L’IA va bouleverser le financement du modèle social mais personne n’ose encore parler<!-- --> | Atlantico.fr
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Un robot humanoïde modèle Ameca de la société britannique Engineered Arts et doté d'intelligence artificielle est présenté au CES 2022, le 5 janvier 2022, à Las Vegas, dans le Nevada
Un robot humanoïde modèle Ameca de la société britannique Engineered Arts et doté d'intelligence artificielle est présenté au CES 2022, le 5 janvier 2022, à Las Vegas, dans le Nevada
©Ethan Miller / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Atlantico business

L’intelligence artificielle est en train de s’imposer dans beaucoup d’activités en modifiant profondément l’organisation du travail, mais l’IA va aussi nous obliger à changer profondément la fiscalité, ce dont personne ne parle.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L’arrivée très rapide de l’intelligence artificielle dans les entreprises, les services de l’administration et la vie quotidienne a déjà alimenté une multitude de débats sur les mutations que cette technologie va entraîner dans l’organisation du travail notamment. 

Les activités très répétitives sont déjà impactées parce que les robots et les logiciels d'IA peuvent très bien faire une grande partie du travail. C’est vrai dans l’industrie. Ce sera très rapidement le cas dans les services : la banque, l’assurance, la comptabilité, le travail juridique… 

Chaque jour nous apporte l'état de cette invasion technologique. Les syndicats sont les premiers à réagir parce que c’est l’emploi qui est touché . Les syndicats  sont partagés entre le besoin de protéger des emplois existants et la nécessité d’assumer les effets de cette modernité technologique qui apporte aussi beaucoup de productivité. 

En fait, personne ne sait si l’intelligence artificielle permettra de créer autant d’emplois nouveaux qu’elle en détruira de plus anciens. Cette transition vers l’IA va évidemment mobiliser autant d’attention que la transition digitale, écologique ou climatique. La destruction créatrice chère à Schumpeter va inéluctablement fonctionner. Ce que l’on ne sait pas en général, c’est comment gérer la transition des hommes et des femmes concernés. Beaucoup de professions sont déjà très inquiètes pour leur avenir. Les usines sont déjà très robotisées, mais les médecins s’interrogent sur leur métier le jour, très proche, où les diagnostics comme les prescriptions sortiront de l’ordinateur. Les avocats, les comptables, les scénaristes, les écrivains, les correcteurs, les traducteurs, et les interprètes, et même les acteurs, se voient disparaître et remplacés par la fougue et la rapidité de ChatGPT.

En termes d’emplois, la productivité se traduira évidemment par des pertes d’emplois. Et le raccourcissement de la durée du travail . Le seul moyen de limiter les dégâts sociaux sera d’activer les leviers de la formation, la mobilité, la flexibilité et la découverte de nouveaux jobs.

Dans cette perspective foisonnante d’innovation et de stress, se cache une révolution dont personne ne parle parce que tout le monde est désarmé. C’est la révolution fiscale, dans la mesure où l’IA, en supprimant des pans entiers de travail, va aussi supprimer une grande partie de la base fiscale et particulièrement l’assiette des ressources du modèle social. Actuellement, les ressources qui alimentent le fonctionnement de l’État et le modèle social sont perçues principalement sur le travail humain. Qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, et surtout du montant des charges sociales (retraite, assurance maladie, assurance famille, chômage, etc.), ces recettes fiscales représentent près de la moitié du total des besoins de l’État et surtout la totalité des ressources de  la sphère sociale. Le reste est alimenté par la TVA (impôt à la consommation), les impôts de production et les impôts sur les profits d’entreprise.

Le principal effet de l’IA va donc être de créer une rupture très importante dans les ressources du modèle social et par conséquent dans tous les mécanismes de redistribution. 

En touchant à la base de financement social, la mutation IA va nécessiter des choix politiques draconiens, d’autant que dans le même temps, il est probable que l’État perde une partie des contributions perçues sur le pétrole remplace par des energies propres. De deux choses l’une : ou bien on diminue la sphère du modèle social et donc son coût, ou alors on trouve des alternatives de financement. Certains ont déjà imaginé que les robots paient une part des charges sociales, mais surtout il faudra inventer d’autres impôts, sur les batteries de voiture par exemple, ou plus sûrement sur les gains de productivité liés à l’IA. Cette obligation de réécrire le modèle social nécessiterait une pédagogie très pointue, mais pour l’instant, le débat n’est pas ouvert.

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