L'incivilité, conséquence néfaste du délitement du rôle éducationnel de la famille dans notre société<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
L'incivilité, conséquence néfaste du délitement du rôle éducationnel de la famille dans notre société
©Reuters

Bonnes feuilles

Repris à l’envi, les mots incivilité(s) et incivisme sont devenus le signe d’un profond malaise de nos sociétés démocratiques contemporaines, le symptôme de notre incapacité à vivre ensemble en République française. Extrait de Refaire communauté pour en finir avec l'incivisme de David Lisnard et Jean-Michel Arnaud, publié aux éditions Hermann.

David Lisnard

David Lisnard

David Lisnard est Président de l’AMF, Maire (LR) de Cannes et Président de Nouvelle énergie.

Voir la bio »
Jean-Michel Arnaud

Jean-Michel Arnaud

Jean-Michel Arnaud est vice-président de Publicis Consultants et directeur des publications de l’Abécédaire des Institutions. Cofondateur du quotidien gratuit, il est aussi vice-président de Metro International Newspapers et a présidé le groupe Domaines Publics. Conseiller du Commerce Extérieur de la France, il enseigne l’intelligence économique à l’université Paris-Descartes.

Voir la bio »

La sociabilité, c’est « l’aptitude générale d’une population à vivre intensément les relations publiques ». Or, force est de constater qu’aujourd’hui, l’intensité requise n’est pas toujours au rendez-vous... Nous vivons un délitement du lien social, ce dernier n’étant plus évoqué que pour déplorer son absence. Nos sociétés modernes – au sein desquelles la montée de l’individualisme est régulièrement pointée du doigt – auraient ainsi perdu le sens de la solidarité et du courage. L’indifférence, voire l’irréconciabilité entre les individus, prévalent désormais, quand au contraire on peut définir le lien social comme "ressortissant de situations où les oppositions auraient ou pourraient disparaître. Elles laisseraient place à l’entente, à l’accord, au bonheur choisis et assumés". Par ailleurs, on constate sur le plan local beaucoup d’élans caritatifs, de la solidarité et du bénévolat. Qu’en est-il donc exactement à l’horizon de nos sociétés contemporaines ?

"Si le lien social est souvent évoqué sur un ton au moins nostalgique sinon tout bonnement alarmiste, ce n’est pas seulement par paresse intellectuelle, c’est aussi pour de bonnes raisons. Un certain nombre d’évolutions, qui concernent tant la sphère privée que la sphère publique, donnent des arguments à ceux qui diagnostiquent une véritable crise du lien social ", explique Pierre-Yves Cusset dans les remarquables analyses qu’il fait de la notion. Quelles sont donc ces réalités qui sonnent le glas du lien social ?

D’abord, la déstabilisation de la famille. La crise du lien social trouve en partie ses origines dans les mutations d’une rapidité et d’une ampleur inouïes que l’institution familiale a éprouvées. Pour ne prendre qu’un chiffre : en 2017 près de 60 % des enfants naissaient hors mariage. C’était le cas de seulement 5 % d’entre eux en 1950. L’"explosion" du nombre de divorces signe la fragilité du lien conjugal contemporain – ou du moins sa transformation vers plus de volatilité : en 1960, pour 100 mariages on comptait 9,6 divorces ; cinquante ans plus tard (en 2015), on en compte 44,776. Ces séparations ont évidemment une incidence sur le premier lien social expérimenté par un individu, à savoir celui de la famille. C’est un fait, la famille ne socialise plus, ou moins : "Alors que la famille était en charge de la production d’un être pour la société, elle serait devenue un refuge contre la société"

Or, comme le rappelle d’ailleurs le petit Guide du civisme édité par la mairie de Cannes, l’éducation familiale est essentielle pour l’apprentissage de cette valeur. C’était d’ailleurs la croyance de nombreux sages et philosophes, à l’instar de Confucius : "Le père qui n’enseigne pas ses devoirs à son fils est aussi coupable que ce dernier s’il les néglige." Le problème, c’est qu’aujourd’hui, cette éducation familiale au civisme est mise à mal. Une des illustrations de ce phénomène s’observe en milieu scolaire dans les relations du trio enseignant-élève-parents, qui voient de plus en plus, en cas de conflit entre le professeur et son élève, des parents contester devant leur enfant l’autorité de l’adulte enseignant. Or, celui-ci transmet non seulement un savoir commun, mais représente la verticalité républicaine. Ces phénomènes sont accentués par l’explosion des familles monoparentales et parfois par l’absence paternelle ; et même quand les pères sont présents, on peut observer "une forme d’autonomisation de la culture des jeunes vis-à-vis de celle des adultes, autonomisation qui prend moins la forme du conflit que celle de l’indifférence. [...] La transmission des valeurs et des normes se fait de plus en plus horizontalement, que ce soit par l’intermédiaire des médias ou des groupes de pairs". Les réseaux sociaux, notamment, confisquent les premières expérimentations de la sociabilité et isolent les jeunes au sein même de l’institution familiale.

Extrait de Refaire communauté, de David Lisnard et Jean-Michel Arnaud (éditions Hermann)

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !