propos recueillis par Marianne Murat

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