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La Chine se braque peut-être mais Donald Trump fait le job pour tenter de rééquilibrer les rapports de force entre l’Occident et Pékin
©JIM WATSON / AFP

Diplomatie

Il y a quelques jours, le conseiller à la sécurité nationale américaine, H.R. Mc Master déclarait que la Chine et la Russie étaient des puissances révisionnistes, qui sapent l'ordre international. Concernant la Chine, H.R. Mc Master évoque l'agression économique du pays, et parle de compétition entre les deux grandes puissances. En réponse à cette rhétorique, la porte-parole du ministère des Affaires étrangère chinois a déclaré "la coopération est la seule bonne option entre Chine et Etats Unis".

Emmanuel Dubois de Prisque

Emmanuel Dubois de Prisque

Emmanuel Dubois de Prisque est chercheur associé à l'Institut Thomas More et co-rédacteur en chef de la revue Monde chinois nouvelle Asie.

 
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Il y a quelques jours, le conseiller à la sécurité nationale américiane, H.R. Mc Master déclarait que la Chine et la Russie étaient des puissances révisionnistes, qui sapent l'ordre international. Concernant la Chine, H.R. Mc Master évoque l'agression économique du pays, et parle de compétition entre les deux grandes puissances. En réponse à cette rhétorique, la porte parole du ministère des affaires étrangère chinois a déclaré "la coopération est la seule nonne option entre Chine et Etats Unis". La diplomatie de Donald Trump, laissant ici suggérer un nouveau rapport de force dans la région, peut-elle porter ses fruits ? Quels sont les objectifs recherchés par les Etats Unis ?

Emmanuel Dubois de Prisque : Cette déclaration chinoise fait suite à la publication d'un document, le "National Security Strategy" (NSS), document signé par Donald Trump en personne. Ce document stigmatise la Chine et la Russie et les désignent comme "concurrents" (competitors) des Etats-Unis. Ce NSS est le premier sous l'ère de Donald Trump et est marqué par un changement de ton radical de l'administration américaine. Le dernier document équivalent, fut produit sous l'ère Obama il y a presque trois ans (en février 2015) et insistait au contraire sur "la coopération d'un ampleur sans précédent" entre la Chine et les Etats-Unis. Aujourd'hui, par la voix de Donald Trump, les Etats-Unis mettent en avant les risques de déstabilisation de l'ordre international liés à l'émergence de la Chine et critiquent même ouvertement des projets intérieurs à la Chine, le projet de Pékin de noter, notamment grâce aux outils de l'intelligence artificielle,"la loyauté" de chacun de ses citoyens notamment. Sur le plan économique, les Etats-Unis n'hésitent pas à manifester leur inquiétude quant aux vastes projets d'investissements chinois dont Pékin cherche à tirer profit en termes d'influence politique sur les pays qui en bénéficient. Le document s'intéresse au cas de l'Europe et n'hésite pas à parler des "pratiques commerciales injustes" ("unfair trade practices") que la Chine impose à l'Europe. A ce sujet, début décembre, les Etats-Unis ont publié une déclaration dans le cadre de l'OMC pour se situer résolument du côté de l'UE dans le cadre du différend qui oppose la Chine et l'UE sur la question du "statut d'économie de marché" de l'économie de chinoise. La Chine a en effet choisi d'attaquer l'UE sur ce sujet dans le cadre de l'ORD de l'OMC, car elle considère que l'UE est le maillon faible parmi ceux (qui sont nombreux, Etats-Unis, Japon, Inde, etc) qui refusent d'octroyer ce statut à la Chine. La Chine a manifesté sa désapprobation à ce sujet dans des termes très proches de ceux utilisés ici, en appelant à la coopération, mais n'a pas tardé à mettre en place des mesures de rétorsion en levant dés le début de l'année prochaine les taxes sur l'acier qui limitaient un peu l'ampleur du dumping chinois.

Que faut-il lire derrière les mots de "recherche de coopération" de la part de Pékin ? Quels sont les objectifs de Xi Jinping dans ses relations avec les Etats Unis ? N'y a t il pas une forme de cynisme à parler de "coopération", pour la Chine, dans ses rapports avec les Etats Unis ?

Comme noté plus haut, le terme de coopération est celui qui était mis en avant dans le NSS précédent d'Obama. Il faut noter que ce document-ci ne renonce pas à cette expression tout en mettant l'accent plus nettement sur la dimension conflictuelle des relations entre les deux pays. La Chine rappelle donc les Etats-Unis à la position plus conciliante qui était la leur sous Obama, mais que déjà Pékin ne se gênait pas alors pour critiquer comme étant trop critique... De fait, il existe une multitude de dossier sur lesquels les deux superpuissances coopèrent.
Depuis longtemps, il existe deux veines distinctes dans les discours du régime chinois, la première à destination de l'étranger insiste sur les politiques coopératives et les projets "gagnant/gagnant" dans une rhétorique typique de la doxa libérale, la deuxième est une veine plus offensive à destination de sa propre population dont Pékin flatte le nationalisme. Il convient de distinguer les deux. En outre, cet appel à la coopération se situe dans un contexte de montée des tensions, non seulement en Corée du Nord, mais aussi à Taiwan. A mille lieux de toute volonté de "coopération" sur ce sujet, Pékin multiplie ostensiblement les manoeuvres militaires autour de Taiwan indiquant sa ferme et martiale volonté sur ce dossier essentiel pour lui. Trump affirme dans le dernier NSS sa volonté de poursuivre les relations des Etats-Unis avec Taiwan, et réitère les engagements américains à défendre ce pays dans le cadre du "Taiwan Relations Act", alors même que Barack Obama dans le NSS précédent ne mentionnait pas une seule fois la question taiwanaise. Il s'agit pourtant de la question que les Chinois aiment à qualifier de dossier le plus sensible dans les relations entre les deux pays.

Les Etats Unis ont ils encore les moyens de peser efficacement sur Pékin, notamment sur des questions économiques ?

Les deux premières économies du monde sont interdépendantes et une guerre commerciale, qui n'est pas inenvisageable, mais qui reste improbable (un peu moins aujourd'hui qu'hier cependant), nuirait grandement aux économies et aux entreprises des deux pays. Mais la Chine aurait au moins autant à perdre à une telle guerre que les Etats-Unis. Ce pays ne serait sans doute pas isolé au cas où la situation se dégraderait sur ce front face à la Chine. L'UE, avec des accents de fermeté assez inédits, insiste aujourd'hui sur la "réciprocité" dans ses relations économiques avec la Chine. Ce fut notamment le cas de Bruno Le maire lors de sa récente visite en Chine, et on attend également de la fermeté sur ces sujets de la part du président Macron lors de sa visite en Chine en début d'année prochaine. L'Inde et le Japon sont sur des lignes proches des lignes occidentales. La Chine, elle, semble plus isolée, même si bien sûr elle dispose de moyens de rétorsion très importants.

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