La démocratie et l’économie de marché sont indissociables. Quand est-ce que le Medef osera se saisir de ce débat ?<!-- --> | Atlantico.fr
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le Medef va tenir son université d'été bientôt.
le Medef va tenir son université d'été bientôt.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

ATLANTICO BUSINESS

Il en sera forcément question aux universités d’été du MEDEF. Entre la guerre en Ukraine et les menaces sur Taiwan, entre les contraintes de l’écologie et les obligations sociales, éthiques et culturelles, l’actualité a précipité l’entreprise privée dans le grand bain de la politique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il va falloir arrêter de se cacher la vérité en se pinçant le nez. La REF, à la fin du mois à Longchamp, sera une bonne occasion d’ouvrir le débat et surtout de montrer qu’on n’élude pas la question. 

 Il y a un vrai problème politique dans l’entreprise privée. Et ce problème tourne au débat entre la démocratie et l’économie de marché. Il faudra bien le trancher parce qu’en l’état de la situation, la position des entreprises en situation de concurrence va devenir insupportable pour celles d’entre elles qui campent avec un cynisme habituel. 

La dégradation de l’environnement au niveau mondial, le réchauffement climatique, l’agression des Russes sur l’Ukraine ou les menaces que fait peser la Chine continentale sur Taiwan et ses libertés individuelles, tous ces évènements montrent bien qu’il existe un duel sérieux entre les partisans de l’économie de marché et ceux pour qui le respect des libertés individuelle n’est pas la préoccupation première. 

Entre la Chine et les Etats-Unis, le débat se cristallise sur tous les terrains où les systèmes de valeurs s’imposent et s’opposent. Mais également sur le terrain de l’économie. Il faudra bien que les gouvernements s’entendent sur des règles de fonctionnement de marché si les uns et les autres veulent y participer.

Pour l’instant, on s’éloigne d’un compromis possible, ce qui met les entreprises de plus en plus mal à l’aise.Et les questions que les entreprises se posent sont très simples : 

-Faut-il continuer de travailler dans des pays autoritaires ou dictatoriaux comme la Russie ou la Chine, particulièrement quand ces dictatures engagent sur des conflits avec des pays qui ont choisi de vivre en démocratie ?

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On a bien vu la difficulté pour mettre en place les politiques de sanctions économiques et financières à l’encontre de la Russie. Les gouvernements ont certes décidé d’un panier de sanctions fortes pour affaiblir Moscou et priver la Russie de ressources afin de vider se moyens de faire la guerre. Alors les sanctions n’ont pas beaucoup d’effets à très court terme dans le pays visé, mais elles provoquent des blessures aux pays qui sanctionnent. Il faudrait donc tenir assez longtemps pour que l’effet se fasse sentir. Il faudra tenir. Mais les entreprises rechignent à participer à l’effort de guerre avec ce moyen-là qui engendre des pertes. Donc, les entreprises hésitent à fermer ou à partir. Il le faudra poudrant bien et pas seulement pour des raisons morales. 

-Sur un autre terrain, écologique cette fois, le monde du business sait bien que les plus gros pollueurs sont dans les pays émergents ou en voie de développement : la Chine, l’Inde et l’Afrique. L’empreinte carbone d’un chinois serait dix fois celle d’un parisien. Les entreprises occidentales ont eu du mal à accepter les normes et les contraintes de cette écologie en sachant qu’elles n’étaient pas forcément les plus pollueurs de la planète. C’est vrai que là encore le débat est assez biaisé, parce que les entreprises occidentales ont beaucoup délocalisé leur pollution en déplaçant leur capacité de production. 

Soyons clair : très souvent, les entreprises n’ont le choix qu’entre faire du business avec les pays émergents ou alors sous payer leur personnel et leurs actionnaires. Pendant très longtemps, les entreprises se sont assises sur les Droit de l’Homme pour faire du business. 

Certaines ont même relayé avec soulagement de discours qui était diffusé au plus fort de la mondialisation. Au début du 21e siècle en effet, quand la Chine a demandé d’adhérer à l’OMC, c’est-à-dire quand elle a frappé à la porte du marché mondial, la majorite des élites lui ont ouvert la porte. Pour deux raisons : 

-Une première raison très prosaïque, parce qu’on allait faire avec la Chine de l’argent, beaucoup d’argent et pendant plus de dix ans, ça a été vrai. En panne de croissance, les Occidentaux sont allés en chercher là-bas. 

- La deuxième raison était de dire que le développement du commerce international allait donner aux peuples émergents, le gout de la liberté et le gout de la richesse. Au bout du banc de cette mondialisation, il y avait forcément de la démocratie en prime. 

Tous ceux ou presque qui tenaient ce discours optimiste se sont trompés. La Russie n’a pas tenu ses promesses de réciprocité, la Chine en est restée à mille lieues. Par conséquent, la démocratie a été oubliée, abandonnée. Les autocraties sont restes autoritaire, les dictatures sont restées dictature. Les occidentaux ont dû ravaler leurs griefs. Nous avions besoin de gaz russe, nous avion besoin de pétrole en provenance du Golfe. Nous avions besoin de couts de production très bas. Donc les démocraties ont continué à cohabiter avec le diable.

Maintenant, ça n’est évidemment plus possible comptent de la guerre et de ce qui se passe en Chine. 

Pour les entreprises du Cac 40, les sanctions infligées au Russe ont couté entre 15 et 20 milliards. Dans le luxe, la banque, l’agroalimentaire et surtout dans l’industrie automobile et l’Energie. 

Si on consolide toutes les entreprises qui sont parties ou ont perdu un fonds de commerce, on arrive à un total de 50 milliards d’euros. Pertes d’actifs qui ont été dévalorisés, perte de chiffre d’affaires et de marge.

Face à la pollution et aux émissions de carbone, les entreprises se recroquevillent également en laissant croire qu’elles ne savent pas que les pays émergents polluent pour elles. Et pour cause, parmi les facteurs d’attractivité des industries occidentales, les émergents offrent des salaires très bas, imposent les prélèvements sociaux ultra- light et peu d’impôt. En contrepartie, les émergents n’appliquent pas les règles et les normes anti-pollution qui leur seraient appliquées en Europe. 

Ajoutons à cela que le consommateur est assez peu exigeant sur le droit du travail en vigueur, il ne demandera pas de compte. Pas plus que l’investisseur. 

Sauf que ce laxisme avec la morale des droits de l’Homme ou avec les exigences de la lutte contre le climat est battu en brèche par les marchés

L’économie de marché a cette qualité de mettre les fournisseurs en concurrence et de permettre aux salariés, aux consommateurs et aux actionnaires d’avoir une bonne visibilité sur les conditions de production et de travail dans le pays où l’on produit. 

Il faut que tout ce qui se passe en dehors de nos frontières soient compatibles avec nos conceptions des droits de l’Homme. Il faut que les contrats soient respectés, ce qui n’est pas le cas. Il faut que les règles soient édictées et respectées. Ce qui n’est pas le cas. Il faut bannir la corruption et le caractère léger des règles juridiques. Ce qui n’est pas le cas partout.

Les entreprises françaises et les autres vont devoir montrer l’exemple dans le respect des droits de l’Homme, des droits sociaux, des droits environnementaux. Il falloir respecter une forme de démocratie de marché

Les conflits entre les régimes autoritaires et les économies de marché ne prendront fin que si et seulement si, les pays du monde entier se coordonnent sur un compromis juridique de base sur lequel tout le monde va fonctionner

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