L'huile de palme : un fléau très rentable… pour ceux qui ont fait de sa critique leur fonds de commerce médiatique<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
L'huile de palme : un fléau très rentable… pour ceux qui ont fait de sa critique leur fonds de commerce médiatique
©Reuters

Intox

"Un fléau si rentable : vérités et mensonges sur l'huile de palme", essai d'Emmanuelle Grundmann paru le 28 août, illustre bien la désinformation scientifique à l'oeuvre sur le sujet des palmiers à huile.

Stéphane Adrover

Stéphane Adrover

Stéphane Adrover anime le blog Imposteurs qui s'attache à dénoncer l'obscurantisme scientifique depuis maintenant plus de 10 ans.

Voir la bio »

Depuis la naissance du blog Imposteurs, nous avons beaucoup parlé de la désinformation scientifique sur les OGM, jamais de l’Huile de palme. Or s’il est un sujet qui monte actuellement, c’est bien celui de l’industrie des palmiers à huile. On a vu récemment un grand reportage sur France 5 ou encore un Talk show sur RTL.be dans lesquels les "experts" diabolisent sans concession l’industrie du palmier à huile, à un tel point que les petits producteurs se sont mis à dénoncer une véritable campagne de dénigrement. Nous nous devions d’aller voir d’un peu plus près les arguments qui font que de toutes parts des médias, des politiques, mais également des professionnels de la distribution, s’en prennent à l’huile de palme. La parution d’Un fléau si rentable, le dernier ouvrage d’Emmanuelle Grundmann, nous a paru une occasion idéale pour une entrée en matière sur le sujet. Or là, comme sur de nombreuses autres thématiques de pseudoscience, la simple analyse de la présentation de l’ouvrage nous a permis de constater que les mêmes mécanismes étaient mis en œuvre.

Notons tout d’abord que l’éditeur présente ce travail sur l’huile de palme comme "a première enquête documentée, rigoureuse et impartiale sur ce nouvel or 'vert' qui fait le tri entre les vérités et les mensonges qui polluent le débat." De fait, nous ne sommes pas en mesure de discuter du contenu détaillé de cet ouvrage à paraître, mais sa supposée crédibilité et son impartialité tant vantées a priori par l’éditeur apparaissent d’ores et déjà très douteuses, et laissent craindre le pire.

Allons faire un tour sur la bibliographie de madame Grundman. Wikipédia nous annonce un beau palmarès : en tout, seize ouvrages consacrés essentiellement aux primates et aux forêts. Tout ceci est fort crédible pour une auteure qui se présente comme une biologiste naturaliste et un reporter animalier française. On apprend également qu’elle est spécialiste de la protection de la réintroduction des grands singes en Afrique et en Asie et qu’elle est présidente de l’Association Awely dont l’objectif est de limiter les conflits entre les hommes et les animaux partout dans le monde.  La question qui se pose à la veille de la parution du livre un Fléau si rentable est : comment passe-t-on de la promotion du monde animalier à un livre de propagande «anti-huile de palme» ? Il y a là, comme qui dirait, un chaînon manquant qui mérite d’être élucidé.

La thèse courue actuellement par les ONG environnementaliste et relayée à volonté par la plupart des médias est que la culture du palmier à huile participe à la déforestation, plus que de mesure ou que les autres cultures. Et notre auteur semble bien aller dans cette direction "La culture intensive du palmier à huile, une plante originaire d’Afrique, est si lucrative qu’elle a envahi toute la ceinture tropicale de la planète, avec des effets ravageurs sur les biotopes, la biodiversité et les populations autochtones." Or il suffit de faire quelques recherches "impartiales" et "rigoureuse" pour trouver :

a)    Que la culture en question n’est pas la première cause de la déforestation au niveau mondial. Ainsi comme le montre le rapport de l’UNFCC l’ensemble des cultures commerciales (maïs, soja, huile de palme, café, cacao, bananes...) ne représentent que 20% de la déforestation mondiale.

b)     Ensuite, on n’est pas toujours obligé de déforester pour cultiver le palmier à huile. Selon un expert du CIRAD, la part de la déforestation indonésienne directement imputable à la culture de palmiers à huile entre 1990 et 2005 est seulement de 3 millions d’ha, sur les 21 millions disparus. Si l’objectif est bien de démêler le vrai du faux, comme cela est annoncé, pourquoi le résumé de l’ouvrage semble-t-il si tranché sur le sujet ? Pourquoi un tel titre, laissant augurer un réquisitoire dans la droite lignée des "documenteurs"  de Marie-Monique Robin ?

Ensuite, concernant la thématique santé : là encore, le synopsis de l’ouvrage nous assène une vision sans concession : "Et ses propriétés nutritives ? Elles sont mises en cause de façon insistante par de nombreuses ONG et agences pour la protection de la santé publique du fait de sa haute teneur en acides gras saturés, synonyme d’obésité chez les consommateurs ayant peu accès aux produits frais."  On se demandera déjà de quelle expertise se réclame l’auteur pour étayer ces propos sur les aspects nutritifs de l’huile de palme . S’appuyer sur les "ONG", un euphémisme pour désigner les activistes verts, est-il vraiment un gage de sérieux scientifique ?

De fait, on constate que sur le sujet, la communauté scientifique est beaucoup plus mesurée et développe des thèses qui empêchent toute généralisation, pour ne pas dire diabolisation. D’autre part, l’éventuelle nocivité doit être rapportée à son apport réel d’acides gras saturés,  compte tenu  du régime alimentaire des gens qui en consomment..L’huile de palme, est notamment exempte des acides gras trans résultant de l’hydrogénation d’autres huiles utilisées dans l’industrie et dont l’AFSSA recommandait de réduire l’utilisation, et  ne représenterait ainsi que 5% des acides gras saturés du régime alimentaire moyen d’un français. Signalons enfin le rôle important qu’elle joue dans certains pays africains dans la réduction des carences en vitamine A. De là à imaginer que l’argument sanitaire n’est qu’un alibi dans la campagne contre l’huile de palme et dans l’ « amendement Nutella » proposé par EELV à l’assemblée nationale, il n’y a qu’un tout petit pas.

Comment, à la suite de ces quelques remarques, peut-on encore espérer de la «rigueur» ou de « l’impartialité» pour cet ouvrage qui va sortir ? Ces termes habituellement réservés à l’information scientifique ne semblent pas appropriés au contenu annoncé de ce livre. L’auteur étant spécialiste des grands singes, se préoccuper de la déforestation est légitime. Mais reconnait ici la méthode Greenpeace qui a envahi tous les esprits écolos : on trouve un marqueur et on pilonne jusqu’à en perdre la raison. Il semble plus facile de blâmer un type de culture que de parler de la question de la déforestation dans son ensemble. On capte l’attention des gens en leur faisant peur sur un sujet de santé avec des arguments jamais totalement fondés et en leur montrant des photos chocs. La méthode est connue et éprouvée. On aurait aimé un livre qui démêle le vrai du faux sur ce sujet tant débattu. Hélas, il semble qu’une fois de plus, on tombe sur un brûlot militant dans lequel l’auteur a trouvé un bouc-émissaire qui lui permet de servir sa cause …et de vendre des livres. Une chose est certaine : cela ressemble à tout sauf de la science... si au moins on pouvait encore appeler cela du journalisme !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !