L'Opéra de Paris coûte-t-il trop cher à l'Etat ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Opéra de Paris est l'institution de spectacles vivants qui reçoit la plus importante subvention publique en France.
L'Opéra de Paris est l'institution de spectacles vivants qui reçoit la plus importante subvention publique en France.
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Par amour de l'art

Avec un taux de remplissage de 96%, l'Opéra de Paris est l'un des postes subventionnés les plus intéressants pour l'Etat.

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

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En cette rentrée culturelle, intéressons-nous à l’Opéra de Paris. On l’a appris récemment, Stéphane Lissner, actuellement à la Scala de Milan, succédera une année plus tôt que prévue à Nicolas Joël à la tête de cette maison, soit en septembre 2014, en même temps que Benjamin Millepied à la tête du ballet. Du renouveau en perspective. Mais en ces temps de disette budgétaire, intéressons-nous aussi aux chiffres, car l’Opéra de Paris est l’institution de spectacles vivants qui reçoit la plus importante subvention publique en France, seulement dépassé par le Musée du Louvre si on considère les institutions culturelles en général. 104,5 millions d’euros, voici ce qu’à reçu de l’Etat en 2012 la maison aux deux salles, Garnier et Bastille, et aux deux répertoires, l’opéra et le ballet.

C’est beaucoup, mais est-ce trop ? Est-ce correct ? Il est difficile de répondre à cette question. Aux Etats-Unis, une institution comparable comme le Metropolitan Opera de New York ne touche aucune subvention publique. Ce sont les mécènes (des particuliers et des entreprises) qui apportent les sommes nécessaires pour équilibrer le budget, car la vente des places, quel que soit le contexte économique, ne suffit pas à couvrir l’ensemble des dépenses. Mais ce modèle n’est absolument pas transposable en France, compte tenu de la fiscalité existante, chacun l’aura compris. Dans toute l'Europe, les grands opéras, tout comme les grandes institutions culturelles, fonctionnent avec plus ou moins de subventions publiques. C’est dans ce cadre qu’il faut raisonner.

Existe-t-il un indicateur objectif pour juger de la pertinence des subventions publiques à une institution culturelle ? Oui, c’est le taux de recettes propres. Ce n’est pas le seul à prendre en compte bien sûr, chaque institution à son identité, mais c’est à l’évidence le plus important parce qu’il traduit sa capacité à attirer le public et les mécènes. Et l’Opéra de Paris réussit plutôt bien sur ce plan. En 2009, les recettes propres (donc ventes de billets + mécénat) représentaient 42,4% des recettes totales, le solde étant la subvention de l’Etat. En 2012, elles se montent à 49,5% et la direction ambitionne d’atteindre les 55% d’ici quelques années. Un résultat enviable et une belle progression, surtout si on le compare aux opéras de province qui peinent à dépasser les 20%  (leur problème, c’est qu'ils font peu de représentations et ont un personnel payé à l’année). On peut aussi comparer ce chiffre à celui du Festival d’Aix-en-Provence qui génère, lui, deux tiers de recettes propres, mais avec une structure bien plus légère, évidemment.

Alors oui, compte tenu du niveau artistique qui se mesure aux meilleurs opéras du monde, compte tenu d’un taux de remplissage global de 96% (plus de 800.000 places vendues chaque saison), on peut dire que cette subvention n’est pas scandaleuse. C’est sans doute l’une des subventions publiques qui offre le meilleur «rendement», si tous les organismes subventionnés pouvaient générer 50% de recettes propres ! Améliorer encore ce résultat nécessiterait un droit du travail plus souple, mais cela n’est pas de la compétence du directeur de l’Opéra. 1700 personnes travaillent dans cette maison, 1500 en CDI, 200 en CDD (l’orchestre, le chœur, le ballet, les techniciens, les administratifs) mais la masse salariale est peu modulable, et les syndicats puissamment installés, ce qui réduit les marges de manœuvres à pas grand-chose.

Quoi qu’il en soit, retenons que pour les organismes culturels, et même au-delà pour toute structure qui reçoit de l’argent public et propose des prestations, il faut exiger qu’elle rende public son taux de recettes propres, cet indicateur étant déterminant pour juger de son attractivité. Très peu d’institutions culturelles donnent ce chiffre en réalité, on se demande pourquoi…

La saison reprend donc avec, en septembre, une nouvelle production (c'est-à-dire une nouvelle mise en scène), «Alceste» de Gluck, et deux reprises «Lucia di Lammermoor» de Donizetti et «L’Affaire Makropoulos» de Janacek. On se permettra de conseiller cette dernière, une œuvre rarement donnée du compositeur tchèque Leos Janacek (1854-1928). Tiré d’une pièce de théâtre de son compatriote Karel Capek, très porté sur la science-fiction (c’est lui qui inventa le terme «robot»), l’histoire est celle d’une femme qui vit dans une éternelle jeunesse depuis plus de 300 ans grâce à un filtre que lui a concocté son père, un alchimiste du XVIe siècle. Mais l’effet du philtre s’estompe. Elle apprend par hasard, en revenant dans sa ville natale, Prague, qu’un procès lui permettrait de remettre la main sur la formule magique… La mise en scène transpose astucieusement l’intrigue à Hollywood, aussi un univers où les stars ne meurent jamais… Il reste des places, entre autres des places le jour même à 5 euros, et pour lesquelles le rapport recettes propres sur recettes totales n’est vraiment pas élevé, mais ça ne doit pas vous empêcher d’y aller !

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