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La deuxième chance d’Emmanuel Macron avec les militaires
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Le chef de l'État va se rendre ce jeudi dans la Marne, à Mourmelon et à Suippes, où il assistera à des manœuvres et rencontrera des militaires de l'armée de terre.

Vincent  Desportes

Vincent Desportes

Vincent Desportes est un général de division de l'armée de terre française. Il vient de publier "La Dernière bataille de la France" (Gallimard).

 

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Atlantico : La visite de Macron à Mourmelon ce 1er mars, après les annonces sur le service national universel ou la loi de programmation militaire, conduit à se poser la question de l'état des relations qu'entretient le Président avec les hauts gradés de l'armée. Quelles sont-elles aujourd'hui?

Vincent Desportes : Avant de répondre à cette question il faut rappeler le contexte et ce qu'il s'est passé depuis dans les 10 derniers mois. Emmanuel Macron a une profonde méconnaissance des armées lorsqu'il arrive à la présidence car il ne s'était pas occupé de relations internationales et encore moins des armées jusqu'alors. Il ne sait pas ce que c'est qu'un soldat, il ne connaît pas le rapport qu'entretien le soldat avec son supérieur. Dans un premier temps il va se servir de l'armée uniquement comme un outil de communication supplémentaire, ce sera une de ses premières erreurs et elle se traduira par la démission  du général de Villiers. Démission qui sera largement commentée pour le plus grand déplaisir des militaires, on se souvient notamment de Christophe Castaner qui avait assimilé le général à un "poète revendicatif".

Après, petit à petit il va commencer à prendre conscience de ses erreurs. Comme c'est un homme extrêmement intelligent il va essayer de retrouver la connexion avec les militaires. Il a néanmoins un boulet à la cheville dont il ne s'est pas dégagé qui est le service national universel que les militaires dans leur ensemble considèrent comme un gadget électoraliste basé sur "l'envie de nation" des électeurs et la nostalgie du service militaire. On veut lancer ce "gadget" sans savoir exactement ce qu'on en attend et sans se préoccuper de la question de la faisabilité. Ce que l'on sait aujourd'hui c'est que cette idée qui est peut-être généreuse mais imprécise (et qui n'est qu'un rattrapage trop tardif de ce qu'aurait dû faire la nation avant) est parfaitement impossible à réaliser pour de multiples raisons techniques. Le problème des militaires c'est qu'ils craignent que ce soit eux qui en portent la plus lourde charge et ce même si on les a rassuré sur le plan budgétaire. Les militaires et en particulier les haut-gradés sont d'accord pour participer à cette mission d'intérêt général pour laquelle ils auraient des savoirs-faire à faire valoir mais craignent que le bon fonctionnement du dispositif repose principalement sur eux. Auquel cas il serait incompatible avec l'entreprise de reconstruction des armées dans laquelle s'est lancé Emmanuel Macron avec la Loi de programmation militaire.

Cela mis à part, le président a compris, en particulier s'agissant de l'armée de terre, que c'était eux qui combattaient et que ce sont ces gens qui donnent leurs vies pour leur pays sous les ordres du même président et qu'il est donc nécessaire de rétablir cette connexion presque charnelle entre ces deux protagonistes. C'est dans cette démarche que s'inscrit cette visite du jour. Plus largement je ne doute pas qu'au vu des enjeux et de son intelligence qu'il va arriver à resserrer les liens mais à la condition de respecter ses engagements sur le renforcement du budget des armées et qu'il ne fasse pas porter la lourde charge du SNU sur l'armée.

Quelles erreurs sont à ne pas commettre lors de cette visite à Mourmelon ?

L'écueil à éviter serait de nouveau laisser croire que les armées sont un outil de communication. C'est exactement ce qu'elles ont pensé pendant la crise de de Villiers puisqu'il s'était servi des armées comme d'un marchepied pour apparaître comme un grand chef gaullien.

Désormais il est absolument tenu de délivrer. Il ne faut pas qu'à l'issue de sa visite il donne l'impression qu'il "fait semblant". Il est chef des armées, armées qui lui seront dévouées corps et âmes mais à condition que la confiance et le respect mutuel soit instauré.

Il va devoir montrer qu'il est proche de ces soldats qu'il envoie au feu et qui meurent. Il faut rétablir ce rapport de respect mutuel et se rappeler ce que disait Clémenceau "Il y a un devoir de la nation vis-à-vis des soldats" et ce devoir, il doit l'accomplir et ne pas supporter que les armées restent dans l'état de dégradation dans lequel elles sont aujourd'hui. Maintenant il faut arrêter les signes et agir. Ce déplacement peut être important car il est attendu au tournant. Si cette relation basée sur le respect mutuel ne s'instaure pas il y aura de la défiance dans l'armée et l'institution fonctionnera beaucoup moins bien.

Tous les militaires aujourd'hui espèrent que le président Macron va réussir ce déplacement. Ils ont besoin d'agir en confiance avec quelqu'un qui les comprend, qui leur donne les moyens de réalisation de leur métier. A noter qu'il y a des mesures intéressantes qui ont déjà été prises comme les mesures de Madame Parly pour l'amélioration des conditions de vie en général et l'opération Sentinelle qui a évoluée dans le bon sens depuis septembre.

Est-ce qu'il y a des inquiétudes dans les rangs de l'armée quant aux déclarations du président qui promet une riposte immédiate de la France en Syrie si la "ligne rouge" est franchie au vu du diagnostic que vous dressez sur l'état de nos armées ?

Une frappe n'est pas une opération extérieure d'abord. S'engager dans une nouvelle opération extérieure au vu de l'état de délabrement de nos armées aujourd'hui (manque de préparation, manque de matériel…) c'est effectivement quelque chose que les militaires ne souhaitent pas. Maintenant ils seront aux ordres. Ce que doit faire le président, c'est surtout éviter ce qu'a fait le "couple maudit" Hollande-Le Drian, c’est-à-dire augmenter les missions de l'armée sans se donner les moyens de les augmenter et donc laisser se dégrader ce qui constitue un outil essentiel de résilience de la France.

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