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La Chine célèbre les 120 ans de la naissance de Mao mais le communisme y est-il encore vraiment autre chose qu'un mot fétiche ?
©Reuters

Ciao Mao

Les admirateurs de Mao Zedong ont célébré jeudi le 120e anniversaire de la naissance du "Grand Timonier" qui a fondé en 1949 la République populaire de Chine.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

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Atlantico : La Chine a célébré jeudi  le 120e anniversaire de Mao Zedong, père fondateur de la République populaire de Chine. Qu'est-ce que la Chine d'aujourd'hui a encore en commun avec celle du Grant Timonier ?

Jean-François Di Meglio : La Chine d'aujourd'hui a en commun avec la Chine de Mao tout ce que ce dernier a enlevé à la culture traditionnelle chinoise. Mao a créé une rupture totale en 1959 avec le Grand bond en avant et avec la Révolution culturelle. Son action a rompu le fil historique du pays. Aujourd'hui, la Chine n'est plus la Chine, et ce à cause de Mao. Le pays a du mal à retrouver sa culture ancestrale, alors que Hong-Kong ou Taïwan sont dans une vraie continuité.

La Chine essaye donc de renouer avec son passé, notamment par un retour au confucianisme. C'est exactement ce qui s'est passé en 2008 lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin. Cette cérémonie était une tentative pour remettre le pays dans sa perspective historique.

En quoi la Chine est-elle aujourd'hui un pays communiste ?  

D'un point de vue économique, il y a un symbole extrêmement paradoxal : les billets chinois portent l'effigie de Mao, alors qu'à son époque ce n'était pas le cas. En outre, la plus grosse coupure qui existe est de 100 Yuan renminbi  (environ 14 euros).  Donc quand on a de l'argent en Chine, on a beaucoup d'argent en billets. Pour maintenir l'illusion que l'on est dans un système qui ne promeut pas l'argent, on met Mao sur les billets.

L'économie chinoise a été fortement réintroduite par les sociétés d'État qui représentent environ 40 % du PIB. Ces sociétés d'État ont changé de nature : elles sont tournées vers le profit, elles ne redonnent pas à l'État le profit qu'elles génèrent, mais l'investissent… Ce n'est pas du communisme, c'est du capitalisme d'État.

Bien sûr, il y a des éléments de la société chinoise qui sont encore communistes. Par exemple, l'État possède le foncier. C'est en train d'être réformé mais pour l'heure, c'est toujours le cas. Autre exemple, le capitalisme chinois est très lié au parti unique : soit un grand patron est déjà membre du parti et bénéficie des réseaux, soit il a réussi tout seul et on lui propose alors de devenir membre du parti.

Mais on assiste en cette fin d'année 2013 à des réformes de ce capitalisme d'État. Début  novembre, lors du  troisième plénum du XVIIIe congrès du Parti communiste chinois, trois mesures-phares ont été annoncées : la réforme de la propriété foncière, la réforme du système des camps de travail et la réforme du système de l'enfant unique, soit trois piliers du système communiste.

Le président Xi Jinping et le Premier ministre Li Keqiang ont annoncé vouloir réorienter l'économie vers la consommation et les services plutôt que vers l'exportation et l'investissement. Se dirige-t-on progressivement vers la mise en place d'une économie de marché en Chine ?

Nous sommes actuellement dans une phase très réformiste. C'est d'ailleurs assez comparable à ce qui s'est passé immédiatement après la mort de Mao. Cette phase pourrait conduire à un changement assez profond du système. Cependant, il y a toujours énormément de contrôles. Il n'y a pas d'économie de marché car le système financier ne peut pas le supporter. Il n'y a pas de bourses ouvertes aux investisseurs étrangers, il n'y a pas de devises convertibles, etc.

Le grand paradoxe est que si l'on définit le libéralisme par opposition au communisme, la capacité d'entreprendre en Chine est très grande. Mais cette capacité s'inscrit dans un contexte où la main de l'État et très forte.  Par exemple, lors d'un litige financier, on va le plus souvent avoir recours à une médiation ou à une décision d'autorité plutôt qu'à un règlement judiciaire. C'est également un système où il y a des restes très importants de corruption, une dérive de l'époque communiste. La lutte contre la corruption est d'ailleurs l'un des objectifs clairs du régime.

La Chine n'a-t-elle de communiste que le nom ?

Oui, mais le nom est très important : il y a 80 millions de communistes en Chine. Si l'on dit à ces personnes qu'elles ne le sont plus, on s'expose potentiellement à de grands problèmes. Car derrière ce nom il y a encore une vraie force, même si les membres du parti incarnent des formes différentes de communisme. Il y a un communisme traditionnel, attaché à l'histoire du communisme en Chine. Il y a également un communisme au fonctionnement clanique – je ne travaille qu'avec des communistes – très attaché à un système élitiste où le PC est l'équivalent, en termes de réseaux, d'une grande école.

N'englobe-t-on pas sous le terme de "communiste" l'ensemble des règles autoritaires qu'utilise encore Pékin ?

Pas vraiment. On ne peut pas concevoir la Chine aujourd'hui sans le Parti communiste. Cependant, il n'y a pas de superposition exacte des règles autoritaires et du communisme car la conception même de l'État est distincte du parti.

Dans d'autre pays asiatiques, on a connu le même système étatique sans parti communiste : Corée-du-Sud  jusqu'en 1986 avec l'élimination du président Park. Il y a en fait une conception culturelle de l’État asiatique. Cette conception peut exister et donc disparaître indépendamment du Parti communiste. 

Propos recueillis par Sylvain Chazot

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