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L’immigration, grande oubliée de la politique de la ville version Macron
©Reuters

Discours

Le discours sur la politique de la ville prononcé à Tourcoing par Emmanuel Macron conforte dans l'idée que le président n'a pas prévu de révolution à ce niveau là.

Atlantico : Emploi francs, resserrement des territoires prioritaires aux quartiers prioritaires, soutiens aux crèches... Le plan de politique de la ville présenté par Emmanuel Macron mardi 14 novembre à Tourcoing correspond-il aux besoins du terrain ?

Laurent Chalard : Le plan de la politique de la ville présenté par Emmanuel Macron n’apporte rien de bien nouveau par rapport à ce qui se faisait auparavant, étant loin d’être « révolutionnaire », contrairement aux ambitions affichées par le Président de la République dans d’autres domaines, en particulier sur le plan économique. En effet, Emmanuel Macron, qui à sa décharge n’est pas du tout un spécialiste du sujet, a choisi de ne pas changer de paradigme, en continuant de dépenser massivement de l’argent dans une politique que la majorité des experts juge inefficace, plutôt que de s’attaquer au fond du sujet, qui est la question de la gestion de l’immigration extra-européenne, dont les quartiers paupérisés des grandes métropoles sont le principal réceptacle. Continuer de mener une « politique de la ville » sans parler d’immigration, c’est l’assurance de la pérennité des problèmes. Or, l’immigration est une question, qui n’est pas insurmontable, mais, tout à fait, gérable, sous réserve que l’on commence par appeler un chat un chat.

Le discours sur la politique de la ville d'Emmanuel Macron à Tourcoing (ville dont son ministre Gerald Darmanin a été maire) propose de concentré les aides aux zones les plus concernées et préoccupantes. Si dans le fond, cette proposition semble louable, ne faut-il pas craindre qu'elle soit inopérante car en retard ? En effet, les données utilisées pour désigner les quartiers populaires datent de 2014 et semblent négliger la mobilité urbaine ? Ne serait-il pas souhaitable de faire des plans qui prennent en compte l'évolution prochaines des villes plutôt que de se contenter d'une politique correctrice ?

Concentrer les aides financières vers les quartiers les plus prioritaires évite effectivement le saupoudrage de l’argent public, qui conduit traditionnellement à ne pas faire grand-chose partout. Cependant, le problème de toute politique territorialisée est qu’elle a tendance à plus se consacrer au territoire en lui-même et ses spécificités géographiques qu’aux moteurs de la pauvreté, qui, eux, ne sont pas spécifiques à un territoire particulier, mais à des individus, en l’occurrence dans les quartiers concernés, une large part de populations issues de l’immigration extra-européenne. 

Concernant l’interrogation sur la mobilité urbaine, l’Etat a tendance à avoir une vision fixiste des territoires, comme si les territoires les plus problématiques le demeuraient pour toujours. Or, l’analyse des évolutions socio-démographiques sur le moyen-terme montre que les territoires les plus prioritaires à un instant T, ne le sont plus forcément la décennie suivante car les politiques massives de destruction de logements dans le cadre des programmes ANRU a réduit leur population et donc la surconcentration de populations problématiques. Un bon exemple est la commune de Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne, où la cité Balzac, de sinistre réputation du fait de l’affaire Sohane en 2002, en partie rasée et largement reconstruite depuis, a vu son profil socio-démographique se « normaliser » dans le contexte local, c’est-à-dire qu’il est passé de catastrophique à mauvais, alors que d’autres quartiers de la commune se sont corrélativement appauvris du fait de la dispersion de la population à problème sur l’ensemble du territoire communal. La cité Balzac n’est plus le « quartier chaud » de Vitry-sur-Seine, mais d’autres ont pris le relais. 

Par définition, comme il est impossible de prévoir quels seront les futurs quartiers prioritaires, il est plus efficace d’agir sur les individus que de manière territorialisée 

Le discours d'Emmanuel Macron a particulièrement été marqué par l'attention accordée à la radicalisation. La question de l'hébergement ne devrait-elle pas plutôt porter le Président à réfléchir à une politique de la ville adaptée à l'immigration ?

Effectivement, l’entrée par la radicalisation concernant la politique de la ville apparaît problématique, car elle est très stigmatisante et fait référence indirectement à l’immigration, sans jamais la nommer et en ne retenant que le côté le plus terrible du phénomène ! Or, si Monsieur Macron souhaite réellement agir contre ce problème, qui est loin de toucher uniquement les quartiers les plus paupérisés des grandes métropoles (le nombre d’arrestation de présumés sympathisants de l’islamisme radical dans des quartiers plutôt calmes des grandes métropoles vient en témoigner), il serait souhaitable qu’il s’attaque au moteur du problème, qui est l’existence de flux migratoires continus d’origine extra-européenne depuis plusieurs décennies, la France se distinguant au sein de l’Union Européenne par sa quasi-absence de gestion de ces flux. En effet, la France accueille chaque année légalement des immigrés en nombre sans s’occuper de leur devenir sur notre territoire, que ce soit au plan de leur insertion sur le marché du logement, du travail ou dans les domaines culturel et éducatif. Tout est donc à construire ! La France a beaucoup plus besoin d’une politique d’immigration, avec un volet urbain, que d’une politique de la ville, véritable « politique de l’autruche », faisant l’impasse sur le moteur des problèmes, l’immigration. Dans ce cadre, il est assez surprenant de constater qu’Emmanuel Macron ne parle jamais de multiculturalisme, ce qui aurait pu constituer une meilleure entrée en matière que la radicalisation.

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