La France a déjà connu une démographie en déclin et voilà comment nous nous en sommes sortis<!-- --> | Atlantico.fr
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L’Etat peut inciter à la natalité à travers des aides financières ou d’une idéologie nataliste. Mais en dernier, les individus sont les seuls à décider.
L’Etat peut inciter à la natalité à travers des aides financières ou d’une idéologie nataliste. Mais en dernier, les individus sont les seuls à décider.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

En berne

Au tournant du 19e et du 20e siècle, la vie politique française fut profondément marquée par un débat sur ce qui apparaissait comme la disparition inéluctable du pays au regard des taux de natalité de l’époque.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : Entre le XIXème et le XXème siècle, la vie politique française fut marquée par un débat sur ce qui apparaissait comme la disparition du pays face au faible taux de natalité de l’époque. En effet, entre 1890 et 1897, quatre années furent marquées par un nombre de décès plus élevé que les naissances. Que s’est-il passé à l’époque ? A quoi était-ce dû ?

Laurent Chalard : Il faut bien comprendre que l’histoire démographique de la France est singulière par rapport au reste de la planète. La France est le premier pays au monde où les femmes ont limité les naissances. Ce fut d’abord le cas dans l’aristocratie dès le XVIIIe siècle. Cette limitation des naissances s’est ensuite diffusée auprès du reste de la population au fur et à mesure du XIXe siècle à travers l’utilisation de méthodes de contraception « naturelle ». A cette époque, il y avait en parallèle un taux de natalité très élevé en Angleterre.

Ce choix de limiter les naissances de la part des Français à cette époque était lié à des raisons économiques et de qualité de vie. Ce phénomène de baisse du nombre d’enfants par femme était corrélé à la déchristianisation précoce de la France, notamment dans les régions du bassin parisien.

Cette baisse de fécondité en France s’est produite à une époque où la mortalité baissait (mais elle était tout de même relativement élevée). Cela est donc venu annihiler la croissance démographique du pays avec un solde naturel parfois négatif, en 1907 par exemple.

Au début du XXe siècle, les premières statistiques démographiques ont commencé à émerger avec l’Etat civil et le recensement. Les scientifiques se rendent compte que la France voit sa population stagner alors que ses concurrents européens, comme le Royaume-Uni et l’Allemagne, sont en plein croissance démographique.

Le déclin démographique de la France pouvait entraîner un déclin de sa puissance sur le plan militaire et économique. Le fait que l’industrie allemande ait dépassé l’industrie française était notamment corrélé à une démographie plus vigoureuse. Au début du XXe siècle, un mouvement nataliste a donc émergé. L’un des promoteurs de l’agence nationale française pour la natalité était notamment Emile Zola. La gauche républicaine soutenait ce projet pour faire perdurer le modèle républicain. La natalité a néanmoins continué à diminuer jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Au lendemain de ce conflit, après 1918, il y a eu un baby-boom mais qui a duré cinq ans seulement. La natalité a rapidement poursuivi son déclin.

La natalité a augmenté à nouveau à partir de 1942 – 1943. Sous le régime de Vichy, une politique nataliste a été lancée. Cela va entraîner le baby-boom en 1946. La hausse de la natalité se constate dès 1943.  

Comment ont réagi les autorités et la population à l’époque ? Avec quels effets ?

Il s’agissait d’une querelle de spécialistes à l’époque. L’Etat n’était pas vraiment en mesure de prendre des décisions.  La Sécurité sociale n’était pas encore accessible. Donner de l’argent pour les retraites n’était pas dans les moeurs. Une politique nataliste sous l’égide de l’Etat n’avait pas de sens à cette époque.  

Dans quelle mesure ce phénomène est-il comparable à ce que nous observons aujourd’hui ?

On constate aujourd’hui une dénatalité en France. La différence avec le début du XXe siècle, c’est que la dénatalité en France n’est pas pire que dans les autres pays en Europe. Elle s’inscrit dans un mouvement global du monde développé.  La France reste l’un des pays développés qui affiche la plus forte natalité.

En revanche, au début du XXe siècle, la France était un cas unique.

Nous assistons ces dernières années à une forme d’harmonisation de la natalité française.

Est-il possible de s’inspirer des mesures mises en place à l’époque pour relancer la démographie en France ?

Il s’agit plus d’une question de mentalité. Lorsqu’il y a une politique nataliste qui se traduit dans les médias à travers la promotion d’un modèle familial, cela a tendance à avoir un plus grand impact sur la perception que les gens vont avoir des enfants.

La tendance écologiste décroissante pourrait avoir un impact sur les jeunes générations qui auraient tendance à faire moins d'enfants.  

En France, la reprise de la natalité commence avant la fin de la guerre (dès 1943) et l’espérance de vie s’est mise à augmenter presque sans discontinuer à partir de 1968. Quelle est la part d’impondérable dans la démographie ?

En démographie, le volume de toutes les générations qui sont nées est connu. Cela permet de connaître le nombre de personnes vivantes par classe d’âge à un temps t. Lorsque vous faites une projection sur du long terme pour les personnes âgées, il suffit de faire vieillir la population en lui attribuant des quotients de mortalité en fonction de l’espérance de vie constatée au moment où vous faites les projections. La seule impondérable va être l’évolution de l’espérance de vie. Si elle augmente d’un ou deux ans, cela va retarder le processus d’augmentation des décès.

En revanche, il n’est pas possible de prévoir le volume de naissances dans dix ou vingt ans. L’indice de fécondité peut varier relativement fortement.

Il est possible de prévoir le nombre de personnes âgées et le nombre de décès de manière assez fiable. Il est difficile de préjuger de l’indice de fécondité. La projection des naissances est beaucoup plus aléatoire.

Quelles sont les limites d’une politique volontariste qui vise à augmenter la natalité ?

Ces décisions sont individuelles et prises au sein des couples. Il ne s’agit pas d’une décision collective. L’Etat peut inciter à la natalité à travers des aides financières ou d’une idéologie nataliste. Mais en dernier, les individus sont les seuls à décider.

La motivation n’est pas directement liée à la nation, pour la société ou pour la sauvegarde du système des retraites.

La hausse de la mortalité annoncée, combinée à une diminution ou à une stagnation de la natalité, conduit à ce que le solde naturel devienne négatif d’ici une dizaine d’années. La France se dirige vers un solde naturel négatif. Il y aura plus de décès que de naissances. Nous devrions atteindre cette étape après nos voisins européens.

L’Allemagne a plus de décès que de naissances depuis 1972. En 2022, il y a eu 300.000 décès de plus que de naissances en Allemagne. Même chose pour l’Italie qui a un déficit naturel quasi continu depuis 1993. Pour l’Espagne, le déficit naturel est plus récent et remonte à 2015. Cela rend certains pays totalement dépendants de l’immigration pour leur croissance. 

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