L’organisation des JO : cette ruineuse passion qui ne sera bientôt plus que française<!-- --> | Atlantico.fr
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En examinant l'histoire des Jeux Olympiques, on constate que les budgets ont été dépassés en moyenne de 176%.
En examinant l'histoire des Jeux Olympiques, on constate que les budgets ont été dépassés en moyenne de 176%.
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Coût exorbitant

Alors que les retards et autres déconvenues s’accumulent dans l’organisation des JO de Paris 2024, on a appris cette semaine que la candidature française Alpes 2030 était la seule retenue par le CIO

Armand de Rendinger

Armand de Rendinger

Armand de Rendinger est un consultant français. Diplômé en sciences politiques et licencié en droit, il débute sa carrière professionnelle au Canada, avant de rejoindre à Paris, en 1970, le cabinet international Andersen Consulting. Durant plus de trente ans, en tant que directeur, puis associé, il participe à des missions de conseil en stratégie, d'organisation et de transformation d'entreprises publiques, privées et associatives.

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Atlantico : Existe-t-il un exemple de Jeux Olympiques qui ne se soit pas traduit par une déroute financière totale ?

Armand de Rendinger : En examinant l'histoire des Jeux Olympiques, on constate que les budgets ont été dépassés en moyenne de 176%. À l'exception des Jeux de 1984 à Los Angeles, aucune ville hôte n'a enregistré de bénéfices dits économiques.

Concernant Paris 2024, on évoque des retombées de 11 milliards d'ici 2035. De nombreuses villes ont fait des promesses similaires pour mobiliser la population en faveur des Jeux. Cependant, à l'exception relative de Barcelone en 1992, aucun pays n'a véritablement évalué la réalisation de ces promesses.

En ce qui concerne Paris 2024, on promet des Jeux équilibrés économiquement et socialement, responsables sur le plan environnemental, spectaculaires, inédits et éthiques. Bien que d'importants efforts aient été déployés, je doute de la responsabilité environnementale d'avoir décidé des épreuves de surf à Tahiti et non à Biarritz. Cette décision a un coût de transformation du site et implique un déplacement des athlètes, à l'instar du déplacement d'Anne Hidalgo, une des personnalités clés de l'événement. Le mantra de Paris 2024 "Les Jeux payent les Jeux ?" reste à vérifier, étant donné les nombreux défis auxquels leurs responsables sont confrontés.

Les dépassements de budget sont monnaie courante lors de l’organisation des JO. Comment se présente Paris 2024 ? L’inflation-a-t-elle fait exploser les coûts ?

Ce n'est ni l'inflation ni le Covid qui sont les sources principales de l'augmentation des coûts. Le budget initial de Paris 2024 était de 5,5 à 6 milliards en 2017. Comme pour tout budget de candidature, il a été sous-évalué, tel que le reconnaît à plusieurs reprises la Cour des Comptes. Actuellement, le coût estimé se situe entre 8,8 et 9 milliards, ce qui, en soi, n'est pas considérable. Cependant, le coût de la sécurité n'a pas encore été évalué et devrait être substantiel. À terme, ces Jeux pourraient atteindre un coût de 10 à 12 milliards, à percevoir davantage comme un investissement politique qu'autre chose. La question est de savoir quelle est la part de ce coût qui sera à la charge du contribuable en comparaison des recettes privées obtenues (billetterie, droits de télévision ...). À titre de comparaison, lors des Jeux de Tokyo, le budget était de 5 milliards au départ, avant de s'envoler à 12 milliards, notamment à cause du report des Jeux de 2020 à 2021 pour cause de Covid. 

Quels sont les problèmes principaux autour de l’organisation des Jeux ?

Le problème prédominant sera d'assurer la sécurité du pays et des Jeux. C'est une question de moyens et de ressources, et la France semble enfin aborder la question de manière organisée. À titre de comparaison, Londres avait initialement prévu 400 millions pour la sécurité, mais la facture a finalement dépassé le milliard. Cette situation constitue un problème majeur, notamment en considération des risques potentiels tels que ceux qui sont inhérents à toute préparation des Jeux (grèves, incidents techniques) et maintenant, ce qui est sans doute le plus important, les cyberattaques, qui concernent l'ensemble des dispositifs des Jeux. Or, en la matière, les hackers ont toujours un temps d'avance sur les défenseurs du système. Le ministère de l'Intérieur prévoit 12 milliards de cyberattaques durant la préparation et l'organisation des Jeux. Cette augmentation est exponentielle par rapport aux Jeux de Tokyo et de Rio.

