L’Inde pourrait être le premier pays où des vagues de chaleur record dépassent le seuil humain de survie<!-- --> | Atlantico.fr
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New Delhi, Inde.
New Delhi, Inde.
©SAJJAD HUSSAIN / AFP

Crise environnementale

Alors que l'Inde a connu son mois de février le plus chaud depuis 1901, le bureau météorologique national prévoit une hausse des températures dans les semaines à venir, alimentant de vives inquiétudes.

Sarah Safieddine

Sarah Safieddine

Sarah Safieddine est chargée de recherche au CNRS, travaillant à LATMOS/Sorbonne Université. Ses recherches portent sur l'étude de la composition de l'atmosphère et du transport des polluants à l'échelle mondiale et locale, ainsi que sur leurs effets sur la santé et le climat.

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Alors que l'Inde a connu son mois de février le plus chaud depuis 1901, le bureau météorologique national prévoit une hausse des températures dans les semaines à venir, alimentant de vives inquiétudes. Quelles sont les conséquences du stress thermique sur le corps humain ? 

Sarah Safieddine : La problématique se situe au niveau de la durée de ces fortes chaleurs. Le corps est généralement habitué à se reposer pendant la nuit. À titre d’exemple, pendant la vague de chaleur de 2003 en France, le taux de mortalité était élevé dans les EHPAD car les températures étaient presque aussi fortes la nuit que le jour. Dans ce cas, le corps est soumis à un stress important. Il sera en hyperthermie et les organes ne fonctionneront plus normalement. Le corps humain est censé dissiper la température via la transpiration. S’il ne peut pas le faire, il y a une augmentation de la température corporelle et donc un dysfonctionnement des organes. 

Avec le dérèglement climatique, les extrêmes climatiques seront encore plus forts et fréquents, avec de plus nombreuses vagues de chaleur pendant l'été, des printemps très chauds et même cette année, un mois de février qui bat tous les records, en Inde et ailleurs dans le monde.

Sur le plan humain et physiologique, le corps s'adapte, mais la plus grande crainte en Inde en période de beau temps ce sont les épisodes de pollution qui y sont liés. Une forte activité solaire photochimique provoque notamment une forte génération d'ozone, un gaz incolore et inodore mais un polluant majeur, de par son effet de serre dans les basses couches de l'atmosphère.

En cas d'absence de vent, la stagnation des masses d'air aggrave ces épisodes de pollution, surtout s'il y a des sources locales importantes de particules fines. Donc le principal danger en Inde est moins la chaleur elle-même que la pollution favorisée par cet ensoleillement. Par exemple, au début du premier confinement, Paris a connu un épisode de pollution élevée malgré l'absence quasi-totale de voitures en circulation, et ce à cause d'un épisode de chaleur sans vent. En Inde, à l'avenir, les printemps seront de plus en plus chauds et ensoleillés, ce qui jouera sur les pics de pollution, dangereux pour la santé des populations à risque.

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Certains estiment que les températures atteintes en Inde sont les limites tolérables pour le corps humain, qu'en savons nous vraiment ?

Pendant l’été 2022, le mercure a dépassé les 46 degrés. Ce n’est pas une température record sur le globe. Dans de nombreuses régions du monde, des individus vivent sous ces températures. Le réel problème est la combinaison entre la température et l’humidité. En revanche, si la température est de 46 degrés et que l’humidité est de 80%, la situation est critique. On estime que cette « température de degré humide » est dangereuse quand elle dépasse les 32/33 degrés, ce qui ne s’est pas produit en Inde. Si ça avait été le cas, l’équilibre thermique entre la peau et l’extérieur risque de ne pas être maintenu. Le corps ne peut plus éliminer la chaleur, ce qui peut être fatal. 

Il y a plusieurs régions sur Terre où les températures dépassent les 40-50° l'été. Comment expliquer que le climat indien soit spécifiquement si dangereux ?

L'humidité joue un grand rôle dans ce problème. L'Inde connaît un phénomène particulier, la mousson, lors duquel les vents transportent des masses d'air très humide de l'océan indien vers le continent. La différence de température entre ces masses d'air provoque de très fortes précipitations, des pluies intenses qui nourrissent toute l'Asie du Sud-Est. Or le corps humain peut supporter ou bien une forte humidité ou bien une forte chaleur mais la combinaison de ces deux facteurs s'avère très dangereuse voire mortelle. En Arizona ou au Mexique, il peut faire beaucoup plus chaud mais aussi plus sec, ce qui réduit le risque pour la santé. En effet, l’air chargé d'humidité empêche la transpiration de s’évacuer. De plus, la majorité de la population n'a évidemment pas accès au luxe de la climatisation. Si vous combinez ces facteurs, vous arrivez à une situation de risque démultipliée. A contrario, à Dubaï, le phénomène d'air humide et pollué existe, mais la richesse du pays est telle qu'on ne le ressent jamais ; on se déplace d'hôtel en parking dans des voitures modernes et tout est climatisé. Plusieurs conditions contribuent donc à la vulnérabilité de cette région du monde.

L'Inde ne peut-elle rien faire pour se préparer au prochain été ?

La principale difficulté réside dans l’incertitude. Le pays subira-t-il une vague de chaleur ou une quinzaine ? C'est impossible à dire autant en avance. Tout juste peut-on observer une tendance, en étudiant la fréquence des vagues de chaleur sur une longue période. Prédire est possible, mais pas avec une grande précision. Les questions les plus importantes concernent l'effet de la moisson sur l'agriculture, le résultat des récoltes, les rendements… Ce sont les principales conséquences des vagues de chaleur sur la population. Pour le reste, il n'y a malheureusement pas grand-chose à faire à court terme. Plus largement, l'Inde devrait tenter de peser davantage au niveau international dans les négociations autour de la pollution, de la transition énergétique et du dérèglement climatique.

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