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L’Europe de la Défense fait (enfin) un véritable pas en avant
©The U.S. Amry/Flickr

Armée européenne

L'annonce de la signature prochaine d'un "pacte de la défense" par les ministres de la Défense de l'Union européenne lundi 14 novembre s'explique notamment par le soutien de l'OTAN au projet, mais aussi par le Brexit.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Quelle "Europe de la Défense" préparent aujourd'hui les ministres de la Défense de l'Union européenne au lendemain de l'annonce de la signature prochaine d'un "Pacte de défense" ?

Cyrille Bret : Cette annonce est destinée à remédier à trois difficultés majeures. La première est de court terme : c’est la préparation du Brexit et la sortie possible de l’UE d’une des deux grandes puissances militaires avec la France. Avec la sortie du Royaume-Uni, l’Europe de la défense risque de perdre sa « deuxième jambe » autrement dit sa deuxième puissance nucléaire membre du Conseil de sécurité de l’ONU et capable de projection internationale. Deuxième difficulté, c’est le niveau très bas des dépenses militaires en Eirope, notamment  en matière d’équipement. Rares sont les Etats membres qui, comme les Etats baltes ou la Pologne, ont fixé le cap vers les 2% du PIB en dépense de défense. Enfin, la troisième difficulté est constituée par la conviction, largement répandue en Europe selon laquelle la défense est soit une affaire strictement nationale soit une question à traiter dans l’OTAN. La signature du Pacte de défense par 20 pays constitue un nouveau jalon dans la longue histoire de l’Europe de la défense très souvent chaotique.

La question du leadership et de la ligne budgétaire divise-t-elle la France et l'Allemagne comme cela est souvent décrit ?

Ce qui sépare la France et l’Allemagne est une asymétrie croisée. D’un côté, l’Allemagne dispose de ressources budgétaires conséquentes et d’une Base industrielle technologique et commerciale performante mais d’une réticence historique depuis 1945 à utiliser l’outil militaire comme instrument de puissance. De l’autre, la France, puissance militaire capable d’interventions lointaines, est dans une position budgétaire moins favorable et est contrainte de reporter à 2025 l’atteinte du cap des 2% du PIB consacré aux dépenses militaires hors pension. Ces positions symétriques constituent la principale pierre d’achoppement à la construction d’une Europe de la défense.

Quel rôle joue le Brexit, alors qu'on sait que les Britanniques étaient très défavorables à la prise en main de la défense par l'Europe ?

Le Royaume-Uni a souvent soufflé le chaud et le froid sur les questions de défense. D’un côté, ils ont été les promoteurs d’initiatives avec la France dans le domaine des capacités et des doctrines militaires à travers l’esprit de Saint-Malo, etc. Mais d’un autre côté, ils ont toujours veillé à préserver leur relation spéciale avec les Etats-Unis en termes de partage des technologies, des informations et des missions. Le Brexit change la donne en Europe, surtout depuis que le président Trump a critiqué le fonctionnement de l’OTAN. En effet, de plus en plus d’Etats européens traditionnellement attachés au parapluie militaire américain se demandent si les Etats-Unis sont désireux d’assurer leur sécurité.

Quels rôles jouent les petits pays de l'Union européennes, dont certains ont fortement accrus leurs dépense en armement ces dernières années ?

Les Etats membres dont la population ou les budgets de défense sont limités (Etats baltes, Suède, Pays-Bas, Pologne) sont actuellement engagés dans une prise de conscience stratégique en raison de la résurgence de la puissance militaire russe : la réduction des équipements et des troupes n’est plus viables à l’heure où les Etats puissances font leur retour ou leur apparition, comme la Chine dans l’espace arctique ou la Méditerranée orientale. Petit à petit, en participants aux opérations extérieures en Afrique ou au Moyen-Orient ils marquent leur solidarité symbolique et opérationnelle avec les objectifs de sécurité et de défense des « grands pays » traditionnellement plus investis dans ces dimensions. 

Pourquoi l'Otan, longtemps défavorable à ce projet jugé concurrent et émancipateur soutient-elle aujourd'hui le projet européen ? S'agit-il de la marque de la vision stratégique plus bilatérale demandée par Donald Trump à ses alliés ? Ou plutôt d'une manière d'encourager les actuels membres de l'Otan à atteindre la barre des 2% ?

Plusieurs facteurs jouent. Premièrement, le président américain a, une fois de plus, appelé au « partage du fardeau » autrement dit a demandé aux Européens de s’investir davantage dans leur propre défense notamment sur le plan budgétaire et financier. Deuxièmement, l’OTAN a retrouvé sa vocation historique d’alliance militaire faisant face à la puissance militaire russe sur le Vieux continent, notamment à partir du sommet de Varsovie de 2016 où a été consacré le déploiement et la rotation de troupes dans les Etats baltes. Troisièmement, les Etats européens en prise directe avec l’espace russe mesurent à la fois le retard qu’ils ont pris en cherchant les « dividendes de la paix » et l’avance prise par les forces armées russes à partir du lancement de leur plan de modernisation en 2009.

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