Les transports sont également un défi majeur. On constate un retard dans la mise à disposition de nouvelles lignes de métro nécessaires aux Jeux. De plus, la gratuité promise des transports envisagée n'est plus de mise, puisqu'on parle de la facturation d'un ticket de métro à 4 euros, pour des raisons d'économies. La billetterie, la cérémonie d'ouverture et les modalités opérationnelles des sites de compétition suscitent elles aussi des inquiétudes. Enfin, le dispositif de sécurité prévoit un QR code pour accéder à certaines zones de la capitale, ce qui est une entrave en matière de liberté de circulation. 

Vu la conjoncture économique (récession, dette, etc.), pourquoi avoir présenté la candidature française des JO d'hiver en 2030 ?

Premièrement, notre pays a démontré par le passé sa capacité à organiser de tels événements. De plus, le Comité International Olympique (CIO), soucieux d'assurer la pérennité des Jeux, recherche le candidat idéal, d'autant plus que de nombreux pays se désintéressent des Jeux d'hiver. Il est également essentiel de prendre en compte le fait que le réchauffement climatique limite de plus en plus le nombre de sites capables d'accueillir les épreuves olympiques. La France (contrairement à la Suisse et à la Suède) semble avoir fait la promesse de relever ce challenge lié au réchauffement climatique. Avec ces Jeux, elle pense accélérer la transformation industrielle et touristique de ces sites. Promesses pas évidentes à tenir. 

Quid des promesses sociales et environnementales formulées pour gagner les Jeux ? Sont-elles tenues ?

Nous avons promis de diviser par deux l'empreinte carbone de Paris 2024 par rapport aux Jeux de Londres. Nous savons que cette promesse ne sera pas tenue. Nous avons également promis que le sport sera beaucoup plus développé, notamment dans les écoles. Nous en prenons le chemin. Nous avons promis d'intégrer complètement les personnes en situation de handicap, notamment en termes d’accessibilité. Il sera impossible de tenir une telle promesse dans les délais impartis. 

Lorsqu’on regarde les précédents Jeux, avons-nous des exemples de promesses non tenues ?

Après les Jeux de Londres en 2012, toute la partie Est de la ville devait se transformer en appartements à louer, mais en raison des prix de l'immobilier, cela ne s'est pas concrétisé. Ces quartiers de Londres étaient censés offrir des opportunités à toutes les couches de la société, et non seulement aux individus les plus aisés.

À Rio en 2016, les autorités avaient promis de dépolluer toute la baie de Guanabara, une promesse qui n'a jamais été tenue. De nombreuses structures construites n'ont pas été correctement entretenues et sont aujourd'hui dans un état lamentable, laissées à l'abandon. En règle générale, l'entretien des infrastructures liées aux Jeux pose problème, comme cela a été le cas à Athènes.

Lors des Jeux d'Hiver de Sotchi, on avait promis le retour du Lynx dans les forêts environnantes, mais sur le plan environnemental, ces Jeux ont été considérés comme un fiasco par de nombreux écologistes. Les autorités russes ont entrepris la construction d'aéroports, de gares, le déplacement de montagnes et l'abattage de forêts, avec la promesse que tout serait rétabli par la suite. Cependant, il est évident que cela n'a pas été réalisé.

Comme à Rio ou à Londres, nous ne savons pas si la Seine sera réellement dépolluée et si les Parisiens pourront s'y baigner. De même, le sort du village des athlètes, destiné à se transformer en logements sociaux, demeure très incertain.

In fine, l’objectif des Jeux Olympiques de Paris 2024 en termes de retombées économiques et de créations d’emplois pourra-t-il être tenu ?

Ces objectifs ne seront atteints que si les entreprises concernées par les emplois créés continuent de jouer le jeu après 2024. Elles seront confrontées à des problèmes de sécurité, de liberté d'embauche et de gestion du personnel. En résumé, les Jeux, basés sur une loi d'exemption olympique, peuvent susciter des changements, mais une fois terminés, le climat économique revient bien souvent à son niveau d'avant.

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