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Un électeur dépose son bulletin de vote pour le second tour de l'élection présidentielle dans un bureau de vote à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 24 avril 2022.
Un électeur dépose son bulletin de vote pour le second tour de l'élection présidentielle dans un bureau de vote à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 24 avril 2022.
©Theo Rouby / AFP

Citoyenneté

Une tribune de Philippe Lassauce, Porte-parole de l'Association des Citoyens Français de Nouvelle Calédonie (ACF NC).

Philippe Lassauce

Philippe Lassauce

Philippe Lassauce est  porte-parole de l’association des citoyens français de Nouvelle-Calédonie.
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Dans un communiqué envoyé dans la nuit du mardi 26 au mercredi 27 décembre, l'État a apporté des précisions sur les deux projets de loi qu'il va présenter aux parlementaires l'année prochaine. Le gouvernement français s'appuie sur la décision du Conseil d'État du 7 décembre, rendue publique le 26 décembre. Les élus réunis en Congrès (Assemblée nationale et Sénat) à Versailles devront s'exprimer "au premier semestre de l’année 2024" sur un projet de loi constitutionnelle réformant le corps électoral calédonien, gelé depuis l'Accord de Nouméa de 1998. Le texte entend l'élargir, pour les prochaines provinciales, à tous les citoyens nés ou domiciliés en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans.

L’État joue-t-il à l’apprenti sorcier avec le devenir de la Nouvelle Calédonie ?

Le dernier vote du 12 décembre 2021, où seulement 80% des résidents français avait le droit de participer, le non à l’indépendance de la Nouvelle Calédonie l’emporte massivement. Place est maintenant aux négociations sur le devenir de l’ile, entre représentants politiques loyalistes et indépendantistes, et plus particulièrement sur la définition des listes électorales pour les élections provinciales (assemblées locales spécifiques à la Nouvelle Calédonie).

Pour cela, l’État français n’a rien trouvé de mieux que de pérenniser dans notre Constitution lacréation d’une citoyenneté calédonienne au sein de la citoyenneté française. Ce projet, aux airs anecdotiques vu de loin, est en fait une véritable boite de Pandore qui pourrait avoir des répercussions sur l’intégrité même de notre République à terme. En effet, en contradiction avec l’article 3 de la Constitution, le projet introduit sur le territoire calédonien, qui fait désormais durablement partie de la France, une division entre les résidents français qui sont aussi des citoyens calédoniens et qui auraient ce droit de vote et les quelques 20 000 citoyens français qui en resteraient exclus.

Ce projet revient à détricoter petit à petit notre pays en une fédération à l’américaine avec des régions et territoires autonomes assortis de droits particuliers notamment pour désigner les baronneries d’élus locaux. Ce projet calédonien incitera sans aucun doute d’autres régions de France ou territoires français à revendiquer un statut analogue afin de privilégier les communautés locales au détriment du suffrage universel, et de l’indivisibilité de la république : Corse, Pays Basque, Bretagne, l’Alsace, la Guadeloupe… que restera-t-il de notre belle France ?

Un tel changement de société devrait être soumis à l’approbation de l’ensemble des Français et en aucun cas le résultat d’une négociation sectorielle pour satisfaire quelques élus nantis de Nouvelle-Calédonie qui tiennent à garder leur mainmise !

Par trois fois, les Calédoniens, habilités à donner leur avis, ont choisi de rester dans la France et le processus d’autodétermination prévu par l’Accord de Nouméa est désormais arrivé à son terme. Le titre XIII de notre Constitution fût écrit afin de limiter temporairement les droits de vote de certains citoyens français et de créer une citoyenneté calédonienne ayant vocation à se transformer en nationalité en cas d'accession à la pleine souveraineté. L’État propose de pérenniser cette citoyenneté et d’accorder le droit de vote pour les élections provinciales, sous réserve d’une durée de résidence minimale de 10 ans, dérogeant ainsi au droit commun et aux valeurs fondamentales de notre Constitution. Ainsi, des citoyens français seraient exclus de ce droit de vote, exclus de choisir leurs représentants pour par exemple voter les impôts de compétence calédonienne, en contradiction avec l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC) qui a valeur constitutionnelle, et ils pourraient, de fait, ne plus consentir à l'impôt dans le nouveau statut. C’est un peu comme si nous créions une citoyenneté parisienne qui donnerait le droit d’élire le maire seulement pour des résidents établis pour plus de 10 ans dans la capitale. Même si cela permettrait peut-être aux parisiens d’éviter des catastrophes comme Mme Hidalgo, il n’est reste que l’intégrité et l’égalité des citoyens dans la république sont ainsi rompues.

Notre association « Association des Citoyens Français de Nouvelle-Calédonie » (ACF NC) propose de rétablir le droit de vote aux élections provinciales de plus de 40,000 Français résidants en Nouvelle-Calédonie qui en sont exclus depuis plus de 24 années (soit environ 20% des électeurs du territoire), dans un déni complet de démocratie, sachant que ces mêmes citoyens français peuvent élire leur député en Nouvelle-Calédonie. Nos propositions, au contraire, conformes avec les principes fondateurs de notre République, consistent à redonner le droit de vote à tous les citoyens français de Nouvelle Calédonie, pour la désignation de leurs représentants et de définir une liste électorale restreinte uniquement pour les questions d’autodétermination ce qui permettrait une libre émancipation des territoires ultramarins qui le souhaiteraient. Nous en appelons aussi aux élus de la République et garant de la Constitution à la vigilance sur le sujet.

Par M. Philippe LASSAUCE

Porte-parole

Association des Citoyens Français de Nouvelle Calédonie (ACF NC)

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