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La guerre du pétrole n’aura pas lieu. Mais avec Donald Trump qui veut asphyxier l’Iran, on joue avec le feu
©ATTA KENARE / AFP

Atlantico business

Donald Trump veut décidément fermer le marché mondial à l’Iran. Le pétrole a réagi à la hausse, mais c’est sans risque sur les prix.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le président américain a décidément de la suite dans les idées. La Maison Blanche a annoncé cette semaine que l’administration américaine n’accepterait aucune dérogation à l’embargo pour importer du pétrole iranien. Le pétrole a immédiatement augmenté à 75 dollars le baril, sauf que les experts pensent que cette fois, le pétrole ne pourra pas s’envoler. C’est à voir.

Depuis le rétablissement des sanctions sur le secteur de l’énergie, début novembre, huit Etats bénéficiaient d’exemptions. Washington ne les renouvellera pas après leur échéance, c’est à dire le 1er mai. C’est clair net et précis.

Dès son arrivée à la Maison Blanche, le président américain, poussé par les faucons de son entourage qui n’ont jamais admis la chute du shah et l’avènement d’un régime islamique, avait entrepris de pénaliser l’Iran pour « sa politique révolutionnaire » et surtout les risques de prolifération du nucléaire militaire.

Il avait d’ailleurs dénoncé l’accord signé avec les Occidentaux prétendant que dans cette affaire, les Iraniens ne tiendraient pas leurs engagements de renoncer au nucléaire. En bonne logique, Donald Trump a donc blacklisté l’Iran et interdit aux entreprises américaines de commercer avec ce pays, puis selon la bonne vieille habitude de l’extraterritorialité des lois américaines, il a menacé de sanctions extrêmement graves tous les pays et toutes les entreprises qui conserveraient des relations avec Téhéran.

Par conséquent, les banques, les constructeurs automobiles, les groupes hôteliers, les groupes pétroliers ont fermé et déménagé. Ils n’avaient aucun moyen de se protéger des sanctions. Ni les gouvernements, ni l’Union européenne n’ont su ou n’ont voulu développé de systèmes de garanties.  Les entreprises françaises n’ont pas été épargnées, de même que les allemandes ou les italiennes.  Pas moyen d’échapper aux sanctions, sauf à prendre le risque d’avoir à payer des amendes considérables ou de se voir fermer le marché américain.

Donald Trump vient donc de renouveler les interdits en ciblant cette fois tous les Etats qui achètent encore du pétrole aux Iraniens. Il poursuit sa politique dure à l’égard de la République islamique et vient même de placer les Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes.

Sur les huit Etats concernés, la Grèce, l’Italie et Taiwan avaient déjà arrêté mais il restait de très gros clients, la Turquie, la Corée du Sud, l’Inde et surtout la Chine. En mars, Pékin a acheté 628 000 barils par jour sur les 1,7 million exportés en moyenne par l’Iran. Soit le tiers du pétrole iranien.

Très logiquement, le gouvernement chinois a très mal vécu cette interdiction sans dire s’il se conformerait aux mesures américaines. Parce que la Chine peut avoir les moyens de transgresser ces mesures américaines dans la mesure où elle a mis en place avec l’Iran des systèmes de troc. Cela dit, Pékin sait très bien que cette nouvelle disposition anti-iranienne va encore compliquer les négociations en cours avec les USA.

L’Inde, de son côté, a besoin du pétrole iranien et pour l’instant n’a pas encore réagi.

Maintenant, la vraie question est de savoir quel sera l’impact de ces embargos sur le prix du pétrole. Les prix du brut se sont redressé assez violemment, à 75 dollars le baril, pour se calmer très vite au bout de 48 heures. L’explication est très simple.

Le président américain a pris soin de s’organiser pour ne pas provoquer une flambée des prix qui auraient ruiné les automobilistes américains. Or, le risque existait dans la mesure où les réserves de l’Iran en pétrole représentent l’équivalent des réserves de l’Arabie Saoudite, Donald Trump s’est donc assuré du soutien de l'Arabie Saoudite et de ses alliés qui ont promis d’ouvrir les vannes autant qu’il sera nécessaire pour stabiliser les prix. Pour Ryad, Téhéran est l’ennemi juré.

Il n’y aura donc pas de guerre des prix, les producteurs du Golfe fourniront au marché mondial ce qu’il faudra pour compenser l‘absence du pétrole iranien. La guerre est d’autant moins probable qu’au prix actuel, l’Amérique est très indépendante, y compris au Moyen-Orient parce que les producteurs américains peuvent très bien augmenter leur production nationale et exporter.

Les autorités iraniennes, de leur côté, ont assez mal pris cette décision. Dès lundi, l’amiral commandant la marine des Gardiens de la Révolution a averti qu’ils fermeraient le détroit d’Ormuz (porte de sortie du Golfe Persique) si l’Iran ne pouvait plus l’utiliser - sous-entendu, pour expédier son brut. Le gouvernement a quant à lui dénoncé des mesures « illégales dans leur principe même ». Sauf que sur le marché, on raconte volontiers que l’Iran a développé des réseaux informels permettant de contourner les sanctions, en utilisant des tankers invisibles, des bateaux qui coupent leur transpondeur afin de livrer clandestinement leur cargaison, ou alors et en passant par l’Irak ». Beaucoup d’experts pensent que les livraisons informelles ou clandestines augmenteront pour compenser la baisse des exportations.

Par conséquent, Téhéran fulmine, sa diplomatie vitupère contre l’Amérique mais sur le terrain, on essaie de s’arranger.

Pour Washington, 40 % des revenus du budget proviennent des ventes de pétrole. En coupant les exportations, l’objectif est clair, la Maison Blanche veut mettre en faillite l’Iran et obliger son gouvernement à partir. Le jeu est très dangereux.  La situation économique est certes déjà détériorée. En 2018, l’Iran a enregistré une croissance négative (-3,9 % selon le FMI). Les prévisions pour 2019 sont encore plus mauvaises (-6 %), mais l’Iran dispose de réserves. Les politologues ne pensent pas qu’en étant économiquement étranglée, la population iranienne se retournerait contre ses dirigeants. Donald Trump joue avec le feu : 80 % des Iraniens ont une opinion défavorable des Etats-Unis.

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