La France, combien de divisions ? L’activisme diplomatique d’Emmanuel Macron face au mur des réalités <!-- --> | Atlantico.fr
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Après Doha, au Qatar, le chef de l’Etat s’est rendu sur le Charles-de-Gaulle, en mer Rouge, pour le traditionnel Noël aux armées
Après Doha, au Qatar, le chef de l’Etat s’est rendu sur le Charles-de-Gaulle, en mer Rouge, pour le traditionnel Noël aux armées
©LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Emmanuel Macron

Le président de la République multiplie les déplacements diplomatiques et les prises de parole sur le thème de la Défense. Il était mardi sur le Charles-de-Gaulle.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Atlantico : Après Doha, au Qatar, le chef de l’Etat s’est rendu sur le Charles-de-Gaulle, en mer Rouge, pour le traditionnel Noël aux armées avant de se rendre en Jordanie pour la conférence Bagdad 2. Que cherche Emmanuel Macron sur la scène internationale avec cette séquence diplomatique et militaire ?
Guillaume Lagane : De retour du Qatar, où son soutien aux joueurs défaits a suscité des commentaires parfois moqueurs, loin du sol français où la hausse des prix, les perspectives de récession ou l'annonce de grèves contre l'hypothétique réforme des retraites font souffler un vent mauvais, Emmanuel Macron a voulu, comme tant de dirigeants français avant lui, retrouver de la hauteur et rappeler le rôle traditionnel du président de la République comme chef des armées et gardien du "domaine réservé". 
C'est aussi pour lui un moyen de rappeler le rôle diplomatique et militaire de la France. Rôle du porte-avion français dans le bras de fer avec la Russie, plusieurs incidents ayant été mentionné avec des appareils russes qui, depuis 2013 et le refus des Occidentaux d'intervenir en Syrie, se sont affirmés en Méditerranée orientale. Rôle face à l'Iran, accusée de livrer des armes à la Russie et, plus largement, de déstabiliser la région. Le président se rendra d'ailleurs ensuite en Jordanie pour tenter de trouver une solution à l'instabilité de l'Irak, minée par les braises de ses divisions intestines sur lesquelles Téhéran ne cesse de souffler.

A l’heure actuelle, où en est la France ? Comment la perçoit le reste du monde ? Qui se soucie véritablement de ce qu’elle a à dire ? 
Globalement, sur la scène internationale, le président Macron a une bonne image. Jeune, dynamique, voire hyperactif - les images de sa gymnastique matinale sur le porte-avion en portent témoignage - il incarne une France ouverte au monde, européenne et décidée à se réformer, qui contraste avec ses rivaux de la présidentielle, Marine Le Pen au premier rang. 

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Mais, mezza voce, l'image de la France est quelque peu écornée. L'économie française souffre des déficits chroniques que la présidence Macron n'a, pas plus que ses prédécesseurs, réussi à contenir. Surtout, les limites du volontarisme diplomatique se font sentir. Avec le retour des démocrates à la Maison Blanche, le discours sur l'autonomie stratégique européenne a perdu de son acuité. Plus encore, la guerre en Ukraine a percuté de front les analyses françaises. L'OTAN, loin d'être en état de "mort cérébrale", et les Etats-Unis, engagés comme jamais dans le soutien aux Ukrainiens, sont apparus indispensable à la sécurité européenne. 
Enfin, les tentatives de discussion avec Poutine, le souci de prendre en compte les "impératifs de sécurité" de la Russie nourrissent de vives critiques au nord et à l'est de l'Europe.

Dans une interview à France info depuis le porte-avion, le président a évoqué sa vision de la Défense ? Il a notamment déclaré “Très clairement, la guerre, le retour de la guerre en Europe, le jeu des puissances, nous imposent de nous équiper, d'avoir une vraie stratégie." La France a-t-elle dessiné cette stratégie ? Est-elle audible ? Que nous dit cette interview de la position française ?
S'agissant de stratégie, la France vient de produire sa "revue nationale stratégique", une version nouvelle de ses priorités. Mais l'enjeu central sera la nouvelle loi de programmation militaire, discutée l'an prochain. Et; comme toujours, il sera difficile de faire entrer notre modèle d'armée complet dans la tunique de Nessus de nos maigres moyens budgétaires. 

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Ce qui est certain, c'est que le retour de la guerre conventionnelle sur le sol européen, qui plus est impliquant la Russie, est un fait nouveau et inquiétant. Il nous oblige, en bonne logique, à considérablement augmenter nos dépenses militaires pour nous mettre à l'abri et soutenir nos alliés. Mais les marges de manoeuvres sont bien étroites.    

L’activisme tous azimuts de la France et d’Emmanuel Macron, pour la défense européenne, dans son implication dans la guerre en Ukraine, et sur les différents rendez-vous internationaux avec les différents partenaires français est-il productif ? Ou n’est-ce que des gesticulations ?
Il y a, depuis le général de Gaulle, l'idée en France que le verbe peut supplanter la chair. Qu'une "grande puissance moyenne", selon la formule de Valéry Giscard d'Estaing, peut jouer dans la cour des Grands. Emmanuel Macron s'inscrit, par nature et par calcul, dans cette tradition. On se souvient de son implication dans la résolution de la crise au Liban ou dans la rénovation du dialogue avec l'Afrique. Force est de constater que ni à Beyrouth ni à Bamako, les choses n'ont vraiment changé, ou bien dans ce dernier cas au détriment des intérêts français.
En ce qui concerne l'Ukraine, la médiation française n'a produit à ce stade aucun effet tangible. Emmanuel Macron veut faire des "Européens", c'est-à-dire dans son esprit de la France, un acteur majeur de la fin du conflit. A ce stade, celui-ci se poursuit et ce sont les Etats-Unis, premier partenaire de l'Ukraine, qui ont le poids le plus fort. On peut juger que si des négociations s'engagent à terme entre Kiev et Moscou, les deux adversaires voudront, pour des raisons opposées mais finalement parallèles, y impliquer Washington. La cité grecque qu'est la France ne peut réellement rivaliser avec Rome...

La France a-t-elle les moyens de ses différentes ambitions internationales et militaires ? 
La France a des atouts : un siège au Conseil de Sécurité, l'arme atomique, une armée qui se bat, des fleurons technologiques, une économie développée, un généreux Etat social etc. 
Mais chaque année qui passe creuse le fossé entre nos ambitions, mondiales, et notre poids réel. La France a 65 millions d'habitants, l'Inde gagne 15 millions d'habitants par an (son PIB a dépassé celui du Royaume-Uni en 2022). Notre pays représente 2% du PIB mondial, 50% de moins que l'Allemagne, dix fois moins que la Chine ou les Etats-Unis. La plus étroite coordination européenne et occidentale serait la solution pour peser dans la gigantomachie mondiale.

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