La dette publique, c'est comme le cholestérol, il y a de la bonne et de la mauvaise dette<!-- --> | Atlantico.fr
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Le montant de la dette publique française dépasse désormais les 3.000 milliards d'euros, soit plus de 112 % du PIB.
Le montant de la dette publique française dépasse désormais les 3.000 milliards d'euros, soit plus de 112 % du PIB.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Atlantico Business

L'endettement public est tel que l'opinion donne l'impression d'être indifférente aux risques que cette situation porte. L'idée qu'il y aura toujours une solution est partagée par la majorité, sauf que tout dépend de la dette. Il y a effectivement de la bonne et de la mauvaise dette, un peu comme le cholestérol.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les lois de finances se suivent d'année en année, et le montant de la dette publique s'accroît dans une indifférence apparente de l'opinion. Tout se passe comme si les risques étaient purement théoriques. "Too big to fail…" disait-on chez les banquiers. Trop gros pour tomber… Tout le monde a oublié qu'il n'y a pas si longtemps Lehman Brothers s'est écroulé, entraînant le monde entier dans une crise financière plus grave encore que celle de 1929.

Le montant de la dette publique française, c'est-à-dire le total des endettements de l'État, des collectivités locales et des organismes sociaux, dépasse désormais les 3 000 milliards d'euros, soit plus de 112 % du PIB, le total des richesses créées une année entière. Mais le plus lourd, c'est évidemment le service de la dette, c'est-à-dire le flux des paiements des intérêts et des remboursements, qui représente plus de 50 milliards au budget. En gros, la France va encore avoir besoin d'emprunter l'année prochaine plus de 280 milliards d'euros.  Plus qu'en 2023 pour permettre au pays de vivre presque normalement. La promesse d'engager un désendettement progressif de l'État semble difficile à tenir dès l'année prochaine.

La gouvernance politique est évidemment consciente des risques courus par un endettement excessif, mais pour des raisons politiques, le choix de vivre à crédit lui permet aussi d'éviter des arbitrages qui seraient sans doute difficilement acceptables par l'opinion. Avec du crédit, le gouvernement peut répondre à des besoins exprimés sans avoir à lever un impôt supplémentaire. Et mis à part un grand nombre d'experts, l'opinion publique ne semble pas avoir conscience des contraintes que le crédit va imposer aux générations futures.

La seule contrainte que le gouvernement et Bercy prennent en compte pour doser ses appels de fonds, c'est la réaction des marchés financiers et des agences de notation financière. Le problème de celui qui emprunte est de savoir s'il va pouvoir lever les fonds et à quel taux. L'État français a aujourd'hui une signature qui est encore de grande qualité, d'autant qu'il bénéficie de la garantie de l'Union européenne et de la solidarité théorique des États membres. La France peut donc encore actuellement emprunter facilement et à un taux relativement modeste. Elle emprunte assez facilement et pour moitié auprès des épargnants français et pour une autre partie auprès des fonds étrangers. Pour les marchés financiers, le risque pris sur la France est très inférieur à celui présenté par l'Italie, l'Espagne ou la Grèce.

Pour toutes ces raisons, la dette française n'est pas (encore) considérée comme dangereuse, sauf que nous sommes néanmoins très limités. Le vrai problème avec la dette, c'est qu'il y a de la bonne dette et de la mauvaise dette… Le vrai problème avec la dette française est qu'elle est presque totalement mauvaise.

La mauvaise dette est celle qui finance principalement des dépenses courantes de fonctionnement... C'est le cas de la dette d'État et de la dette des collectivités locales. Notre dette couvre une partie du fonctionnement courant de l'administration, c'est-à-dire les rémunérations et les frais généraux. La dette publique française finance très peu d'investissements.

La bonne dette serait principalement engagée sur des investissements à moyen et long terme, comme la recherche ou les infrastructures, par exemple. On a beaucoup critiqué la dette contractée pendant la COVID-19 (environ 300 milliards d'euros), mais cette dette était de la bonne dette qui a principalement servi à protéger les actifs de production et les actifs humains. Cette dette-là n'était pas risquée, car elle a permis de financer les conditions d'un rebond de croissance qui a permis d'en amortir le coût.

Mais on est revenu aujourd'hui essentiellement à une dette de fonctionnement. Et toute réduction de cet endettement devra passer par une réduction des dépenses publiques, ce que les gouvernements ont beaucoup de mal à mettre en œuvre. Ils se retrouvent donc avec une capacité d'emprunt très bridée. La solution serait de dégager des marges d'emprunt pour financer de l'investissement ou garantir des opérations à long terme.

Bref, s'endetter, oui, à condition de contracter de la bonne dette. Les enjeux de la mutation digitale et de la mutation énergétique nécessitent des financements à long terme dont l'État n'a pas les moyens. Plutôt que d'emprunter pour financer ses opérations courantes, il vaudrait mieux emprunter sur le marché de l'épargne privée pour financer les grands projets liés à l'intelligence artificielle ou à l'énergie nucléaire.

La France est aujourd'hui bloquée dans une situation paradoxale. Elle emprunte beaucoup d'argent pour financer la vie quotidienne. Sa capacité d'augmenter la pression fiscale est nulle ou presque. En revanche, les Français ont une épargne colossale de près de 6 000 milliards d'euros, liquide ou réalisable à court terme. Les Français, qui ont peur de l'avenir, l'utilisent comme épargne de précaution ; elle ne sert donc à rien, sauf à garantir en quelque sorte des emprunts d'État de fonctionnement qui eux ne financent pas l'avenir.

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