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La délicate mission de la sauvegarde du patrimoine architectural français face aux capitaux étrangers
©Christophe Petit-Tesson / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Laurent Izard vient de publier "La France vendue à la découpe" aux éditions de L’Artilleur. La France vit désormais au quotidien la cession de ses richesses privées et publiques, tandis que nos dirigeants continuent de déplorer les délocalisations toujours plus nombreuses. Cette situation conduit à la perte de notre indépendance et à l'instabilité sociale. Extrait 2/2.

Le château de Chailly-sur-Armançon est une belle demeure Renaissance située en Côte-d’Or, au cœur de la Bourgogne et classée au titre des monuments historiques depuis 1930. Ses quatre tours, ses caves voutées et son pont-levis rappellent que ce château était à l’origine une place forte, édifiée au début du xve siècle par Jean, Seigneur des Loges. En 1987, le château de Chailly, qui a échappé aux ravages du temps et de la Révolution, est acheté par un investisseur japonais, Yasuhiko Sata. Celui-ci le rénove et le transforme en un hôtel 4 étoiles disposant de 45 chambres, 6 salles de séminaires, 2 restaurants et un golf professionnel 18 trous. Le château accueille dorénavant une clientèle aisée, principalement étrangère. 

L’histoire du château de Chailly illustre parfaitement la problématique de nombreux monuments historiques français : un propriétaire qui ne dispose pas des financements nécessaires pour entretenir son domaine, une absence de projet économiquement viable, une cession forcée, parfois traumatisante, et un nouvel acquéreur fortuné, souvent étranger, qui donne vie au château ou au contraire le réserve pour son usage personnel. Si l’on peut déplorer ce processus, il convient toutefois de remarquer que de nombreux monuments tombent littéralement en ruines faute d’entretien et de restauration. 

La protection du patrimoine architectural français bénéficie pourtant d’une réglementation particulièrement efficace avec la loi de 1913 sur la protection des monuments historiques complétée par la loi Malraux qui crée l’institution des « secteurs sauvegardés » et par la création des « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager » ou ZPPAUP. Il n’est cependant pas certain que l’évolution récente de cette réglementation permette une meilleure protection de notre patrimoine immobilier historique, souvent en péril. Par exemple, depuis 2009, pour bénéficier d’un régime fiscal avantageux, obligation est faite pour le propriétaire de conserver son bien immobilier durant 15 ans sous peine de devoir rembourser l’économie fiscale réalisée. Ce dispositif est particulièrement dissuasif pour les acquéreurs potentiels français, qui mesurent difficilement les contraintes financières liées à cette acquisition et ne veulent pas prendre le risque de s’engager sur une si longue durée. 

Même la rénovation des plus beaux monuments nationaux se heurte à des difficultés de financement. L’incendie du château de Lunéville le 3 janvier 2003 a été provoqué par un défaut d’entretien des circuits électriques. La célèbre Galerie des Glaces du Château de Versailles n’a pu être restaurée que grâce à l’appui financier du Groupe Vinci dont la majorité du capital, rappelons-le, appartient à des investisseurs institutionnels étrangers. Et l’ancien Théâtre Napoléon III de Fontainebleau a quant à lui été débaptisé : il s’appelle depuis 2014 « Théâtre Cheikh Khalifa bin Zahed al-Nahyan » du nom de l’émir d’Abou Dhabi qui a financé les travaux de restauration. 

En septembre 2017, Emmanuel Macron choisit un journaliste, Stéphane Bern, pour mener une mission sur le patrimoine local en péril. Est-ce une bonne nouvelle ? Notre animateur vedette, en amateur éclairé, semble conscient de la gravité de la situation et a commencé à recenser les monuments qui menacent de disparaitre. De plus, les enjeux économiques de la préservation de notre patrimoine ne lui ont pas échappé. Mais cette mission n’est appuyée par aucun moyen financier. Et les premières interviews accordées par Stéphane Bern semblent plutôt inquiétantes : pas un mot sur les investissements étrangers et le bradage de notre patrimoine, une volonté affichée de convertir certains sites historiques pour accueillir des entreprises, un projet de rendre payante l’entrée des cathédrales, etc. Sa déclaration du 31 août 2018 n’est pas plus rassurante : « Je suis arrivé la fleur au fusil et maintenant je vois toutes les attaques contre le patrimoine, y compris au sein du gouvernement. […] Si tout cela n’est qu’un effet d’annonce, je partirai. Je ne veux pas être un cache-misère ».

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